LE QUOTIDIEN : La Cour des comptes a suggéré de fermer les maternités qui réalisent moins de 300 accouchements par an et les petites structures qui ne se mettent pas en conformité immédiatement. Est-ce votre avis ?
Pr GUY VALLANCIEN : Les « sages » ont absolument raison, même si leur diagnostic se fonde sur une analyse économique et non médicale. La situation est la suivante : d’un côté, les petits établissements de niveau I choient les mères et leurs enfants avec une sécurité médicale discutable ; de l’autre, la gentillesse des personnels et le temps passé auprès de la parturiente dans les usines à bébé hautement sécurisées sont pour le moins aléatoires. C’est une situation déplorable.
Cela prouve aussi que le rapport entre la qualité des soins médicaux et le volume d’actes annuel est une réalité. Je propose donc sans hésiter d’augmenter le seuil légal minimum annuel à 500 accouchements par maternité. Regardez la Suède : une naissance sur deux a lieu dans une structure réalisant plus de 3 000 accouchements par an (contre 23 % en France) et le taux de décès pendant la grossesse ou l’accouchement est l’un des plus faibles d’Europe.
Que faire pour améliorer les soins et la sécurité dans les petites maternités qui sont maintenues ?
C’est un faux débat. Les petites maternités ne sont pas nécessaires aux petites villes. Nous devons prendre du recul, comme l’a fait, une fois encore, la Suède. Les hôpitaux de ce pays ont bien compris qu’un accoucheur n’est pas une évidence en soi pour toutes les femmes enceintes ! On peut tout à fait démédicaliser certaines structures et miser sur une "armada" de sages-femmes, d’autant qu’au final, le grand hôpital voisin n’est jamais très loin. On éviterait ainsi des milliers de césariennes inutiles et les quelque 70 décès annuels pour cause d’hémorragie de la délivrance. En somme, on conserverait un service de proximité avec plus de sécurité. Il faudrait également multiplier les expériences comme les hôtels hospitaliers et les maisons de naissance. Encore une chose que la Suède a comprise.
Certains jugent néanmoins que fermer une petite maternité est plus risqué que de la laisser ouverte...
Je connais bien ce discours ! C’est celui des médecins de campagne et des élus locaux, ceux qui le samedi arborent leur écharpe tricolore et défilent en tête de cortège pour sauver "leur" maternité, derrière une banderole réclamant l’égalité d’accès aux soins pour tous.
Quand comprendront-ils qu’en conservant ces structures, ils obtiennent exactement l’inverse ? Les inégalités s’aggravent. Les vieux, les pauvres et les patients handicapés se soignent sur place, les autres fuient. Ce genre de posture politique est insupportable ! Tiendraient-ils le même discours s’ils avaient à endosser la responsabilité des spécialistes de bloc opératoire en cas de pépin ? Je comprends l’exaspération des gynécologues-obstétriciens du SYNGOF (le syndicat national, NDLR) qui expliquent que derrière la notion de sécurité dans les maternités de proximité se cache la problématique de la pénurie médicale. Raison de plus pour "démédicaliser" le plus possible l’accouchement, acte naturel s’il en est.
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