La réussite d’une intervention chirurgicale dépend de nombreux facteurs : la dextérité du chirurgien, la bonne indication opératoire, l’organisation de la salle d’intervention et la gestion du flux des patients. Les retards à la rotation dans leur entrée en salle ont un impact sur le niveau de stress des patients (d’autant plus qu’ils sont à jeun) et leur satisfaction opératoire. Pour les chirurgiens, les temps d’attente sont à l’origine d’une irritation qui peut affecter leurs performances et entraîner des dommages involontaires.
Arnaud Pasquier et coll. (université Claude-Bernard, Lyon, Unité Inserm U1290) ont mis en place une étude observationnelle prospective qui a été menée du 1er novembre 2020 au 31 décembre 2021 dans 14 services de chirurgie de quatre hôpitaux universitaires, couvrant diverses disciplines chirurgicales. Toutes les interventions chirurgicales électives de 45 chirurgiens traitants ont été analysées, évaluant les retards dans le démarrage des opérations et les temps d'attente inter-interventionnels supérieurs à une ou deux heures (en comparant l'heure de début prévue et l'heure réelle de l'opération). L’objectif de cette étude multicentrique était d’analyser la relation entre l'exposition d'un chirurgien à des retards excessifs dans le démarrage des opérations programmées et les résultats pour les patients.
Le critère d'évaluation principal était les événements indésirables majeurs dans les 30 jours suivant l'opération. Ces événements (critère composite) comprenaient la mortalité peropératoire ou postopératoire, un séjour après l'intervention chirurgicale en unité de soins intensifs (USI) pendant au moins deux nuits ou en unité de soins intermédiaires (Usim) pendant au moins cinq nuits en raison d'une défaillance d'organe, une réopération non planifiée pour complications découlant de l'intervention initiale et des complications peropératoires ou postopératoires classées comme graves.
Retards considérables dans 5,8 % des cas
La population étudiée comprenait 8 844 opérations, impliquant des procédures orthopédiques (27,1 %), gynécologiques (22,3 %), digestives (20,8 %), urologiques (9,2 %), endocriniennes (8,5 %), cardiaques (7,8 %) et thoraciques (4,3 %). Les opérations ont été principalement réalisées sous anesthésie générale (77,3 %) et par voie ouverte (60 %). Les patients présentaient en moyenne 2,3 comorbidités et 22,7 % avaient un grade ASA III ou supérieur (patient atteint d'une maladie générale grave mais non invalidante ou patient atteint d'une maladie générale mettant en jeu le pronostic vital).
Les retards inattendus dans la rotation des patients ont dépassé une heure pour 352 opérations (4 %) et deux heures pour 154 (1,8 %) opérations. Les temps d'attente entre les cas chirurgicaux dépassant une et deux heures ont affecté respectivement 2 955 opérations (71,4 %) et 654 opérations (15,8 %). Des événements indésirables majeurs sont survenus en lien avec 1 319 opérations (14,9 %) : 1 228 complications peropératoires ou postopératoires (13,9 %), 392 réopérations non planifiées (4,4 %), 188 séjours prolongés en USI/Usim (2,1 %) et 49 décès de patients (0,6 %).
Une planification fiable des opérations et une rotation fluide des patients sont des éléments clés de l'organisation
Un retard de plus d’une heure dans le début d’une opération programmée était lié à un taux accru du critère composite principal (21,6 % contre 14,4 %, p= 0,039), tout comme un retard de plus de deux heures (26,0 % contre 14,4 % p = 0,003). Les temps d’attente entre les cas opératoires supérieurs à une heure étaient associés à un taux plus élevé du critère composite (13,9 % contre 5,3 %, p < 0,0001), tout comme ceux à deux heures (20,2 % contre 9,8 % p= 0,001). Ces résultats sont restés cohérents lors de l’analyse séparée de chaque type d’exposition et d’événement indésirable.
Prendre en compte la charge de travail
Une planification fiable des opérations et une rotation fluide des patients sont donc des éléments clés de l'organisation du bloc opératoire. L'optimisation de la rotation du bloc pour éviter les retards et les temps d'attente est essentielle pour la sécurité des patients. L’anticipation de la charge de travail du chirurgien et des cas complexes tout au long de la journée, ainsi que la prise en compte de l’implication des internes en formation lors des opérations et la gestion du turnover au sein de l’équipe infirmière, sont également reconnues comme des facteurs clés pour améliorer l’efficacité et la sécurité.
Pasquer A, Cordier Q, Lifante JC et coll. Influence of a surgeon's exposure to operating room turnover delays on patient outcomes. BJS Open. 2024 Sep 3;8(5):zrae117
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