Très attendue par les praticiens hospitaliers, la réunion de ce mardi 23 juin sur la revalorisation des carrières et des rémunérations des médecins à l'hôpital public a tourné court, les syndicats médicaux et les internes* décidant de claquer la porte.
À l’origine de ce coup de sang, une semaine avant la fin officielle du Ségur de la santé : la lecture du « document de travail préparatoire » remis par le ministère en préambule à la réunion, et que s'est procuré « Le Quotidien ». Cinq pages, trois axes, seize mesures mais surtout, pour les PH, beaucoup trop de « trous » et de « pointillés » là où devraient figurer des éléments chiffrés de rémunération et de calendrier.
Indemnité d'engagement de service public exclusif : le flou
Dans ce document de travail, le gouvernement inscrit dans le marbre la « revalorisation » des indemnités d'engagement de service public exclusif (IESPE) et la création dans ce cadre « d'une nouvelle tranche de majoration » pour les PH arrivés à un certain point de leur carrière, mais sans donner de chiffres. À ce jour, ce bonus est versé aux praticiens qui s'engagent – pour une période de trois ans renouvelable – à ne pas exercer une activité libérale. C'est le cas de neuf PH sur dix en centre hospitalier et huit PH sur dix en CHU. Le montant actuel de l'IESPE est de 490,41 euros mensuels et – pour la deuxième tranche – de 700 euros brut pour un minimum de 15 ans sans activité libérale. « Une première tranche de la revalorisation de l'IESPE sera mise en œuvre en 2021 », indique le gouvernement sans précision.
Premiers échelons supprimés
Autre mesure avancée par l'exécutif : la suppression des premiers échelons de la grille salariale des PH, « conformément à l'engagement de Ma santé 2022 », lit-on. Le document du Ségur de la Santé fait état à ce stade de la « suppression des trois premiers échelons » – quand le plan hôpital de novembre 2019 évoquait la fusion « des quatre premiers échelons ». Sur les 44 000 PH en activité, seuls 2 500 sont au quatrième échelon, 670 au troisième échelon et une poignée seulement au deuxième et au premier, selon les chiffres du Centre national de gestion (CNG).
En corollaire, la création de nouveaux échelons « en sommet de grilles pour permettre de renforcer la fidélisation des PH en fin de carrière » « sera étudiée », promet le gouvernement. Des propositions sans doute loin d'être à la hauteur des attentes d'augmentations générales des grilles salariales.
Mieux payer les internes, valoriser les valences non cliniques
Les grilles de rémunération des internes seront « également revalorisées », acte le document. Là encore, le document ne contient aucun chiffre alors que les intéressés ont fait des propositions précises.
Arlésienne, la « reconnaissance » des activités non cliniques « par la valorisation de valences spécifiques » (« recherche, enseignement, gestion de projets, fonctions institutionnelles, coordination de filières territoriales ») est au programme. Le gouvernement y ajoute la « reconnaissance » et la création de « passerelles entre spécialités médicales afin de permettre des secondes parties de carrière plus adaptées ». Quelle forme prendront ces mesures ? Mystère.
Intérim « interdit »
Le ministère n'oublie pas la grosse épine de l'intérim médical, gouffre financier qui exaspère nombre de praticiens hospitaliers soucieux de valoriser davantage le statut que l'emploi contractuel (l'intérim avait été évalué en 2013 à 500 millions d'euros annuels par Olivier Véran, alors député). Il faut « rendre impossible la rémunération des médecins intérimaires au-delà des conditions réglementaires », durcies par Agnès Buzyn en 2019 mais dont certains hôpitaux n'hésitent pas à s'affranchir.
Dans la même veine, le ministère de la Santé veut « valoriser les remplacements au sein d'un groupe hospitalier de territoire » et « faciliter les passerelles entre public et privé par une refonte statutaire, allant jusqu'à la reconnaissance de PH à quotité très réduite, afin de permettre les exercices mixtes ».
Dernier point et non des moindres : la permanence des soins (PDS). Le ministère propose d'agir à plusieurs niveaux : « revaloriser l'indemnisation de la participation à la PDS », « revaloriser l'indemnisation du temps de travail addditionnel » mais aussi « réévaluer la structuration de la PDS sur le territoire en confiant aux ARS cette mission ».
Riposte chiffrée des syndicats
À défaut de grives, les syndicats de PH refusent de manger des merles.
Remontés contre les « conditions insatisfaisantes » des négociations, l'absence de « mesures concrètes » et de calendrier, médecins et internes ont décidé de remplir eux-mêmes les « trous » du document de travail du ministère avec leurs propres propositions, dévoilées en partie lundi 22 juin.
Ils ont ainsi échafaudé une nouvelle grille tarifaire idéale pour les PH à mettre en place « au 1er septembre 2020 » (voir ci-dessous), mais aussi pour les praticiens attachés, les assistants spécialistes, les PU-PH, les maîtres de conférences et les chefs de clinique–assistants des hôpitaux.
Les PH remettent aussi sur la table la revendication historique de 300 euros net mensuels de « rattrapage » pour les internes.
Et si le gouvernement souhaite « valoriser les compétences tout au long de la carrière », il doit s'engager à augmenter les « responsables de structures internes » (chefs de pôle/service, président de CME) de « 500 euros mensuels ». Les praticiens ajoutent à leur liste de doléances une revendication ancienne laissée de côté par la tutelle : le décompte d'une journée de travail de 24 heures à hauteur de cinq plages (et non plus quatre).
« Passé l'instant de consternation, la négociation plénière doit reprendre et aboutir sans délai », concluent-ils.
*Les quatre centrales syndicales (APH, INPH, SNAM-HP, CMH), Jeunes médecins et les internes (ISNI, FNSIP-BM)
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