Un meilleur accueil des patients étrangers en France pourrait rapporter deux milliards d’euros en cinq ans et créer 25 000 à 30 000 nouveaux emplois, souligne un rapport (daté de juin 2014) intitulé « Valoriser les atouts de la France pour l’accueil des patients étrangers », piloté par l’économiste Jean de Kervasdoué.
Missionné par le Quai d’Orsay et le ministère de la Santé au printemps 2014, en pleine polémique sur la privatisation d’un étage de l’hôpital Ambroise-Paré (AP-HP) par un émir du Golfe, l’économiste propose une série de recommandations pour dynamiser et « structurer » une filière balbutiante en France, mais porteuse, tout en posant des garde-fous.
Le privé à but non lucratif aux avant-postes
Si la France possède « une tradition ancienne » et une conception « humaniste » de l’accueil des patients étrangers au sens large, la prise en charge des patients « très solvables », selon les mots du rapport, demeure parcellaire (alors que d’autres pays comme l’Allemagne se sont lancés activement sur ce « marché » du tourisme médical visant une clientèle fortunée ou VIP).
Le secteur privé à but non lucratif francilien est aux avant-postes. Gustave-Roussy (Villejuif) et l’Hôpital américain (Neuilly) sont précurseurs en la matière. Le premier a engrangé 13 millions d’euros (en 2012) grâce à sa politique d’accueil des patients étrangers fortunés et de tarifs de 36 % supérieurs au tarif Sécu.
Le rapport cite également le Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, le centre chirurgical Marie-Lannelongue (Le Plessis-Robinson), la Fondation Rothschild (Paris), l’Institut mutualiste Montsouris (Paris) et l’hôpital Foch (Suresnes) comme autant d’établissements où se lancent « avec plus de rapidité et de succès » des filières expérimentales.
Le secteur public, lui, reste à la traîne en raison « d’importantes difficultés opérationnelles » et d’une « rigidité » de statut. L’AP-HP, premier CHU de France, n’a élaboré son premier circuit qu’en janvier 2012. Une expérimentation est également en cours dans cinq établissements de l’AP-HP depuis janvier 2013.
De manière générale, ça coince sur les prestations hôtelières d’une « patientèle exigeante », insiste Jean de Kervasdoué : « À quelques très rares exceptions près, aucun établissement sanitaire français n’est au standard international ».
Création d’une filiale commerciale
Pour « promouvoir, organiser et contrôler la prise en charge des patients étrangers en France », l’expert suggère de créer un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) nommé Medical-France.
Cette instance devrait élaborer un cahier des charges des services, équipes ou hôpitaux prêts à s’investir et leur donner un label. Un portail numérique en six langues consacré aux innovations thérapeutiques, aux sites et aux partenaires labellisés, sera une « tâche prioritaire ».
À l’étranger, chaque ambassade pourra identifier un correspondant santé, capable d’assurer l’interface entre la France et les patients étrangers. Le recensement des médecins étrangers formés en France au sein d’un réseau identifié et utilisé à l’occasion de « stratégie pays » permettrait de booster la filière, recommande le rapport.
Pour ce qui est de la tarification, sujet sensible, Jean de Kervasdoué suggère d’« harmoniser le mode de calcul des forfaits » tout en laissant les négociations des tarifs au bon vouloir des établissements, ainsi placés en concurrence. Les chambres particulières facturées aux patients étrangers pourraient aussi bénéficier aux Français s’ils se souhaitent, précise le rapport.
Jean de Kervasdoué propose également « d’autoriser certains hôpitaux à créer une filiale commerciale, voire une marque » et de « faire évoluer la notion de "publicité" pour une équipe médicale ».
Former les médecins à l’anglais
Côté pratique, le rapport plaide pour l’ouverture d’un service de conciergerie et d’hôtels haut de gamme spécialisés dans l’accueil de malades et de leurs familles (sous un an).
Quant aux professionnels de santé (médecins et paramédicaux), leur meilleure formation à l’anglais (entre autres langues) est le seul prérequis jugé indispensable au développement de la filière de patients étrangers, la médecine française étant pour le reste suffisamment réputée « pour sa qualité, son humanité et son accessibilité », résume le rapport.
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