À l’occasion du bilan annuel de la responsabilité médicale de la MACSF le 23 septembre 2025, le directeur général délégué Nicolas Gombault a décrit une « sévérité sans précédent » des juges. En effet, les professionnels de santé sont condamnés dans 75 % des cas (5 points de plus qu’en 2023), alors que le nombre de soignants poursuivis et de décisions de justice diminue respectivement de 12 % et 15 %.
En 2024, les trois plus gros dossiers totalisent 29,1 millions d’euros (en prenant en compte des aménagements nécessaires au patient), sur un total de 62 millions d’euros d’indemnisations, un montant du même ordre que l’année précédente.
Une prise en charge tardive d’un nouveau-né : 7,3 millions d’euros
La plus forte sanction financière a atteint 7,3 millions d’euros. Elle concerne une prise en charge tardive d’un nouveau-né, à l’origine de troubles neurologiques. La patiente a accouché au sein d’une clinique, au terme de 36 semaines de grossesse. Le premier examen médical est estimé « normal » par le pédiatre. Mais durant la première nuit, le nouveau-né régurgite et présente des glaires sanguinolentes.
Dès le lendemain, son état de santé se dégrade avec une période d’hypoglycémie, un collapsus et un épisode d’apnée avec bradycardie. Le nourrisson est transféré en unité de réanimation, où une maladie héréditaire métabolique est diagnostiquée, avec persistance d’un état neurologique anormal. La responsabilité du pédiatre est seule retenue, pour cause de « soins non conformes ainsi qu’un retard de prise en charge du nouveau-né, dès l’apparition des premiers symptômes ». L’indemnisation demandée, déjà d’un montant exceptionnel, est amenée à augmenter car elle ne prend pas en compte les différents aménagements qui seront nécessaires à l’enfant dans son développement.
Une infection à staphylocoque à l’origine d’une tétraplégie : 5 millions d’euros
Le second dossier concerne une responsabilité partagée entre un médecin généraliste et un rhumatologue sur la mauvaise prise en charge d’une infection à staphylocoque. Le patient consulte en première intention le médecin généraliste, qui lui prescrit un antibiotique pour le traitement d’une infection cutanée, ainsi que de l’ibuprofène en raison de douleurs aux cervicales.
Le lendemain, les douleurs s’aggravant, le patient consulte un rhumatologue, qui procède à une injection d’anti-inflammatoire. Les douleurs devenant insupportables et accompagnées de sensations de fourmillements des extrémités, le patient est pris en charge aux urgences. Cependant, à l’arrivée au bloc, on retrouve une tétraplégie flasque de niveau C5.
En l’absence de l’intégralité du dossier médical, « le tribunal considère que la charge de la preuve est inversée », indique Nicolas Gombault, les professionnels de santé doivent prouver l’absence de faute, « ce qui est extrêmement difficile ». Après expertise, il est déterminé que l’infection cutanée initiale est à l’origine de l’infection à staphylocoque ayant provoqué une spondylodiscite, puis la tétraplégie, mettant en cause le généraliste.
Il est également reproché au rhumatologue d’avoir procédé à une injection sous-cutanée, sans avoir préalablement contacté le médecin traitant, ni vérifié les constantes du patient. Les deux praticiens sont solidairement condamnés à indemniser les préjudices à hauteur de 5 millions d’euros. Là encore, sans tenir compte des aménagements nécessaires au patient.
Une prise en charge tardive d’un accouchement : 4,7 millions d’euros
Une patiente enceinte se présente au sein d’une clinique pour le déclenchement de son accouchement. Alors que le rythme cardiaque fœtal est plat et aréactif durant le travail, la sage-femme ne contacte pas l’obstétricien. Lorsque ce dernier se déplace enfin, il constate le rythme cardiaque fœtal, sans procéder directement à une césarienne.
Au cours de l’accouchement, l’enfant est en hypoxie prolongée. Il naît en état de mort apparente, hypotonique et sans réactivité motrice. Aujourd’hui, le jeune patient présente une infirmité motrice cérébrale, un déficit psycho-intellectuel profond associé à une épilepsie lésionnelle. Le tribunal a considéré qu’il y a eu double faute médicale avec l’absence d’appel par la sage-femme du gynécologue obstétricien et l’absence de réalisation de la césarienne par ce dernier. La sage-femme et le médecin gynécologue obstétricien sont reconnus responsables, pour chacun, à hauteur de 50 % des dommages subis.
Dix condamnations au pénal
Les décisions les plus redoutées sont celles prises au pénal. La MACSF en a dénombré 10 en 2024, dont la plupart concernent une poursuite pour homicide involontaire. Parmi elles, une affaire met en cause un radiologue et un médecin urgentiste. Le patient avait été admis aux urgences pour des maux de gorge importants. Il passe un scanner dont les résultats sont anormaux, mais le radiologue ne donne pas l’alerte. Plus tard dans la nuit, alors que l’état du patient s’est aggravé, un deuxième scanner est demandé. Le radiologue s’aperçoit d’une lésion épiglottique, pourtant déjà visible sur le premier scanner. L’état du patient jugé critique, l’urgentiste (aussi chef du service) entreprend la réalisation d’une mini-trachéotomie durant plus d’une heure, en vain. Le patient décède d’un arrêt cardiorespiratoire. En plus des dommages et intérêts, pris en charge par l’assureur, le radiologue est condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis pour une erreur grossière dans l’interprétation des résultats du premier scanner. L’urgentiste écope de trois ans d’emprisonnement avec sursis, pour son incompétence dans la réalisation d’un geste d’urgence de base.
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