SPH : derrière ses trois lettres (service public hospitalier) se cache un des chapitres les plus conflictuels de la loi de santé. Un bras de fer se joue actuellement entre hôpitaux et cliniques. Le ministère devra trancher.
• Que prévoit le projet de loi initial, présenté le 15 octobre en conseil des ministres ?
Inscrit dans la loi, le service public hospitalier est désormais conçu comme un bloc d’obligations à respecter (et non plus comme diverses « missions » de service public à prendre à la carte). Ainsi rénové, il entend tourner la page de la loi HPST, qui avait retiré à l’hôpital le monopole de certaines missions de service public. La formation médicale est un exemple : depuis 2011, les cliniques peuvent accueillir des internes en stage.
Redéfinies, les modalités d’entrée des établissements dans ce nouveau service public distinguent deux cas de figure. D’un côté, les hôpitaux publics et les établissements de santé privés à but non lucratif seront associés au SPH sans critère de sélection, éligibles « de plein droit » en quelque sorte. Les cliniques privées, elles, devront montrer patte blanche, soumise à une procédure spécifique d’habilitation, apportant les garanties exigées sur l’ensemble de leur activité (accueil adapté, délais raisonnables de prise en charge, permanence d’accueil et de prise en charge notamment dans le cadre de la PDS, absence totale de facturation de dépassements d’honoraires). Parallèlement, le secteur privé à l’hôpital public (donnant lieu à dépassements) reste autorisé, sans limitation autre que le tact et la mesure.
Les autorisations accordées aux cliniques pourront être subordonnées à la participation au SPH.
• Quelles sont les promesses récentes de Touraine aux fédérations hospitalières ?
Marisol Touraine a pris plusieurs engagements pour déminer la menace de grève illimitée des cliniques privées en début d’année. Elle a reçu tour à tour la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), puis la Fédération hospitalière de France (FHF).
À la première, elle a promis un groupe de travail sur l’accessibilité financière afin de réfléchir à un desserrement des contraintes en matière de dépassements d’honoraires, dans le cadre du SPH. Son idée, à ce stade, reste d’interdire le secteur II tout au long du parcours de soins, dès lors que le patient entre à la clinique par la porte des urgences. Le reste du temps, l’interdiction des dépassements pourrait ne pas être absolue mais limitée, dans des conditions à définir (quota de tarifs opposables, plafonds...).
À la FHF cette fois, Marisol Touraine a promis que le nombre de services d’urgences privés autorisés n’augmenterait pas (il en existe plus de 130). La ministre de la Santé a aussi réaffirmé sa volonté de conserver des critères stricts pour participer au SPH et de ne pas dénaturer le label service public. Selon la FHF, le desserrement des contraintes en matière de dépassements d’honoraires dans les cliniques sera « limité ».
• Quelles sont les raisons du conflit entre les deux secteurs ?
Une intense bataille de lobbying (et de communication) se joue. La FHF et la FHP sont à couteaux tirés, tant la redéfinition du SPH pourrait être lourde d’incidence sur l’activité et les autorisations des hôpitaux et des cliniques, et à terme sur leur part de marché respective (le label service public étant très incitatif).
Pour l’instant, la FHP a jugé suffisants les engagements de la ministre, et a retiré son mot d’ordre de grève. Du coup, c’est la FHF qui s’alarme d’un « risque de démantèlement du service public », et d’un accord passé dans son dos. Elle craint de perdre les avancées inscrites dans le projet de loi initial et place à nouveau Marisol Touraine sous forte pression. « Le label service public ne pourra être accordé qu’aux cliniques respectant l’intégralité des obligations, et seulement lorsqu’une carence dans l’offre de soins sera constatée sur un territoire », insistait la FHF après s’être entretenue avec la ministre de la Santé.
La FHF ajoute avoir obtenu que les cliniques soient soumises au contrôle de la Cour des comptes. « Elles sont quasi intégralement financées par de l’argent public », rapporte la FHF.
Reste que ces promesses ministérielles, pour l’heure, n’ont pas été inscrites dans le projet de loi. Le jeu reste donc ouvert. Et les parlementaires auront aussi leur mot à dire au mois d’avril.
Investissement en santé : malgré l’urgence, pourquoi ça coince encore
Suicides de soignants à l’hôpital : Vautrin, Borne et Neuder visés par une plainte, ainsi que l’AP-HP
Opacité tarifaire, pratiques commerciales trompeuses… Les cliniques rappelées à l’ordre par Bercy
Vers un moratoire sur les fermetures des maternités ? Les obstétriciens du Syngof disent non