Ils travaillent en moyenne plus de 48 heures par semaine, ne sont pas forcément satisfaits de leurs rapports avec l'administration et jugent surtout que leur rémunération globale n'est pas du tout à la hauteur de leur investissement. Pourtant, si c'était à refaire, les trois quarts des chirurgiens hospitaliers n'hésiteraient pas à choisir à nouveau leur spécialité… même s'ils seraient un peu moins nombreux à rejoindre l'hôpital public.
La grande enquête réalisée par Avenir Hospitalier, qui sera présentée ce jeudi 12 mai lors d'un colloque du syndicat à Paris, est une photographie inédite grandeur nature des praticiens des blocs hospitaliers. À l'heure où l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) cherche à endiguer la fuite de ses chirurgiens, la question de l'attractivité des établissements publics est une priorité.
54 % sont mécontents de leur rémunération
Cette enquête pose un diagnostic sans filtre, comme le montrent les témoignages très forts des chirurgiens (voir encadré). Diffusée par Internet, elle a traité les réponses de 407 praticiens, aux trois quarts des hommes, âgés en moyenne de 49 ans. « Cela représente près de 10 % de la profession, c'est un échantillon représentatif et satisfaisant », commente le Dr Max-André Doppia, président d'Avenir hospitalier.
Enseignement majeur : les chirurgiens s'estiment aujourd'hui sous-payés. Ils sont en effet 54 % à considérer que leur rémunération globale (salaire plus indemnités de gardes et astreintes) « ne leur convient pas ». De nombreux praticiens témoignent de leur frustration. « Il y a un franc mécontentement sur le terrain, confirme le Dr Pascale Le Pors, vice-présidente d'Avenir Hospitalier. Cette enquête est l'occasion pour les chirurgiens, qui sont souvent la tête dans le guidon, d'exprimer leur ras-le-bol et de réclamer une plus grande reconnaissance statutaire et salariale. »
Conviction toujours chevillée au corps mais sentiment de déclassement
Si le métier de chirurgien demeure choisi par conviction, il est aujourd'hui mal valorisé, insiste le Dr Le Pors, qui pointe un « sentiment de déclassement » largement partagé. Après dix à quatorze ans d'études, un jeune chirurgien public gagne en tout début de carrière environ 2 500 euros net par mois. Il pourra toucher 6 629 euros net (hors activité libérale) en fin de carrière. Selon 57 % des praticiens, être chirurgien des hôpitaux publics ne confère plus un « statut social enviable ».
Les relations difficiles avec l'administration sont un autre point noir souvent mis en avant par les chirurgiens. Les deux tiers d'entre eux estiment que l'administration n'est pas à leur écoute et se plaignent que leurs demandes de matériel ne soient pas traitées rapidement.
Tout n'est pas sombre, loin s'en faut. Ainsi 62 % des chirurgiens affirment avoir la reconnaissance de leurs patients et deux tiers d'entre eux travaillent aujourd'hui à l'hôpital public par conviction personnelle. Ils considèrent même que l'exercice de leur spécialité est plus agréable à l'hôpital qu'en clinique privée (42 % contre 29 % qui pensent le contraire). Les chirurgiens sont majoritairement satisfaits de l'organisation du bloc opératoire (58 %), de la qualité des personnels des plateaux (58 %), et du respect de leur autonomie au travail (54 %).
Ils estiment aussi que le suivi péri-opératoire des patients est « plus facile à assurer » à l'hôpital (54 %) et sont heureux de pouvoir travailler en équipe avec leurs collègues chirurgiens (76 %). Une majorité éprouve du plaisir à travailler avec des anesthésistes.
Une pénibilité insuffisamment reconnue
Le besoin de reconnaissance (statutaire, financière) est d'autant plus fort que les praticiens du bloc estiment que la pénibilité de leur activité n'est pas suffisamment prise en compte. 68 % d'entre eux déclarent travailler plus de 48 heures par semaine tandis que 15 % ne savent ou ne veulent pas savoir ! Près de la moitié affirment passer entre 10 et 20 heures au bloc opératoire.
Si deux chirurgiens hospitaliers sur trois ne font pas de garde, 55 % assurent entre 5 et 10 astreintes par mois ! Le repos de sécurité est très peu appliqué par les chirurgiens des hôpitaux publics. Seulement 16 % le respectent et 10 % le revendiquent. 46 % des praticiens considèrent que cette plage de 11 heures de repos est « incompatible avec leur métier » et 23 % pensent qu'elle devrait être « optionnelle ».
Le Dr Nicole Smolski, présidente d'Action praticiens Hôpital (APH), souligne que la prise en compte de la pénibilité (profil de carrière, retraite) est – après la revalorisation de la grille salariale – la deuxième priorité des chirurgiens pour améliorer leur situation. « Quatre chirurgiens sur dix estiment que leur qualité de vie personnelle et familiale n'est pas correcte, ajoute le Dr Smolski. Ce résultat est à mettre en lien avec leur temps de travail. »
Cette surcharge horaire est susceptible de mettre en danger certains praticiens. 60 % considèrent qu'ils courent un risque de burn-out, un résultat jugé « inquiétant » par Nicole Smolski.
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