Un anesthésiste-réanimateur s’est donné la mort par voie médicamenteuse dimanche, à l’hôpital de Châteauroux (Indre). Prénommée Simona, la jeune femme, d’origine roumaine, était en poste depuis trois ans. Mariée, un petit garçon de sept ans. Elle venait d’être reçue au concours de praticien hospitalier.
C’est une consœur qui a découvert son corps sans vie, au lendemain d’une nuit de travail, dans la chambre de garde. L’équipe est sous le choc. « Ça nous est tombé dessus, on n’a rien vu venir », réagit le chef de service, le Dr Christophe Kaladji. Qui avait entière confiance en Simona: « Quand on préparait son dossier de PH et qu’elle me demandait ce que je pensais de son travail, je lui disais : "je me ferais endormir par toi" ».
Les blocs venaient d’augmenter leur amplitude horaire
Simona n’a pas laissé de courrier pour expliquer son geste. Une cellule de crise a été montée pour soutenir les professionnels du bloc opératoire. Difficile d’établir un lien direct avec les conditions de travail, mais un suicide sur le lieu professionnel soulève toujours cette question.
L’hôpital de Châteauroux a modifié l’organisation de ses blocs opératoires il y a quatre mois. Les vacations sont passées de 8 heures à 10 heures. Difficile à assumer, particulièrement pour les jeunes mamans. La semaine précédant son suicide, Simona avait travaillé 78 heures. « Elle a très bien pu faire un burn out », analyse a posteriori le chef de service. Le suicide de leur collègue a déverrouillé la parole des professionnels du bloc. Certains ont confié prendre des anxiolytiques, les IADE et les IBODE, surtout.
« Au maximum du maximum »
Plusieurs hôpitaux ont fermé aux alentours. Le bloc de l’hôpital de Châteauroux, ouvert en 1995, peine à absorber le surplus d’activité. « On est passé de 3 ou 4 000 interventions, à 8 ou 9 000 par an. Or on a toujours les mêmes locaux. On est au maximum du maximum. Nos locaux ne sont plus adaptés. On a du travail pour dix anesthésistes-réanimateurs, or on est 8 - et maintenant 7. Le ministère de la Santé ne nous aide pas du tout à recruter », reproche le chef de l’anesthésie-réanimation.
La direction de l’hôpital de Châteauroux se dit prête à rediscuter des horaires de travail. L’établissement est en excédent financier, de 7 millions d’euros. « Le bénéfice a un coût, toujours, reprend le Dr Kaladji. Dans cet hôpital, il n’y a pas de médecine du travail du tout. Nous aimerions que le CHSCT soit ouvert aux médecins, pour que nous puissions parler de prévention des risques psychosociaux ».
Le SNPHAR-E (syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi) enfonce le clou : « L’exclusion des praticiens et de leurs représentants légitimes du CHSCT n’a plus lieu d’être ». Pour le syndicat, « il est temps de repenser les organisations du travail pour les rendre plus humaines ».
Investissement en santé : malgré l’urgence, pourquoi ça coince encore
Suicides de soignants à l’hôpital : Vautrin, Borne et Neuder visés par une plainte, ainsi que l’AP-HP
Opacité tarifaire, pratiques commerciales trompeuses… Les cliniques rappelées à l’ordre par Bercy
Vers un moratoire sur les fermetures des maternités ? Les obstétriciens du Syngof disent non