7H30, LA PITIÉ SALPÊTRIÈRE. Dans l’aile réservée à l’HAD, où sont gérés plannings et logistique, les infirmiers préparent leur tournée. Florian a intégré l’équipe l’été dernier. Son premier poste, à 27 ans. Motivé. « À l’hôpital, on n’est pas toujours disponible pour le patient, et en libéral, le côté vénal me gêne. En HAD, j’apprécie la reconnaissance des patients et des médecins traitants, qui nous font confiance ».
Dans son coffre, l’infirmier charge médicaments, seringues, pansements. Six patients attendent sa venue. Avec chacun, il passera en moyenne 30 minutes. Pour certains, il sera l’unique visiteur de la journée. Le médecin coordonnateur de l’HAD se déplace rarement au domicile - sauf en cas de décès, ou d’antalgiques à prescrire en urgence.
Première étape chez une dame de 87 ans, très mal en point. Un cœur et des reins malades, une infection nosocomiale ramenée de l’hôpital. Un médecin, la veille, a préconisé une perfusion de réhydratation. Un fils - lui-même médecin - s’y oppose. L’infirmier a relayé le message, il n’insistera pas. « En HAD, on tient davantage compte de l’avis des patients », glisse-t-il.
Travail d’équipe.
Deuxième étape au domicile d’un ancien comédien, aphasique. Un lit médicalisé occupe la chambre depuis sa sortie de l’hôpital, il y a trois mois. Au mur, un masque de la commedia dell’ arte témoigne de sa vie passée. L’octogénaire, relié à la vie par différents tubes, s’exprime par onomatopées. « À l’hôpital, il refusait tous les soins. Il est reparti le jour où on lui a dit qu’il rentrerait chez lui », raconte son fils. La nuit a été difficile : désaturation, vomissements. Le fils a appelé le numéro d’urgence de l’HAD. Une heure plus tard, un prestataire livrait l’oxygène. « L’HAD est très réactive. Il y a un vrai travail d’équipe », souligne le fils. Un infirmier passe matin et soir surveiller l’état général de son père et sa colostomie. Là, il faut enrayer l’infection, et vite. Florian est en première ligne. Il appelle le médecin traitant, qui donne son feu vert pour une injection de pénicilline.
9h30, 3e étape chez un patient de 49 ans souffrant d’une sclérose latérale amyotrophique. La maladie a gagné du terrain depuis une chute en décembre. Aux urgences, le cœur de Bruno s’est arrêté, il a fallu le réanimer. Bruno vit désormais alité. Plutôt qu’une maison spécialisée, le père de famille a choisi l’HAD. « J’envisage plutôt ma fin de vie chez moi, explique-t-il. La nuit, ma femme dort à mes côtés. Une aide à domicile me prépare des repas comme je les aime, épicés. Je recommence à manger des morceaux. Et, bonheur inouï, je regarde la télévision avec mes enfants ». À son chevet, un incessant ballet : ergothérapeute, kiné, orthophoniste... La structure d’HAD a assuré en amont la livraison du matériel (lit, fauteuil roulant, chaise percée, lève malade), à présent elle orchestre les soins. Pour le jeune infirmier, la difficulté est de savoir quoi faire si la crise ultime survient en sa présence. Bruno a exprimé ses dernières volontés. Il ne veut pas « finir branché à jamais ».
Le bonheur d’être chez soi.
La 4e visite pourrait être qualifiée de courtoisie : une fois par semaine, Florian passe chez ce retraité pour faire son pilulier et vérifier sa tension. Le monsieur est autonome, il marche et fait seul sa toilette. Mais son état peut vite basculer. Les mauvaises nouvelles s’empilent depuis un an : rechute cancéreuse, décollement pulmonaire, HTAp, AVC... Et la cigarette qui a emporté le gendre. Les enfants du couple vivent au loin. « Je me retrouve seule face à la maladie, c’est très sécurisant », confie l’épouse. Le mari apprécie d’avoir enfin quitté l’hôpital. « J’occupais un lit pour rien. Ici, je fais mes jeux, je lis mon courrier ».
Parfois, les aidants familiaux mettent entre parenthèses leur propre santé. C’est le cas de cette autre dame, très âgée, qui aurait besoin d’une chirurgie cardiaque. Elle veille nuit et jour son mari, si mal, et reporte à plus tard son cas. L’infirmier note la présence de dépôts dans les urines du patient, sondé. Il programme un ECBU, et file chez son dernier patient de la journée. Un photographe stoppé net dans sa carrière par une leucémie. Regard malicieux, humour mordant. « Si je vais bien ? Mieux, ce serait indécent ! ». L’infirmier consulte le dernier bilan sanguin. Les plaquettes remontent péniblement. Trop peu.
Après 300 jours de chambre stérile, 6 chimiothérapies, 2 greffes infructueuses, Jean-Pierre est de retour dans son atelier d’artiste. Malgré les complications, et le risque que son état bascule en un rien de temps. « Je suis chez moi ! Vous réalisez ? On s’ennuie comme des rats morts à l’hôpital, et la bouffe est immangeable ! ». Jean-Pierre va au cinéma, trie ses vieilles photos, rêve d’un nouveau boîtier. Une vie au jour le jour. Entouré. Par l’HAD, le réseau de soins palliatifs Ensemble, le médecin traitant. Et par son fils, qui a interrompu ses études, et pour ainsi dire sa vie, pour lui.
Retour à la Pitié : staff infirmier, transmission de dossiers. L’équipe de l’après-midi prend la relève.
(1) Voir aussi le diaporama photo sur lequotidiendumedecin.fr.
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