La coopération interhospitalière est d’un sujet brûlant d’actualité en psychiatrie. En effet, la loi santé récemment votée au Parlement mais non encore promulguée (et qui doit encore faire l’objet de derniers arbitrages), instaure une codification légale interhospitalière constituant une coopération, qui sera dénommée Groupement hospitalier de territoire (GHT). Cette démarche, à vocation essentiellement économique, prend en psychiatrie une tout autre valeur. En effet, depuis près d’une quarantaine d’années, les psychiatres publics sont demandeurs de coopération sur le plan territorial, comme cela se fait déjà dans leur unité de base qu’est leur secteur. Nous observons désormais la création d’un nouvel outil de coopération territoriale psychiatrique qui s’appellera « communauté psychiatrique de territoire », qui nous interpelle, nous psychiatres, autour de la définition de la territorialité.
Dès le début de l’histoire du secteur, la sectorisation s’est appuyée sur un double découpage, territorial et démographique. Mais ce découpage démographique à 67 000 habitants découlait d’une simple règle de calcul à partir d’une conception très hospitalo-centrée. Si la circulaire fondatrice du secteur date du 15 mars 1960, le véritable mouvement d’ouverture généralisée des hôpitaux psychiatriques n’interviendra qu’à partir des années 1970. Et le secteur n’entrera dans la loi qu’en 1985, avec une triple mission de prévention, de diagnostic et de soins, situant déjà les enjeux en termes de santé mentale plutôt que de soins.
Différents territoires
Dispositif centré sur le malade et non sur les établissements de santé, la sectorisation porte de fait en germe les plus récentes évolutions de l’organisation des soins. La psychiatrie de secteur est un exemple de santé communautaire qui permet à chacun d’être soigné en fonction de ses besoins. Mais ce principe égalitaire ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les écarts de moyens sont considérables, sans forcément que les services les mieux dotés soient ceux qui offrent les meilleures réponses à la population. Aussi, peut-on se demander s’il existe une réelle identité de chances pour un malade, notamment psychotique, du fait des moyens affectés à son secteur, mais aussi de l’existence ou non d’une offre en psychiatrie libérale ou en clinique privée. D’autre part, la sectorisation a été conçue sur une domiciliation des populations or il y a de plus en plus de personnes sans domicile stable et, parmi elles, beaucoup de malades dromomanes ne demandant rien. Il convient aujourd’hui de considérer différents territoires :
- un territoire de proximité, sur une zone structurée autour des offres de service, dans une dimension sanitaire mais aussi sociale (accès au travail, à l’école, insertion). C’est là que se situent la plupart des structures sectorielles psychiatriques (CMP, HdJ, CATTP, équipes d’intervention à domicile, psychiatrie de liaison) ;
- un territoire de technicité, pour des réponses d’un type particulier pouvant nécessiter des regroupements de moyens, avec une complémentarité entre dispositif « généraliste » de base et dispositifs plus spécifiques à certains types de pathologies ou de techniques de soins. Ce niveau de technicité pourrait également concerner des réponses plus spécialisées sur des échelles territoriales différentes, départementales, régionales ou interrégionales, donnant lieu par exemple à des unités pour malades difficiles, ou des services très spécialisés ;
- un territoire économique et de gestion, qui peut prendre plusieurs formes : celui des pôles et des secteurs à partir d’une réelle contractualisation interne. Cela suppose un questionnement sur l’activité et un outil d’évaluation, à mettre en place, tout comme un véritable partenariat entre professionnels et usagers ; celui de bassins de population, pouvant correspondre à un établissement public de santé transinstitutionnel, permettant de gérer des unités de soins hospitalières, dans des hôpitaux différents si nécessaire, et extrahospitalières. Il pourrait rassembler les secteurs psychiatriques d’une même aire géographique mais également les dispositifs intersectoriels, les réseaux de soins, les acteurs associatifs ; enfin celui de la région où, en fonction des besoins et des possibilités, pourraient être définis une politique et un calendrier d’application, autour de véritables projets régionaux menés par les Agences régionales de santé (ARS) ;
- un territoire sociopolitique : il ne peut y avoir de dispositif de soin structuré qui ne corresponde à une politique de santé, incluse dans un projet de société, et arrêtant, en les hiérarchisant, les objectifs à atteindre mais également, le plus précisément possible, les moyens mis en œuvre. Cet engagement, ces choix clairs sont attendus des responsables politiques aux différents échelons, y compris local.
De nouvelles territorialités
La sectorisation psychiatrique a montré la voie d’un dispositif de santé public clairement territorialisé. S’il a pu exister des caricatures, des bastions hermétiques, cela ne doit pas remettre en cause ses fondements. La définition de nouvelles territorialités suppose, certes des réponses institutionnelles, mais surtout un état d’esprit dépassant les clivages pour développer les complémentarités, les relais et le partage, qui fondent une dynamique de réseau. Espérons que la dynamique de GHT ou de CHT dédiés à la psychiatrie permette cette ouverture, et cette structuration autour des patients, et ne se résume pas un nouvel outil de restructuration comptable : c’est tout l’enjeu de l’année qui vient.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne