Épidémie de bronchiolite, urgences saturées, sous-effectif chronique, manque de lits… Alors que le gouvernement a débloqué 150 millions d’euros pour faire face à la crise de la pédiatrie, cette semaine, les CHU de Bordeaux, de Rouen, de Limoges, le groupe hospitalier du Havre ou encore le CH de Mayotte ont dû activer leur plan blanc. Le 23 octobre, l'exécutif avait en effet annoncé la mise en place de plans blancs dans les hôpitaux. Objectif de ces mesures d’organisation : « rappeler du personnel supplémentaire » et « avoir une meilleure coopération dans les territoires », a précisé Olivier Véran, porte-parole du gouvernement.
Deux jours plus tard, le CHU de Bordeaux a déclenché un plan blanc de niveau 2 à l'hôpital des enfants. La direction veut ainsi « mobiliser l'ensemble des ressources permettant la prise en charge des enfants ayant besoin d'une hospitalisation en pédiatrie ». Elle cite en vrac le rappel de personnel retraité, la mobilisation de l'intérim, des déprogrammations, un report de certaines activités médicales et chirurgicales, la mobilisation de l'hospitalisation à domicile, ou encore la mise en place d'une filière de médecine de ville en renfort des urgences. Des mesures qui « s'inscrivent à la suite des annonces ministérielles », précise le CHU.
220 passages par jour
Selon la direction bordelaise, plusieurs facteurs ont renforcé les tensions en pédiatrie depuis la rentrée. Tout d’abord, le retour précoce des épidémies respiratoires chez les enfants, dont la bronchiolite. La direction évoque également l’augmentation du nombre d'enfants nécessitant une prise en charge en psychiatrie, mais aussi une activité supérieure aux moyennes habituelles aux urgences adultes, ou encore des tensions sur le capacitaire en aval des urgences.
Contactée par « Le Quotidien », la Dr Brigitte Llanas, chef du pôle pédiatrique au CHU de Bordeaux, explique que les urgences pédiatriques font actuellement face à 160 passages par jour, contre 120 en temps normal. Selon elle, l’activité pourrait grimper jusqu’à 220 passages par jour début novembre. Autres facteurs aggravants : l’épidémie de bronchiolite, « la décompensation des patients qui ont des maladies chroniques du fait des viroses », mais aussi le « retentissement de la crise Covid sur les adolescents », détaille la pédiatre bordelaise. Une dizaine d’adolescents justifiant des soins pédopsychiatriques seraient actuellement hospitalisés aux urgences pédiatriques du CHU. Enfin, l’activité en néonatologie serait « importante et imprévisible », selon la pédiatre.
Déprogrammation de « semi-urgences »
Le manque de personnel empêche également l’ouverture de lits pour absorber la demande de soins. En général, l’établissement déploie une unité spécifique pour gérer les épidémies saisonnières. Mais, « nous n’avons pas pu l’ouvrir cette année, faute de personnel paramédical », déplore la Dr Llanas qui estime qu’il manque une quarantaine de postes d’infirmiers et d’aides-soignants.
Les déprogrammations ont également démarré cette semaine au CHU girondin à raison de « cinq ou six patients », selon la pédiatre, persuadée qu’il faudra « déprogrammer un peu plus au retour des vacances ». Le report des opérations est jugé « complexe » par la Dr Llanas car « les patients que l’on "déconvoque" sont des semi-urgences ». Certains seraient « porteurs de maladies chroniques relativement sévères ». À l’image des enfants diabétiques qui, « du fait de virus, vont décompenser ».
Le CHU de Rouen en difficulté
Au CHU de Rouen, qui a également déclenché son plan blanc le 24 octobre, les déprogrammations ne sont pas encore à l’ordre du jour. Mais, comme à Bordeaux, les urgences pédiatriques sont en forte tension. Là aussi, « l’unité prévue pour les épidémies saisonnières n’a pas été ouverte, car on manque de personnel », explique au « Quotidien » Rémi Heym, directeur de la communication de l’établissement. Selon actu.fr, il manquerait dix postes d’infirmiers et de puéricultrices en pédiatrie. D’autre part, un quart de l’activité concernerait des bronchiolites. Quant aux urgences adultes, elles subissent aussi une hausse de la fréquentation : « 200 à 250 personnes par jour, contre 180 en temps normal », observe Rémi Heym.
Le directeur de la communication du CHU de Rouen estime que l’activation du plan blanc est un « signal envoyé, en interne et en externe ». Premier objectif : « montrer à l’ARS et aux hôpitaux de la région que nous sommes en tension, pour qu’ils évitent de nous envoyer des patients ». En interne, les mesures ont, selon lui, vocation à « mettre la priorité sur les urgences ». D’après Rémi Heym, les « bed managers » cherchent à longueur de journée des lits supplémentaires dans les services « pour les patients qui stagnent aux urgences dans des conditions qui ne sont pas normales ». Ces dernières semaines, certains enfants auraient déjà attendu plus de neuf heures aux urgences pédiatriques rouennaises.
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