Initié timidement par la loi Bachelot (hôpital, patients, santé, territoires – HPST) de 2009, puis rénové et simplifié à la faveur de la loi de santé d'Agnès Buzyn en 2019, le dispositif des protocoles de coopération entre professionnels de santé prend son envol.
La Direction générale de l’offre des soins (DGOS, ministère de la Santé) vient de publier en ce sens quatre nouveaux appels à manifestations d'intérêt (AMI) pour concrétiser « la délégation de certaines activités, souvent exercées uniquement par des médecins à des paramédicaux dans le cadre des protocoles nationaux de coopération ». Les équipes de soins candidates (libérales, hospitalières selon le projet) pourront répondre jusqu'à la mi-février, avec le soutien du comité national des coopérations interprofessionnelles (CNCI) où sera représentée l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS, libéraux).
Conformément aux engagements du Ségur, l'un des protocoles vise à renforcer la prise en charge à domicile des patients âgés ou handicapés ne pouvant pas se déplacer dans les cabinets médicaux. Dans un contexte de démographie déclinante, cette coopération doit permettre de réduire la fréquence de déplacement des généralistes tout en assurant une continuité des soins grâce à l’intervention de l’infirmier. Selon la DGOS, le projet pourra prévoir une organisation spécifique (par exemple une visite initiale commune entre le médecin et l'infirmier, l'établissement d'un plan personnalisé de suivi avec retour des interventions par messagerie sécurisée) mais aussi des dérogations autorisant l'infirmière à pratiquer certains actes médicaux (renouvellement de traitements, prescription d’examen de suivi et de dépistage ou encore télé expertise).
Motifs fréquents
Dans la même logique de faciliter l'accès aux soins, un deuxième projet de coopération donne la possibilité aux infirmiers exerçant au sein de services d'urgences de réaliser des actes médicaux dans des champs réduits, pour des motifs de recours « fréquents et peu graves ». Plusieurs motifs sont mentionnés dans le cahier des charges de l'AMI comme la cystite simple chez la femme jeune, la douleur de gorge aiguë d’un patient âgé de plus de 15 ans, la réalisation d’immobilisations plâtrées simples et attelles ou la prise en charge initiale des entorses chez un patient âgé de 10 à 50 ans sans plaie. « Cet exercice est circonscrit par des arbres décisionnels », précise la DGOS.
L'exécutif veut aussi encourager les médecins exerçant dans des établissements ou des structures pluriprofessionnelles (maisons de santé, CPTS) à déléguer aux ergothérapeutes la prescription d'aides techniques pour des personnes âgées ou en situation de handicap. Autre protocole national en construction : « la pose et la surveillance d’une oxygénothérapie, l'administration en aérosols et pulvérisation de produits non médicamenteux voire médicamenteux » par une aide-soignante en lieu et place d'une infirmière auprès des résidents en EHPAD.
« Sur tous ces sujets, nous attendons des propositions, souligne-t-on au ministère. Sur le terrain, il y a déjà quelques expérimentations limitées. Avec ces protocoles nationaux, nous irons plus loin, à la fois en termes de compétences et de modèle économique dérogatoires ».
Contournement ?
Ces nouveaux protocoles nationaux devraient être validés et applicables avant à la fin de l'année 2021 (sauf celui sur les ergothérapeutes attendu dès le printemps). Ils s'ajoutent aux projets déjà autorisés – dont six en mars 2020 dans le cadre des soins non programmés en maison et centre de santé (cystites, douleur lombaire aiguë, entorses, etc.). Mais combien d'équipes de soins ont-elles adhéré à ces protocoles de soins non opposables ? La DGOS promet un bilan en 2021.
Quoi qu'il en soit, ces délégations d'actes ou d'activités devront faire leurs preuves. Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, met en garde contre les protocoles improvisés ou à la hussarde. Le généraliste de Mayenne rappelle que ces « transferts doivent être effectués en fonction des besoins du terrain et non pas selon les revendications d'une profession pour faire "à la place" du médecin ». « Tout contournement du médecin traitant dans la prise en charge globale du patient, prévient-il, sera à terme un frein à l'exercice coordonné ».
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