Testée l’an dernier, la première formation à l’analyse critique de la promotion pharmaceutique vient de démarrer à la faculté de médecine de Bordeaux. Unique en France, ce module optionnel d’enseignement a été créé par sept enseignants et sept internes à l'initiative du département de médecine générale de l'UFR.
« L’idée est de faire prendre conscience aux étudiants de l’influence des laboratoires pour les aider à mieux prescrire et mieux soigner, sans lien d’intérêt », explique le Dr Marco Romero, généraliste enseignant, coordonnateur du projet.
Au programme de cette formation de 12 heures, les internes identifient les techniques de marketing de la conception du médicament à sa délivrance. Ils sont initiés à la visite médicale, étudient les notions de sécurité et d'efficacité d’un médicament, sont sensibilisés aux conflits d’intérêts, découvrent les sources d’information indépendantes, étudient des affaires médiatiques (Mediator…), apprennent les réglementations…
Ce cursus s’appuie sur des techniques pédagogiques variées : l'analyse de situations cliniques et d’articles, l'étude de publicités, la participation à des congrès, le décryptage vidéo de visites médicales ou encore des jeux de rôles.
« Souvent, les étudiants tombent de haut, indique Marco Romero. Ils entendent une parole différente de leur quotidien où les laboratoires sont omniprésents. »
« La force de dire non ! »
« À l’internat, nous sommes très exposés avec des petits-déjeuners, des repas, la distribution de bonbons offerts par l'industrie… confirme Matthieu Deborde. Cette formation m’a donné la force de dire non. Elle a renforcé mon éthique, m’a rendu plus attentif à mes prescriptions. Elle me semble indispensable. »
« J’ai été très surprise du fonctionnement des labos, en particulier quand on compare les budgets de recherche et de marketing, explique Charlotte, interne. J’ai découvert qu’on n’était pas obligé de recevoir les visiteurs médicaux. Mais il ne faut pas diaboliser les laboratoires, juste savoir qu’il existe d’autres façons de se former. »
Le département de médecine générale est un soutien essentiel de ce projet, souligne Marco Romero. « Cette formation permettra probablement à notre université de gagner deux points dans le classement des facs de médecine, selon leur indépendance », pronostique l'enseignant.
Elle sera aussi présentée aux prochaines rencontres de la revue « Prescrire », les 23 et 24 juin à Toulouse, et intéresse déjà plusieurs universités. Des formations de ce genre sont d'autant plus indispensables qu'une récente enquête de l'association Formindep, association de formation professionnelle, publiée dans la revue scientifique « Plos One », avait révélé que seulement neuf facultés de médecine sur 37 avaient pris des dispositions pour préserver l'indépendance de la formation des carabins. 28 UFR n'avaient rien fait !
Un enjeu national
À la suite de cette publication, la Conférence nationale des doyens de médecine s'était d'ailleurs engagée à « une plus grande transparence » des universités à l'égard de l’industrie du médicament en organisant notamment des cours consacrés aux liens d’intérêts.
Les promoteurs de la formation à l’analyse critique de la promotion pharmaceutique souhaitent sensibiliser un maximum d’internes en Aquitaine, avec l’ambition de devenir obligatoire et de s’étendre, d’ici quelques années, aux médecins spécialistes et aux pharmaciens.
« À l’hôpital public, la recherche ne peut plus fonctionner sans les laboratoires pharmaceutiques, car l’État s’est désengagé, regrette Marco Romero. Il doit se réinvestir pour libérer la recherche de l’emprise des intérêts privés. La formation que nous avons ouverte est un premier pas en ce sens. »
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