Ce fut un enterrement de première classe, le 18 septembre. En détaillant son plan santé 2022, Emmanuel Macron a annoncé dans un même élan la suppression du numerus clausus, cette « absurdité », et de la PACES « cet acronyme synonyme d'échec pour tant de jeunes », et ce dès la rentrée 2020.
60 000 étudiants sur la ligne de départ pour 13 500 places dans les filières contingentées (médecine, pharmacie, maïeutique, odontologie) : les étudiants et doyens tiraient la sonnette d'alarme depuis des lustres sur les ravages de ce concours, une « boucherie pédagogique » selon les mots du généraliste et réalisateur Thomas Lilti et un vrai gâchis humain. « On veut sortir de la situation actuelle ou des jeunes passent de lycéens brillants à un étudiant brillant... ayant échoué au concours », a résumé Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement Supérieur, aux côtés de sa collègue Agnès Buzyn.
Macron : pas de renoncement à l'excellence
Quelle sélection demain ? Alors que certains redoutent la dérégulation totale, l'exécutif a été clair. « Pas question d'ouvrir les vannes quantitativement, on ne peut pas former plus de 9 000 à 10 000 médecins par an », a résumé Agnès Buzyn dans nos colonnes (édition du 20 septembre). Emmanuel Macron l'a martelé. Nul renoncement à l'excellence, « le parcours de formation restera sélectif, mais plus ouvert, plus vivant et attirera des profils plus variés et tout aussi excellents ».
Missionné par le gouvernement sur le chantier « formation » du plan santé, le Pr Antoine Tesnière (Paris Descartes), cadre les objectifs : « L'idée est d'avoir une régulation moins brutale et une orientation plus active des étudiants ». Mais quel que soit le mécanisme retenu, « il y aura des capacités limitées surtout dans les stages ».
L'une des principales pistes à l'étude consiste à définir un plancher minimal d'étudiants à former (ou numerus apertus) puis à laisser une marge de manœuvre aux universités pour moduler leurs effectifs en fonction des capacités d'accueil, des stages et des besoins précis des territoires. « Aujourd'hui, le numerus clausus s'aligne sur les seules capacités d'accueil des CHU, demain on pourra prendre en compte les stages en ville et probablement former davantage de médecins », précise le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de l'université Paris-Est-Créteil.
Les besoins médicaux à moyen terme guideront les choix des universités. « Il faudra des outils pertinents pour modéliser ces besoins en professionnels sur plusieurs années, précise le Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens. Il nous paraît nécessaire d'avoir une fourchette haute de nombre de professionnels à former, avant de trouver un équilibre ».
Moins de maths, plus de sciences humaines
La rénovation de la sélection s'accompagne d'une refonte du premier cycle santé. Les modalités d'accès aux futures études de santé seront « précisées d'ici à Noël », explique Frédérique Vidal. La feuille de route a été fixée par le chef de l'État : favoriser les enseignements communs, les passerelles entre métiers, les activités de recherche. Mais aussi valoriser la dimension relationnelle quand le système actuel mise tout sur le bachotage, la capacité de mémoire, les maths et les QCM.
Le volet pédagogique évoluerait en ce sens. Parmi les pistes sérieuses : renforcer la simulation en santé, intégrer des patients experts dans certains cours et évaluations de stage et introduire des matières non scientifiques (sciences humaines, droit, gestion, philosophie, ingénierie, politique). « On ne soigne pas que les pathologies mais le patient dans son ensemble et son environnement est pris en compte », commente Pierre-Adrien Girard, vice-président chargé de l'enseignement supérieur et de la PACES à l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).
Surtout, pour remplacer l'actuelle PACES, l'idée est d'entrer dans une logique d'orientation progressive. Un système de « filières » ou de « parcours » (plusieurs licences adaptées) est envisagé. Elles présenteraient un tronc commun d'unités mais aussi des modules spécifiques aux différents métiers de la santé. « L'idée est d'avoir des filières homogènes avec un objectif d'interprofessionnalité, explique le Pr Tesnière. L'orientation progressive tiendrait compte des notes académiques, d'oraux, des compétences et du projet professionnel ». Le processus de sélection pourrait ainsi s'étaler « tout au long du cycle de la licence », a expliqué Frédérique Vidal.
En quête de passerelles
L'autre objectif est de favoriser les réorientations (entrantes, sortantes) et les équivalences. « En PACES, peu de sorties existent. Les étudiants qui échouent se retrouvent à recommencer des études en première année après deux ou trois essais », se désole le Pr Tesnière. Même constat dans les années supérieures. « Nous n'avons pas de système d'équivalence, juste des dérogations, déplore Isabelle Riom, présidente du Syndicat des internes en médecine générale d'Ile-de-France et coauteur du rapport formation. Typiquement, lorsque l'étudiant est confronté à la réalité des stages et qu'il souhaite sortir du cursus, il recommence en L1 ou L2. Il faut que ce soit plus simple ».
Depuis 2013, plusieurs universités proposent des alternatives à la PACES. Pas moins de 16 facultés expérimentent déjà l'AlterPACES. Cette voie permet à un étudiant ayant validé une deuxième ou troisième année de licence d'intégrer directement l'une des filières santé en deuxième année. À Angers le modèle « PluriPass » permet aux étudiants une orientation progressive dans les métiers de la santé ou vers d'autres filières d'études supérieures.
Le bilan de ces expérimentations PACES, dont le « Quotidien » a pris connaissance, montre « la faisabilité et l'acceptabilité par les enseignants et les étudiants ». « Les étudiants recrutés apparaissent comme très bien intégrés dans les promotions et souvent rapportés comme les meilleurs et les plus motivés », peut-on lire dans le rapport. Hélas, faute d'information, très peu d'étudiants ont été recrutés en AlterPACES en comparaison du nombre de places offertes (15 % environ du numerus clausus). Et la diversification des profils n'est pas encore au rendez-vous...
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