DE NOTRE CORRESPONDANTE
« ON NE DIT PAS qu’en dehors du public, il n’y a point de salut… Mais pourquoi multiplier les terrains de stages, si les hôpitaux répondent à leurs missions ? » Dans le cadre des dernières Assises des CHU, l’échange venait à peine d’être engagé que Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), plantait fermement le décor. Dans la sphère hospitalo-universitaire, le sujet de la formation des internes dans le privé est très sensible depuis que la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a ouvert la brèche. D’ailleurs, l’une des 9 propositions (destinées à renforcer le management de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation au sein du CHU) adoptées par les trois conférences organisatrices de ce rendez-vous (1) se consacre à cette question. Elle stipule que « le droit commun des missions de service public [doit être appliqué] à toutes les structures de formation » et demande qu’on ne recoure « au secteur privé qu’exceptionnellement et sous conditions de besoins, d’agrément et d’évaluation ».
Quelles autres raisons qu’une éventuelle carence de l’hôpital public pourraient donc motiver l’ouverture de stage d’internes dans le privé, hormis le cas spécifique de la formation des généralistes ? « Nous pouvons considérer que beaucoup de spécialistes exerçant dans des établissements privés, effectuent un grand nombre d’actes dans leur spécialité, et que les étudiants auraient donc à apprendre auprès d’eux », a affirmé le patron de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Jean-Loup Durousset, plutôt à l’aise face à un auditoire composé d’hospitalo-universitaire à une écrasante majorité. D’ailleurs, a-t-il ajouté, « des autorisations et agréments nous sont déjà accordés dans le cadre des missions de service public, tels que celles des urgences, où les internes pourraient être accueillis ».
Quel bénéfice pour le privé ?
Il n’en reste pas moins que l’université refuse que le secteur privé lucratif acquière des parts de marché sur la formation des internes. Pour se justifier, les hospitalo-universitaires mettent l’accent sur la notion « d’équipe médicale et pédagogique », qui, selon eux, fait la force de l’enseignement dispensé en CHU et n’existe pas dans le privé. Ce à quoi, le président de la FHP a répondu que son secteur ne revendiquait pas de « professeurs des universités » en son sein, mais que les internes n’en seraient pas moins accueillis par des équipes médicales dignes de ce nom. « En lien avec les universitaires chargés de leur formation », a-t-il ajouté.
Pour tenter de le faire enfin sortir du bois, Patrice Deteix, président de la Conférence des présidents de CME de CHU, a visé le talon d’Achille du secteur lucratif : « Mais, tout de même, le privé se pénalise financièrement en prenant en charge des internes, non ? C’est du temps perdu, notamment dans un service d’urgence ? » Souriant, Jean-Loup Durousset lui a fait observer que le privé participait déjà à la formation des paramédicaux, « sans financement des tutelles ». Quant aux urgences, le président de la FHP a rappelé que tous les établissements n’étaient pas candidats à assurer cette mission de service public, uniquement ceux ayant la motivation et une localisation adéquate. « Alors, a-t-il quémandé, ne coupez pas les ailes à cette bonne volonté. » Visiblement peu convaincu par ce plaidoyer, Paul Castel, président sortant de la Conférence des directeurs généraux des CHU, a clos le débat en pointant le « discours lisse et presque séducteur » de Jean-Loup Durousset, l’invitant à réfléchir à « la compatibilité des buts lucratifs du privé et des missions d’intérêt général du public ». Avant de conclure : « Allons aux urgences du pavillon N de l’Hôpital Édouard-Herriot à Lyon, puis aux urgences de l’hôpital privé Jean Mermoz [du groupe Générale de Santé, NDLR] et faisons la différence ! »
(1) Conférence des Doyens des facultés de médecine, Conférence des directeurs généraux de Centre hospitaliers régionaux et universitaires, Conférence des présidents des commissions médicales d’établissements de CHU.
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