Chaque année, de plus en plus d’étudiants en médecine de l’Union européenne se présentent aux épreuves classantes nationales (ECN).
En 2015, 349 candidats issus de 16 pays ont passé les épreuves dont plus de 50 % sont Roumains (contre 248 l’année précédente). Aux candidats étrangers s’ajoutent des Français souvent recalés deux fois en PACES et qui tentent leur chance hors de nos frontières.
Copie blanche et manque de pratique
Si le sujet est encore tabou, les autorités s’inquiètent de ce phénomène qui prend de l’ampleur. « Nous recevons des étudiants formés à l’étranger, qui pour certains ne parlent pas français, et dont on ne peut pas mesurer les compétences médicales, confie le Pr Jean-Pierre Vinel, président de la Conférence des doyens de médecine. Qu’un candidat puisse décrocher un poste en rendant une copie blanche est choquant ».
De fait, tous les nouveaux internes ne sont pas au niveau. En Ile-de-France, le coordonnateur du DES de médecine générale a récemment tiré la sonnette d’alarme auprès de l’ARS et du ministère de la Santé. « Depuis deux ou trois ans, nous rencontrons des problèmes avec des internes qui n’ont pas fait leurs deux premiers cycles en France et qui figuraient parmi les derniers classés des ECN, explique le Pr Philippe Jaury. Certains sont incompétents. »
Des chefs de service ont signalé les graves manquements de leurs nouveaux internes et interpellé les autorités. « À titre conservatoire, en accord avec le président des doyens d’Ile-de-France, nous avons suspendu huit internes », explique le Pr Jaury. Ces derniers effectuent des stages de remise à niveau dans des services hospitaliers parisiens polyvalents. Ce stage de rattrapage de six mois est payé mais il ne permet pas à l’interne de valider un semestre.
Le Pr Jean-François Bergmann, chef de service de médecine interne à Lariboisière, qui accueille l’un de ses jeunes, a rapidement identifié leurs failles. « Ils manquent de pratique, ils n’ont pas été suffisamment au lit du malade, il faut leur apprendre à poser les mains pour percuter un thorax », explique-t-il.
Dans son service, l’interne jugé déficient a le statut de "super-externe" : « Il n’a pas la responsabilité de lits, il est accompagné d’un chef de clinique et de deux internes, il fait des observations et des propositions de prescription mais il ne peut pas les appliquer lui-même », explique le Pr Bergmann. Au terme de cette remise à niveau, le coordinateur d’Ile-de-France, avec l’ARS et après avis des chefs de service qui les accueillent, décideront si ces internes sont aptes à reprendre leur cursus ou non.
Une note éliminatoire aux ECN, la solution ?
Le syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP) reconnaît qu’il y a un véritable sujet. « Un tiers des nouveaux internes formés à l’étranger s’adaptent parfaitement, un tiers retournent dans leur pays et un tiers posent problème, estime le président du SRP, Stefan Néraal. Nous ne sommes pas là pour défendre l’indéfendable mais nous sommes favorables à une remise à niveau pour leur donner une chance. »
Pour éviter que davantage d’internes qui ne sont pas au niveau requis prennent un poste à l’avenir – la filière roumaine étant loin de se tarir – les doyens ont demandé la mise en place aux ECN d’une note éliminatoire à laquelle s’opposent pour l’instant les internes du SRP. L'Intersyndicat national des internes (ISNI) n'est pour pas part pas opposé à un examen de niveau ou à une note plancher aux ECN*. « Le système n’est pas à jeter mais il faudrait instaurer une note plancher de 7 ou 8 aux ECN, on ne peut pas continuer comme ça, explique le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, doyen de Paris-Est. Sans justification des compétences, on aura un contentieux. »
Alerté, le ministère de la Santé pas encore tranché. « Quand nous les avons prévenus, il y a un an, on nous a demandé de ne pas faire de vagues », confie un interlocuteur.
* Article modifié à 16 h 37
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