Nous sommes un froid mardi matin de novembre, plusieurs rafales de mitraillettes déchirent l'air de la faculté parisienne de médecine de l'Université Pierre et Marie Curie, boulevard de l'hôpital.
Une vingtaine d'étudiants se jette pêle-mêle sur le sol : blessés, morts ou valides. « On va se réfugier à l'arrière du bar ! » crie la « serveuse ». Accroupis dans un petit réduit, une dizaine de jeunes gens indemnes ou légèrement blessés préviennent discrètement les secours. Seule la voix rassurante d'un membre des forces de l'ordre les autorise à quitter leur cachette, « un par un et les mains sur la tête ». On n'est jamais trop prudent : un terroriste peut s'être glissé dans le petit groupe. L'atmosphère est pourtant détendue, et pour cause : il s'agit d'une simulation organisée pour apprendre aux étudiants de l'université Pierre et Marie Curie les gestes à adopter en cas d'attaque terroriste dirigée contre le CHU.
La sécurité avant tout
Une fois la zone sécurisée, la course contre la montre commence pour ces étudiants de 4e année. Certains sont en stage aux urgences, et d'autres en réanimation. Ils vont devoir aller « à l'encontre de leurs réflexes de médecin », annonce le Dr Marie Morel, anesthésiste réanimateur et organisatrice de la formation. « Vous n'êtes pas à l'épreuve des balles ! Ne tentez pas de sauver tous le monde et préservez-vous. Vous êtes essentiels à la capacité de l'hôpital à sauver des vies ». La future médecin Elina Chadelat reconnaît avoir « plutôt tendance à vouloir sauver tous les gens que je vois. Dans la médecine de catastrophe, il faut se protéger et sauver ceux qui peuvent encore l'être ».
Les participants doivent avant tout se mettre à l’abri, puis alerter les forces de police puis, seulement, déclencher la réponse médicale. Les consignes sont strictes : ne pas déclencher les alarmes incendie pour éviter les mouvements de foules, mettre les portables en silencieux (sans les éteindre !), couper tout ce qui fait du bruit comme les monitoring et ne pas se rendre dans une zone sans consigne de la police.
Les « minutes de platine »
Présent pour guider les étudiants lors de l'exercice, le Dr Mathieu Delay, du SAMU de Pitié-Salpêtrière, résume bien le changement d'échelle : « En France, nous avons l'habitude des traumatismes classiques non pénétrants, pour lesquels on parle de la "golden hour", explique-t-il. Face à des plaies causées par des armes de guerre, on parle plus volontiers de "minutes de platines". »
L'examen et les premiers gestes doivent être expéditifs : le patient peut-il bouger ? Si oui, il n'est pas prioritaire. Peut-il respirer ? Si non, il est probablement décédé. Une fréquence respiratoire supérieure à 30 cycles par minute, signe un cas potentiellement grave. Si la respiration est gênée, il faut dégager les voies aériennes supérieures. Le patient a-t-il un pouls radial ? Un saignement important ? Est-il conscient ? Tous les gestes sont dictés par l'algorithme MARCHE (voir encadré) mis au point par les médecins militaires anglo-saxons.
Faire feu de tout bois
Garrots, pull, écharpe, tout est bon pour arrêter les hémorragies. Chaque « blessé », dûment maquillé pour représenter les trous d'entrée des projectiles, a reçu une fiche décrivant son rôle qu'il joue à la perfection : hagards, mutiques ou hurlant de soif. Le Dr Delay virevolte d'un blessé à l'autre et rend son verdict en moins de 10 secondes. Ses consignes sont parfois dures à entendre : « Arrêt cardio respiratoire : On ne s'en occupe pas ! Il est probablement déjà mort. Ne touchez pas les personnes décédées sans autorisation de la police, même si ce sont vos collègues. »
Les étudiants découvrent à l'occasion la valise ultra-compacte de secours en situation de catastrophe. Elle contient garrots, drains pour le pneumothorax, bistouris, canules de Guedel, stylo dermographique, soluté hypertonique, couvertures de survie et de quoi poser une intraveineuse ou une intra-osseuse... ces outils, ainsi que leurs versions pédiatriques, sont répartis dans des sacoches étiquetées des lettres de l'algorithme MARCHE.
Lors de l'évacuation de la salle, 3 étudiants en portent un 4e, comme on le leur a appris en stage d'urgence. C'est pourtant une erreur : « On ne peut pas se permettre de mobiliser plus d'une personne pour transporter un blessé. Vous devez le prendre par les pieds ou sous les bras », corrige le Dr Borel. « Et le risque de trauma crânien », interroge une étudiante ? « Le blessé par balle n'a pas besoin d'une immobilisation du rachis comme un blessé de la route », répond le Dr Borel.
Fin de l'exercice salué par une volée d'applaudissements. Les étudiants « sont géniaux et enregistre à une vitesse phénoménale », s'enthousiasme le Dr Borel tandis que le Dr Delay débrief les volontaires. Pour le Dr Langlois, médecin-chef du RAID, cette demi-journée est une étape : « l'ensemble des citoyens doivent devenir acteur de leur sécurité. Il faudra intégrer les médecins de ville via le DPC. Ils constituent un formidable vecteur de messages rassurants à destination de la population »
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