Marmande (47)
Dr Raymond Garcia
Je prends la plume, ce n’est pas habituel, mais comment faire autrement après la lecture de votre article sur le « contournement du numerus clausus », page 4 du « Quotidien du Médecin » n° 9221.
Qui contourne le numerus clausus depuis 10 ou 15 ans en important massivement des médecins étrangers dans des spécialités majeures – la chirurgie viscérale, l’anesthésie-réanimation, la pédiatrie – si ce n’est la haute administration et les différents ministères ?
Dans le même temps, les étudiants en médecine se font « massacrer » en première année et on est fier de leur barrer la route avec 14 de moyenne parce que « c’est un concours Môsieur ! ».
Ces médecins étrangers, massivement importés, sont régulièrement régularisés sur le plan médical au moyen d’examens bidons de nécessité. Le phénomène n’est pas anecdotique puisqu’une forte proportion des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre le sont à titre étranger.
Alors oui, les étudiants ont parfaitement le droit d’aller se former à l’étranger parce que ce n’est pas eux qui ont commencé à contourner le numerus clausus mais le ministère de la Santé. La grande délinquance en la matière est à cet endroit.
Par ailleurs, un encadré très intéressant dans votre article (« 165 candidats européens aux ECN 2012 ») et la dernière phrase de cet encadré (je cite : « "Le risque existe", nous confie-t-on au CNG ») montrent le niveau d’idiotie de cette administration.
En effet, l’ECN qui a remplacé l’ancien internat est une voie sélective d’accès aux spécialités et à une formation de haut niveau qui est un véritable apprentissage.
Si on veut intégrer des étudiants étrangers, c’est exactement là qu’il faut le faire. Ils passent le même concours que les nationaux, à armes égales et s’ils sont brillants, ils ont accès aux spécialités et aux formations au même titre que n’importe quel étudiant français. Avec les mêmes débouchés, les mêmes salaires et les mêmes possibilités de carrière à une seule condition : qu’ils soient correctement classés à l’ECN. Ce qui est vécu comme « un risque » par le CNG est en fait « la solution ». La solution pour intégrer de façon décente et parfaitement honnête les médecins étrangers avec une formation basée sur un internat plein dans les CHU français impliquant une garantie de formation.
Pour que tout soit clair : je n’ai rien contre les médecins étrangers travaillant en France. Je travaille avec eux tous les jours en parfaite sympathie.
J’aimerais pour le confort à la fois des médecins étrangers et des médecins français (et pour l’image même de la France) que l’admission des spécialités se fasse par une voie claire et loyale. L’ECN est parfait pour cela et non pas le bon vouloir et les humeurs du ministère.
Démographie en médecine de campagne : quelles perspectives ?
Cosne d’Allier (03)
Dr Jean-Christophe Favre
Cette analyse est un aperçu à mon humble avis des perspectives sur l’évolution de la démographie médicale centrée sur la médecine générale rurale. J’ai voulu approfondir le problème pour tordre le cou à de nombreuses idées reçues (les unes vraies : les jeunes médecins ne veulent plus travailler comme la génération précédente ; les autres fausses : les femmes de médecins ne veulent plus suivre leur mari à la campagne par exemple).
En fait, l’évolution future de cette démographie est due principalement à la collision de deux grands facteurs. L’un est démographique et l’autre sociétal.
Tout d’abord quelques chiffres qui viendront appuyer mon analyse :
Au 1er janvier 2010 :
- L’âge moyen d’installation est de 34 ans pour les femmes et de 36 ans pour les hommes.
- Le pourcentage d’installation en libéral est de 19 % de l’ensemble des médecins généralistes. 40 % font du remplacement dont certains sur une durée longue. On estime qu’en 2017 seulement 58 % des généralistes exerceront en libéral.
- Il y a 54 000 médecins généralistes installés en libéral en France.
- Le pourcentage des plus de 60 ans et de 24 % avec une grande disparité territoriale : en médecine rurale, l’âge moyen est nettement plus important qu’en médecine urbaine.
- 70 % des nouveaux installés sont des femmes (le taux de féminisation du passage en deuxième année de médecine varie de 66 à 78 % !)
- Le numerus clausus instauré en 1971 et qui était initialement de 8 500 étudiants passant en deuxième année a été réduit à partir des années 91 jusqu’en 2000 à 3 500 à peu près pour remonter progressivement à 5 500 en 2004 et 7 500 en 2012.
- Les médecins étrangers : en 2011, 27 % des nouveaux installés ont un diplôme hors de France malheureusement l’exercice est à prédominance salariée (65 %).
On peut donc tirer quelques enseignements malgré une certaine approximation sur ces chiffres.
Le premier facteur de désertification et d’ordre démographique.
Il s’agit de l’effet du numerus clausus institué en deuxième année de médecine. Sachant qu’il faut à peu près 16 à 17 ans pour former un médecin, nous payons actuellement en 2012 le numerus clausus des années 95 qui étaient de 3 500 passages en deuxième année. À peu près la moitié des étudiants choisit la médecine générale (1 500). Sur ses 1 500 futurs généralistes, à peu près 1 000 vont choisir majoritairement un salariat, 5 % de s’installeront pas, 10 % effectueront des remplacements de longue durée. Sur les 400 à 500 médecins qui arrivent sur le marché de la médecine générale en libéral, une majorité choisira une installation en cabinet de groupe en mode urbain ou péri urbain (les femmes médecins sont mariées majoritairement à des hommes de catégories socioprofessionnelles élevées et les maris ne trouveront pas un travail en campagne : il s’agit donc de l’effet inverse de ce que croient nos patients ; ce ne sont plus les femmes qui ne veulent pas suivre leur mari médecin mais les hommes mariés à des femmes médecins qui ne veulent pas suivre leur épouse pour une installation en mode rural !).
L’autre facteur est d’ordre sociétal.
Il s’agit de la féminisation massive du corps médical à cause du sex-ratio du passage en 2ème année de médecine (les filles sont plus studieuses que les garçons). Ceci a deux conséquences directes. Premièrement : choix privilégié d’une activité salariée (10 à 15 % des étudiants en médecine veulent s’installer en libéral !). Deuxièmement : temps de travail abaissé par rapport aux collègues masculins
(la répartition des taches ménagères n’est pas équivalente selon le sexe) et enfin aggravation du déficit induit par le numerus clausus car 5 à 8 % des femmes ne s’installent pas.
L’autre facteur sociétal est le choix de privilégier un temps libre chez les jeunes médecins par rapport à leurs aînés. « O tempora, o mores. »
Les départs des médecins en retraite vont se faire à raison de 2 500 à 3 000 (24 % de médecins de plus de 60 ans) par an, majoritairement en mode rural où l’âge moyen des médecins est plus élevé, et avec peut-être même dans certains cas un effet paradoxal de départ anticipé en retraite par saturation au niveau de la quantité de travail.
Il existe néanmoins quelques facteurs d’atténuation de ce choc.
Premièrement, l’apparition du médecin retraité actif : notre système de retraite étant au bord du gouffre (pérennité de l’ASV qui représente plus de 30 % de la retraite ?). Il existe en effet un doublement sur les deux dernières années des médecins retraités actifs (5 600) ; malheureusement il s’agit le plus souvent de médecins salariés.
Deuxièmement, l’arrivée des médecins étrangers (Roumanie et Maghreb principalement) mais seulement 24 % s’installent en libéral. Une nouvelle profession apparaît : les « chasseurs de têtes » qui recherchent des médecins principalement d’origine roumaine pour des communes sans généralistes.
Troisièmement, l’allongement de la durée du travail chez le médecin généraliste qui redoute de laisser fermer son cabinet médical par défaut de successeur.
On peut donc estimer qu’il va exister pendant quelques années (une dizaine) un déficit de renouvellement des médecins en libéral.
Ce déficit sera encore plus aigu chez les médecins généralistes installés seuls en campagne. On peut estimer que 1 500 à 2 500 cabinets fermeront chaque année.
Malheureusement, les causes étant principalement démographiques par l’incapacité des pouvoirs publics à analyser l’inertie énorme du numerus clausus aggravé par des phénomènes sociétaux (féminisation importante du corps médical, et les choix des jeunes médecins qui privilégient l’exercice en groupe et plutôt urbain). Ce ne sera pas en allouant 4 500 euros à de jeunes médecins s’installant en zone déficitaire que l’on réglera ce problème.
Il est évident que le développement des structures de soins pluridisciplinaires peut minimiser le problème pour attirer plus de jeunes médecins dans nos campagnes mais de toute façon, nous allons vers une crise démographique majeure à très court terme.
Réflexions sur le mariage homosexuel.
Grenoble (38)
Dr Maurice Collin*
Nos députés ont voté en faveur du mariage homosexuel.
Je pense que c’est une erreur et une faute pour plusieurs raisons :
1- Il faut conserver au mariage son sens originel, et pour les homosexuels, il vaut mieux améliorer le pacte civil existant.
Pourquoi heurter les valeurs des Musulmans des Juifs et des Chrétiens et diviser profondément notre pays ?
Ceci est contraire à l’unité indispensable de notre peuple pour affronter cette crise multifactorielle. Ou bien est-ce une diversion ?
2- La confusion des mots augmente la confusion des valeurs.
« Les troubles viennent quand les mots n’ont plus de sens », disait Confucius.
Le « mariage pour tous », formule trouvée par une agence de communication, est une formule absurde. Nous ne pouvons pas épouser notre sœur, notre mère ou deux femmes… L’amour ne suffit pas à justifier le mariage, sinon on peut justifier la polygamie.
La notion de « couple homosexuel » n’est pas adaptée.
En effet, l’assemblage de deux éléments de même nature ne constitue pas un « couple » mais une « paire ».
Deux bœufs assemblés sous le même joug forment une paire de bœufs et non un couple de bœufs.
Le couple, c’est « un homme et une femme unis par des relations affectives, physiques » (Robert 2012).
Boileau disait « il faut choisir le mot exact et le polir sans cesse ».
3-Il existe une perte de confiance dans les politiques et une « droitisation » des opinions.
Puisqu’on est en « sondocratie », le dernier sondage du centre de recherches politiques de Sciences-Po, le Cevipof, publié le 16 janvier 2013 est très évocateur :
- 85 % des Français estiment que leurs dirigeants ne tiennent pas compte de leur avis.
- L’institution présidentielle obtient 31 % de confiance ; contre 33 % en 2009.
- 45 % des Français sont favorables à la peine de mort ; contre 32 % en 2009.
- 65 % des Français pensent que les immigrés sont trop nombreux ; contre 49 % en 2009.
- Les idées de gauche régressent : 53 % des Français pensent que l’État doit « faire confiance aux entreprises et leur donner plus de liberté » ; contre 41 % en 2011.
Cette « droitisation de l’opinion » qui sera certainement augmentée par le mariage homo, traduit la peur des Français. Or la peur n’est jamais bonne conseillère.
Je ne trouve pas normal que notre gouvernement ne tienne pas compte du million de personnes qui ont manifesté contre le mariage homo et des 700 000 signatures envoyées au Conseil économique et social.
Dans un autre ordre d’idées, Jacques Chirac avait fait la même erreur en supprimant le service militaire, sans demander l’avis de notre population.
Le vote italien, qui traduit la défiance des électeurs vis-à-vis de leurs dirigeants politiques me paraît être précurseur.
4- Cette loi entraîne de nombreuses conséquences, comme si on ouvrait la « boîte de Pandore » :
- Le problème de la filiation de l’enfant va être compliqué, car l’enfant a besoin de se situer dans sa vie de façon claire et cohérente dans une filiation, dans une généalogie.
- L’adoption. Avec 220 000 « interruptions volontaires de grossesse » par an, soit une naissance sur 3, il n’y a plus d’enfants à adopter en France.
30 000 familles sont en attente d’un enfant à adopter.
Les pays étrangers que je connais : RDC, Madagascar, Haïti… ne souhaitent pas confier leurs enfants à des homosexuels.
- La Procréation médicalement assistée (PMA) doit être discutée à l’automne après l’avis du comité d’éthique. J’espère que Jean-Claude Ameisen exprimera ses réserves.
- Et bien entendu, cela va ouvrir la question de la grossesse pour autrui (GPA). Pourquoi ? Parce que deux hommes vont nous dire : « Nous avons le droit à… »
Le prix moyen à payer à une mère porteuse se situe entre 80 000 et 100 000 euros. Comme les homosexuels vont réclamer que la facture soit payée par la Sécurité sociale au nom du « droit à l’enfant », comment celle-ci va-t-elle payer alors que son déficit se creuse ?
Et si l’enfant n’est pas normal, que son cerveau a souffert à la naissance, que va-t-on en faire ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ?
Euripide (480-406) disait « Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites ».
J’espère donc que le Sénat, qui doit discuter de cette loi à partir du 4 avril, s’opposera à cette loi.
Je pense en effet que le mariage homo est une mauvaise réponse à une bonne question.
L’homosexualité reste une source de perplexité, de malaise et souvent d’une forme de mépris. Elle est encore réprimée dans 76 pays du monde et jusqu’en 1990, elle était inscrite par l’OMS sur la liste des maladies mentales.
Les homosexuels ont surtout besoin de respect.
Il faut reconnaître dans l’homosexualité une facette de la nature humaine et une richesse pour la société.
Il faut défendre des valeurs, des modèles au nom de l’intérêt général plutôt qu’au nom des libertés individuelles.
*Pédiatre
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