LE QUOTIDIEN : Quelles sont les finalités de l'étude i-Share ?
Pr CHRISTOPHE TZOURIO : L'étude i-Share a débuté en avril 2013 au sein des Universités de Bordeaux et Versailles initialement, puis rapidement d'autres universités nous ont rejoints. Ce projet a été financé dans le cadre des investissements d'avenir qui ont pour but de favoriser des actions innovantes en recherche et dans l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, 18 600 étudiants participent à i-Share ce qui est un grand succès. Le but de i-Share était double dès sa conception : disposer d'une photographie précise de la santé des étudiants, d'une part, afin de proposer des stratégies de prévention et mettre en place une plateforme de projets de recherche épidémiologique, d'autre part. Le panel de projets développé sur i-Share est particulièrement riche. Ainsi, une l'équipe étudie les facteurs génétiques communs entre la maturation cérébrale et le vieillissement, ce qui est une recherche assez fondamentale. À cette fin, 2 000 IRM cérébrales, 2 000 bilans biologiques ont été réalisés.
I-Share n'est-elle donc qu'une étude fondamentale ?
Loin de là. Le panel comprend également des recherches très finalisées. Par exemple, l'équipe i-Share a fait une étude de terrain sur les connaissances des étudiants étrangers sur le système de santé en France, afin de leur faire connaître les ressources locales et donc d'améliorer leur santé. Nous avons aussi obtenu un PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) intitulé i-Predict sur la comparaison entre le dépistage systématique (auto-prélèvement tous les 3 mois) des chlamydias chez les jeunes filles et le dépistage classique en cas de symptômes. Notre équipe propose aussi d'évaluer l'intérêt d'applications sur Smartphone afin de prévenir le risque de suicide chez les étudiants.
Disposez-vous de données spécifiques pour les étudiants en médecine ?
2 600 étudiants en médecine participent à i-Share, soit 20 % des participants, et c'est l'une des filières les plus représentées. À l’intérieur de l'échantillon, un peu plus de la moitié des étudiants sont en PACES. Les étudiants en médecine ne vont pas mieux que les autres étudiants de notre échantillon. Les problèmes de santé mentale pèsent lourdement sur ces jeunes : ils ont des niveaux de stress et de dépressivité élevée et tout particulièrement les jeunes filles.
Existe-t-il des différences entre la PACES et les autres années de médecine ?
Nous pensions qu'il existerait une différence selon le niveau de cursus en médecine, mais les chiffres spectaculaires que nous observons vont bien au-delà de nos estimations. Les signes de dépressivité sont particulièrement forts en PACES. Ainsi à la question " vous êtes vous senti(e) triste, vide sans énergie ou sans intérêt pour les choses pendant plusieurs jours de suite (symptomatologie dépressive, pas dépression majeure) ? ", 70 % des étudiants en PACES répondent oui, contre 54 % des années supérieures. Quant aux idées suicidaires fréquentes, elles sont pratiquement deux fois plus présentes chez les étudiants en première année (3,2 % contre 1,7 % par la suite).
Les PACES se plaignent de troubles du sommeil, de difficultés d'endormissement et sont donc plus souvent somnolents (somnolence au moins un jour par semaine pour 52 % contre 42 %). En ce qui concerne le sport, les étudiants de PACES en font moins régulièrement (59 % d'inactifs en PACES contre 35 % pour les années supérieures), ils ne s'autorisent pas d'activités extra-universitaires (11 % contre 49 %).
Votre étude n'a-t-elle relevé aucun point positif quant à la santé des PACES ?
Si ! En PACES, les étudiants déclarent moins souvent avoir consommé du cannabis que par la suite des études en médecine (43 % versus 58 %). Ils sont également moins nombreux à consommer de l'alcool au moins une fois par semaine (26 % versus 71 %). Et les PACES, comme tous les étudiants en médecine, sont généralement plus à jour de leurs vaccins. Ils consultent aussi plus souvent que dans les autres filières un médecin généraliste en cas de problème.
Pensez-vous que les expérimentations autour d'une nouvelle PACES sans possibilité de redoublement vont influer sur la santé mentale des étudiants ?
Quand on voit l'impact de la PACES sur la santé psychique et si on considère qu'un fort pourcentage de redoublants ne va pas réussir le concours, on se dit que leur éviter une deuxième PACES est certainement positif. Il faut bien entendu préserver la possibilité pour les plus motivés de revenir ensuite dans les études de médecine et je crois que c'est le sens des expérimentations en cours. La PACES telle qu'elle est proposée aujourd'hui est " épouvantable " pour les étudiants. Toute modification est donc bienvenue. Il semble que la PACES nouvelle formule va inclure la possibilité de prendre en compte la motivation, l'empathie… Des qualités qui font un bon médecin.
Quel avenir pour i-Share ?
Avec les réformes importantes en cours à l'université, il paraît indispensable d'étudier leur impact sur le bien-être et la santé psychique des étudiants et i-Share est la seule étude permettant de faire ça, puisque c'est un dispositif permanent. D'autre part, nous mettons en place des expérimentations d'intervention pour améliorer la santé des étudiants les plus fragiles ou les plus exposés. Nous venons ainsi de remporter un deuxième PHRC sur le stress et le risque de burn-out des externes et internes en médecine comportant une évaluation précise et, surtout, le test de stratégies de gestion du stress. Notre motif d'inquiétude est que nous avons eu récemment des signaux négatifs sur la poursuite du financement de i-Share mais nous espérons qu'il ne s'agit que d'un malentendu et que cette étude et ces projets pourront se poursuivre.
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