CLERMONT-DE-L’OISE (60)
Dr NICOLE BATLAJ
Enfin ! Dans le numéro du « Quotidien du Médecin » du 4 octobre 2011, l’Ordre cloue la convention au pilori. Son grand silence m’étonnait. La terminologie de la performance pose un certain nombre d’interrogations. L’usage qu’en fait la convention est aussi incongru que déconcertant.
On ne demande plus aux médecins d’être honnêtes et compétents, mais d’être performants. Ils le sont déjà dans la mesure où certains généralistes consultent jusqu’à 70 patients par jour ! Ces derniers nous disent : « Il ne m’a même pas regardé, il a pris ma carte Vitale, je n’ai pas eu le temps de dire la raison de ma visite. » Ces conditions de travail sont des épreuves réciproques pour le praticien stressé par la hâte et le patient qui doit attendre des heures, le plus souvent sans avoir été examiné.
L’idée de performance ne s’arrête pas là. Il faut prescrire des génériques ; ceux-ci sont d’une composition douteuse, mélange d’excipient aux dépens du produit actif dont ils modifient la biodisponibilité. D’ailleurs ces médicaments n’ont été soumis à aucun protocole attestant de leur efficacité. Pourquoi prescrire ce que nous savons être préjudiciable à nos patients ? En outre, l’idée de performance congédie le secret médical en faisant transmettre le dossier du patient à la caisse d’assurance-maladie.
On nous parle d’économie ! Il s’agit bien cependant de récompenser les médecins dociles, assujettis à la caisse d’assurance-maladie pour y recevoir 9 000 euros par an. Si l’on multiplie ce chiffre par le nombre de médecins consentants, quelle brèche financière ! Le paradoxe nous montre qu’une médecine au rabais rapporterait davantage, mais cela ne veut pas dire que la médecine classique soit responsable d’un moindre bénéfice pour l’État.
Cette convention déconsidère la profession. Le but est de transformer les médecins en distributeurs d’ordonnances virtuelles à des patients dont nous ne verrons ni le visage, ni n’entendrons la voix.
Le dernier logiciel veille sur notre mort annoncée à tous.
Études de médecine payées par les citoyens : de quoi parle-t-on ?
PARIS (75)
LOUISETTE JOSSERAND
Les médecins qui ont gagné leur vie tout en faisant leurs études ont eu beaucoup de courage.
Mais la question du financement des études [mise en avant par Martine Aubry lors de la campagne des primaires, et qui a fait réagir nombre de nos lecteurs et internautes, N.D.L.R.] est tout autre chose. Locaux, matériel, salaire des enseignants… : tout cela, aucun étudiant n’a à le payer, sauf pour de très faibles droits d’inscription. Je suis pharmacienne, c’est bien vrai que les citoyens français nous ont financé nos études ! Ce n’est pas le cas dans d’autres pays et nous devons savoir dire merci.
Devoir d’ingérence éthique et syndrome du sang contaminé
TOULOUSE (31)
Dr JEAN-LOUIS PAYEN
Expert près la cour d’appel de Toulouse en tant qu’hépatologue, je m’interroge sur la légitimité de l’indemnisation que notre société offre aujourd’hui aux personnes contaminées par le virus de l’hépatite C par transfusion sanguine.
Je réalise depuis de nombreuses années des expertises dans ce domaine. Récemment, j’ai été missionné par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) afin de réaliser des expertises pour des patients infectés par le virus de l’hépatite C probablement à la suite de transfusions de produits sanguins labiles. (…)
Toutefois, l’histoire de plusieurs d’entre ces malades m’interpelle sur la légitimité des indemnisations et donc remet en question mon rôle en tant qu’expert dans cette « machine » administrative qui me semble, dans certains cas, dévier de son objectif.
Je m’explique en contant l’histoire de M. X.
Nous sommes au mois de mai 1981, les journées sont déjà longues et chaudes, notre homme circule sur une belle route du sud-ouest de la France, il est 4 heures du matin ; il est seul dans sa voiture et ne porte pas sa ceinture de sécurité. Pour une raison inconnue il dévie de sa route et termine sa course dans un platane. Le choc est d’une violence inouïe. Par chance un véhicule le suit. Les témoins de cet accident inattendu mesurent alors rapidement l’urgence de la situation et préviennent sans tarder les secours.
L’efficacité des pompiers, du SAMU va permettre de maintenir M. X en vie jusqu’à son arrivée à l’hôpital. Il est en « miettes » : choc hémorragique, multiples fractures, coma… Sa vie ne tient qu’à un fil, mais c’est sans compter sur l’excellence du système de santé français, sur le professionnalisme des réanimateurs, anesthésistes, chirurgiens, autres médecins, infirmières, aides-soignantes, brancardiers… et aussi sur la solidarité des femmes et des hommes qui offrirent ce jour-là leur sang pour sauver M. X (très nombreux culots globulaires et plasmas frais congelés). Puis, il récupère une vie normale, fonde une famille et 20 ans plus tard le diagnostic d’infection par le virus de l’hépatite C est porté.
On le questionne sur son passé à la recherche d’un facteur de risque pour cette infection ; il apparaît alors que son histoire transfusionnelle explique probablement sa contamination. Une prise en charge spécialisée s’organise pour évaluer l’évolutivité de sa maladie, envisager un traitement. On signale à ce patient sa possibilité d’obtenir une indemnisation via l’ONIAM. Il présente donc son dossier et les modalités administratives s’engagent, se poursuivent… et me voici dans la boucle en tant qu’expert.
Rappelons qu’en 1981 le virus de l’hépatite C n’avait pas été découvert (1), il le sera 8 ans plus tard et les premiers tests disponibles le seront en mars 1990 (…). Sans la précieuse organisation des secours, sans l’efficacité du système de santé, sans la générosité et la fraternité des donneurs, M. X ne serait plus. Sans le principe de solidarité qui régit notre système de soins, il aurait aujourd’hui à débourser peut-être 40 000 euros pour son traitement (trithérapie). Alors dans l’histoire de M. X où se situe la faute et par qui a-t-elle été commise pour qu’il puisse bénéficier d’une indemnisation ?
Je pense que la faute revient à ceux qui considèrent M. X comme une victime du système de santé, victime d’un accident médical : rien, dans son histoire médicale, ne permet de relever une faute ou un accident médical. Aurions-nous indemnisé les malades porteurs de séquelles de la tuberculose avant la découverte des antibiotiques qui permettent aujourd’hui de les guérir ? Cette indemnisation consentie en l’absence de toute faute caractérisée ne me paraît pas éthique et de fait m’incite à ne plus œuvrer pour que M. X reçoive ce dédommagement.
Il me semble que la faute revient à ceux qui proclament que la santé est un droit. Il existe dans nos esprits aujourd’hui une profonde confusion entre le droit à l’accès aux soins, que je considère en effet comme parfaitement légitime, et le droit à la santé qui ne peut exister. Comment pourrait-on garantir à chacun le droit de ne jamais tomber malade ! Parallèlement à cette demande de prise en charge par la communauté de notre santé, nous observons un manque criant de conscience des devoirs qui pourtant sont les nôtres envers notre propre santé ; à titre d’exemple, la sédentarité, le surpoids, la consommation excessive de tabac ou d’alcool, sont autant de facteurs de risque que nous souhaitons ignorer, mais nous exigeons que la solidarité s’occupe de leurs conséquences sur notre santé.
Notre société du début du XXIe siècle, culpabilisée à l’idée d’avoir laissé quelques professionnels de santé indélicats transfuser du sang contaminé, d’avoir à tort, commercialisé des molécules dangereuses ; elle souhaite indemniser, réparer sans compter, sans limite. Or, cette manne précieuse que l’on distribue sans justification, fruit de la solidarité, pourrait trouver de plus justes utilisations, surtout dans la situation actuelle où beaucoup de personnes démunies hésitent à se faire soigner faute de moyens. Enfin, ces indemnisations, qui me paraissent injustes, ouvrent par ailleurs une boîte de Pandore : celle de l’indemnisation sans limite notamment de tous les aléas thérapeutiques.
L’éthique de notre profession n’est-elle pas de dire la vérité, de faire connaître et reconnaître les limites de notre art, les incertitudes et les ignorances auxquelles notre exercice s’expose. N’ayons pas peur de rester dans le juste ; certains demandent déjà l’immortalité, il nous sera difficile demain de la garantir et encore plus d’indemniser les familles de ceux qui, convaincus des pouvoirs démesurés de la médecine, pensaient en bénéficier.
(1) De la jaunisse à l’hépatite C : 5 000 ans d’histoire. Jean-Louis Payen, édition EDK, 2001, Paris.
(2) PCR : polymerase chain reduction.
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