La réforme du 3ème cycle des études médicales est destinée à réduire la complexité et la juxtaposition des cursus monodisplinaires (sic), à mieux suivre les étudiants (contrat pédagogique) et à réduire les frontières entre spécialités.
En gros, adapter la formation aux besoins et à l’évolution des spécialités, tout en utilisant des outils modernes : enseignement numérique et simulateurs. Très bien. Mais il s’agissait aussi de répondre à l’importante augmentation du nombre d’internes alors que l’augmentation du nombre d’assistants est faible pour raisons budgétaires (l’assistanat étant l’étape après l’internat). La réforme va faire que, pour un nombre croissant d’étudiants dans les spécialités médicales, la durée de formation va passer de 6 ans (4 + 2 de mise en responsabilité) à 4 ans (3 + 1 de mise en responsabilité). La réforme est une optimisation mais aussi une contrainte, une acrobatie pour faire admettre qu’il suffit d’être interne pour être bien formé, alors que le nombre de connaissances et de compétences ne fait que croître. Il importait qu’au moins le travail pour faire rentrer la formation dans ce temps contraint, soit bien fait. Or cela n’a pas été le cas : absence de méthode, de cohérence et de transparence.
Si on doit adapter la formation au besoin et à l’évolution des spécialités, il faut dans un premier temps évaluer le besoin et prendre en compte l’évolution des spécialités. C’est l’évidence. Cette évaluation n’a pas été faite. En effet…
A) d’emblée, on a décrété qu’il faut 4 ans aux spécialités dites médicales et 6 ans aux spécialités dites chirurgicales. Cet a priori n’était pas une bonne base de départ du fait justement de l’évolution des spécialités. Un grand nombre de spécialités médicales sont devenues médico-techniques, en particulier l’hépato-gastroentérologie avec l’endoscopie digestive. Alors que la réforme était faite pour adapter la formation à l’évolution des spécialités, elle s’est d’emblée enfermée dans un canevas obsolète, contraire à l’esprit même de la réforme.
B) ensuite, il n’a été appliqué aucune méthodologie bien que nous en ayons eu tout le temps, depuis 2014.
+ il n’y a eu aucun travail pour mesurer le besoin en temps de formation pour chaque spécialité. Il n’a même pas été défini des indicateurs permettant ce calcul : nombre et poids des codes diagnostic, des actes, des sous-spécialités, des organes à prendre en charge, des types de pathologie…
+ il n’y a eu aucune méthode de travail précise avec les représentants des spécialités. Les spécialités ont été reçues épisodiquement une par une mais cela n’a servi à rien. Elles n’ont pas été écoutées. Tout était figé. Il n’y a pas eu de méthode pour arriver à un consensus entre deux spécialités quand celles-ci, du fait de leur évolution, sont en charge des mêmes maladies ou des mêmes actes. La DGS en 2005 pour réformer l’échelle des coûts des actes médicaux et chirurgicaux a su mettre en place une méthodologie en organisant des réunions structurées de confrontation entre spécialités hiérarchisant les poids des actes.
Alors que toute évaluation de moyens diagnostiques ou thérapeutiques, toute rédaction de recommandations suit des règles scientifiques strictes, nous n’avons eu aucune démarche scientifique sur un sujet aussi important que la formation des étudiants. La méthode a été « ça passe ou ça casse », au détriment des patients. En espérant qu’outils numériques, simulateurs et contrat pédagogique nous aident. Mais outils et contrat ne diminuent pas la somme de connaissances et de compétences à acquérir. Risqué, surtout quand la tendance légitime actuelle est de renforcer la qualité et la sécurité des soins.
C) enfin, il y a eu incohérence et absence de transparence quand par exemple, 5 ans ont été accordés à la pneumologie et 4 à l’hépato-gastroentérologie. Alors que dans les catalogues de la CNAM, le nombre d’actes et de diagnostics en hépato-gastroentérologie est bien supérieur à ceux de la pneumologie. Comme si un des responsables de la réforme avait admis les limites de la réforme pour sa spécialité de formation et celle de son fils. Cette absence de transparence finit de discréditer le travail.
Dans le souci d’une formation adaptée et moderne et de la qualité des soins, la réforme doit être reportée. Elle est nécessaire et doit être menée. Mais avec méthode, cohérence et transparence.
* Président de l'European Society of Gastrointestinal Endoscopy
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