LE QUOTIDIEN – Pourquoi cet attrait pour le numerus clausus ?
Dr DANIEL WALLACH – J’ai eu un déclic en lisant un livre sur la vie quotidienne des médecins parisiens au XIXe siècle. Ils étaient environ 10 fois moins nombreux qu’aujourd’hui mais une de leurs grandes préoccupations était ce qu’ils appelaient la « pléthore médicale ». Ils se plaignaient du trop grand nombre de médecins, qu’ils allaient mourir de faim et qu’il ne fallait pas que les jeunes suivent leurs traces. Cela m’a intéressé et m’a amené à me pencher sur l’histoire du numerus clausus à partir du « Quotidien du Médecin ».
Le numerus clausus est-il un baromètre de la politique de la santé ?
Je dirais que le numerus clausus est un consensus qui a duré une trentaine d’années pour diminuer le nombre de médecins en France. Si on regarde les courbes, des démographes ont montré dès 1987 que le nombre de médecins allait s’élever jusqu’à 2010 puis qu’il allait descendre jusqu’à des niveaux très bas en 2030, environ. Cette perspective d’une diminution considérable du nombre de médecins semblait acceptée. Pendant longtemps, l’idée a prévalu que les jeunes ne devaient pas s’installer et que les vieux devaient partir en retraite plus tôt avec le MICA (mécanisme d’incitation à la cessation d’activité). Ce qui m’a frappé, c’est cette espèce de destruction morale de la profession. Pour résumer la pensée d’un sociologue (feu Bui Dang Ha Doan), quand il y a beaucoup de jeunes, les médecins paniquent car ils ont peur qu’ils prennent leur place et quand il n’y a pas beaucoup de jeunes, ils paniquent aussi car ils ont peur de ne pas avoir de successeur. Il y a chez les médecins une peur du jeune.
Le ministère de la Santé réfléchit à l’avenir du numerus clausus. Selon vous, faut-il le réduire, l’augmenter ou le supprimer ?
Il faut supprimer le numerus clausus et laisser les études de médecine dans l’ambiance universitaire traditionnelle. Le numerus clausus a été une erreur morale et une erreur démographique catastrophique. Les gens qui font des prévisions se trompent tout le temps.
Les pouvoirs publics sont-ils mûrs pour prendre une telle décision ?
Si l’on regarde l’histoire des décisions ministérielles, un ministre, en place pour 2, 3 ou 4 ans, ne se sent pas compétent pour prendre des décisions sur l’avenir de la médecine à 50 ans. Il prend donc des avis auprès de la profession – les syndicats médicaux, les doyens, les gestionnaires de l’assurance-maladie ou les représentants d’hôpitaux. En 1981, le communiste Jack Ralite voulait remonter le numerus clausus mais tout le monde était contre. Il n’a pas écouté ses convictions mais la profession. L’histoire des décisions d’évolution du numerus clausus est une suite de louvoiements.
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