Des études sans notes ? Inimaginable aujourd’hui, alors qu’elles cadencent la réussite des futurs médecins, du premier cycle jusqu'à l'internat. Archaïques et arbitraires pour les uns, neutres et utiles pour les autres, les notes chiffrées sont débattues depuis des dizaines d’années et parfois mises en question pour mesurer la qualité ou la compétence. Le sujet a même fait l’objet d’une table ronde lors du récent congrès international francophone de pédagogie en sciences de la santé, organisé à Strasbourg.
Inspirée des classements d’élèves mis en place par les collèges jésuites dès le XVIe siècle, la note n’a pas toujours été l’apanage des pratiques d'évaluation. Au début du XIXe siècle, les bacheliers étaient évalués par un système de boules colorées : rouge pour favorable, blanche pour neutre, noire en cas d’échec. Ce n’est que vers la seconde partie du XIXe siècle que les notes apparaissent et se diffusent, consubstantielles au développement des examens et concours. Sur 5 d’abord, puis sur 20.
Pour Nicole Poteaux, professeur en sciences de l’éducation, qui défend ardemment l’idée de sa suppression, la note est déconnectée de l’apprentissage. « Jamais on ne demande à l’étudiant ce qu’il a appris de nouveau, ce qu’il sait faire aujourd’hui qu’il ne savait pas hier. On lui demande sa note, point. C’est la monnaie, le salaire ». Pour cette spécialiste, malgré une apparente précision, la note n’apprend que peu de choses des connaissances concrètes acquises par l’étudiant. « Si vous avez 12/20 en anglais, qu’est-ce que ça veut dire ? Que vous savez parler, lire ? », illustre-t-elle.
Autre écueil, les notes orientent artificiellement le choix des individus. Elles vont permettre par exemple de sélectionner les meilleures facs de médecine, « ce qui fait que l’on choisit son cursus uniquement en fonction de ça », ajoute Nicole Poteaux.
Un critère universel ?
Du côté de la Belgique, Valérie Dory, médecin généraliste et pédagogue à la faculté de médecine de Liège, plaide au contraire pour le maintien du système de notation. « Les conséquences négatives de la note viennent davantage de la culture d’apprentissage que de la note elle-même », insiste-t-elle. Car ce système de classement relatif a au moins le mérite de distinguer les étudiants dans cette filière aux places très limitées. Car fautes de notes, quelle alternative pour sélectionner ?
La suppression des notes chiffrées a été expérimentée dans certaines facs de médecine canadiennes et américaines. Elles ont été remplacées par des validations d’unités d'enseignement et des évaluations en stage, grâce à une série de commentaires sur l’étudiant et des lettres de recommandation. Mais, constate Valérie Dory, « lorsque l’on regarde ces fiches d’évaluation en stage de médecine, on ne distingue pas que des niveaux de performances, il y a aussi une tendance de l’évaluateur à utiliser des mots différents en fonction du genre ou de l’origine ethnique de l’étudiant. » Un bon point pour la note : elle serait neutre, universelle et non discriminante.
Autre exemple, à l’Université McGill, située à Montréal. Pour suivre le cursus ORL, très sélectif, il était requis — en guise d’évaluation — un CV où les candidats devaient présenter leurs différentes activités extra-curriculaires : recherches, bénévolat… Avec le temps, les CV présentés devenaient de plus en plus « extraordinaires », tandis que l’âge des candidats diminuait. « On peut supposer que les candidats les plus âgés avaient moins de temps pour des activités extra-curriculaires, parce que parent ou enfant de personnes âgées, ils s’auto-excluaient du cursus », analyse Valérie Dory. Sans note donc, le profil des aspirants médecins était de moins en moins diversifié.
Notes et feedback détaillé
En Angleterre, un test a été réalisé sur des étudiants stagiaires en médecine générale. Après leur avoir proposé une évaluation avec ou sans note, 80 % des étudiants choisissaient d’avoir leur chiffre pour se situer ! « Certes, dans un monde parfait, il faudrait que les étudiants aient aussi un feedback détaillé sur tous les acquis, pour qu’ils deviennent les meilleurs soignants possible. Mais étudiants comme enseignants, tous ont encore besoin d’une information claire et lisible sur les compétences », soutient Valérie Dory.
Clément Mura, étudiant en 6e année de médecine à Strasbourg, témoigne de l’importance des retours argumentés des enseignants, en complément des notes brutes. « Nous avons fait un sondage à l’automne 2019 sur 179 étudiants en médecine. Et une grande partie d'entre eux regrettent le manque de corrections des examens et de feedback », explique-t-il. Les étudiants strasbourgeois auraient souhaité davantage d’entretiens de stage, des carnets de suivi, mais aussi plus d’évaluation sur les compétences pratiques « en développant les mises en situation d’expérience clinique et la simulation. » Souvent associées à la capacité de mémorisation immédiate, les notes ne sauraient constituer l'alpha et l'oméga de l'évaluation en médecine. Pour Clément Mura, « travailler en équipe avec d’autres étudiants en santé, sur l’histoire d’un patient, pourrait favoriser l’ancrage de nos connaissances théoriques ».
En France, le système de « matching » qui remplacera les ECN pour accéder à l'internat sera fondé sur un trépied de critères : la note obtenue dans l'épreuve nationale des connaissances théoriques ; l'évaluation des compétences cliniques et relationnelles ; enfin le parcours de formation et d'expériences extra-universitaires...
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