À quelques semaines des élections municipales, cela a tout du plaidoyer. Alors que les édiles aiment à brandir la coercition face à la désertification médicale, l'Intersyndicale nationale des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) publie une enquête d'ampleur* montrant que les stages en ambulatoire sont déterminants dans l'installation des internes de cette spécialité.
Menée à la fois auprès des jeunes dont l'internat est toujours en cours ou n'ayant pas encore passé leur thèse et auprès d'anciens internes thésés, l'étude se penche sur le SASPAS (stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée), créé en 2003 et rendu obligatoire avec la réforme du troisième cycle des études médicales en 2017. Ce stage permet à l'interne « une mise en autonomie supervisée progressive », qui lui permet de découvrir pleinement l'exercice de la médecine générale ambulatoire, rappelle l'ISNAR-IMG.
Selon l'étude, les internes en dernière année ou non thésés sont 65 % à avoir effectué au moins un SASPAS. 82 % envisagent une installation en ambulatoire, dont 36 % dans les trois ans après la fin de leur internat. 63 % d’entre eux plébiscitent un exercice semi-rural (en périphérie de villes), 20 % un exercice rural et 17 % un exercice en zone urbaine. 66 % penchent pour le libéral exclusif et 32 % préfèrent un exercice mixte. L'attirance des jeunes pour le travail en groupe est sans conteste : 95 % des répondants espèrent exercer en cabinet de groupe ou en maison de santé pluriprofessionnelle.
Incubateur de projets
Autre enseignement : quand 69 % des internes en médecine générale n'ayant pas fait de SASPAS projettent de s’installer en ambulatoire, ce taux grimpe à 89 % chez ceux ayant réalisé un stage auprès d'un médecin de famille. L'impact sur l'installation est particulièrement significatif dans les territoires ruraux : sans stage, 15 % des internes pensent à y habiter et travailler. En revanche, 38 % des jeunes y ayant vécu une expérience précédente sont prêts à faire le grand saut. Ces taux sont quasi identiques pour les jeunes généralistes déjà thésés.
« Le SASPAS accélère l'installation, résume Marianne Cinot, présidente de l'ISNAR-IMG. Il joue un rôle d'incubateur des projets professionnels et permet également de confirmer des décisions déjà envisagées par les internes. » Cet effet se confirme chez les jeunes généralistes déjà thésés : 53 % de ceux ayant réalisé plus de deux stages ambulatoires se sont installés en ville dans un délai inférieur à 14 mois, contre 37 % pour ceux ayant réalisé moins de deux stages ambulatoires.
L'intersyndicale entend se servir de ces chiffres éloquents pour « montrer aux élus que des solutions autres que la coercition fonctionnent », mais aussi pour « porter [ses] positions ». Parmi celles-ci, intensifier le recrutement de maîtres de stage des universités (MSU) sur tout le territoire et améliorer l'accueil des étudiants. Côté porte-monnaie, l'ISNAR-IMG espère d'une part une revalorisation (et un élargissement) de l'indemnité forfaitaire d’hébergement de 200 euros brut mensuels (pour un stage en zone sous-dense à 30 km du CHU et du domicile), d'autre part une hausse de l'indemnité de transport de 130 euros brut mensuels (pour un stage à plus de 15 km du CHU et du domicile). Enfin, la gestion administrative du cabinet, la fiscalité et la comptabilité doivent être bien plus enseignées à la fac. Car pour l'ISNAR-IMG, il existe d’autres freins à l’installation que la simple méconnaissance de la pratique libérale, que les stages seuls ne suffisent pas à lever.
* Enquête élaborée dans le cadre d’un travail de thèse par deux internes de Toulouse, en collaboration avec l’ISNAR-IMG. 2 456 réponses ont été exploitées, dont 1 448 d'internes de médecine générale (746 en TCEM3 et 703 entre la fin de l'internat et la soutenance) et 1 008 de répondants thésés ayant fini leur internat (dont 681 installés).
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