LE QUOTIDIEN : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un stage à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
KATELL FEAT : Étant étudiante à Rennes, je connaissais déjà le partenariat entre le CHU et l’hôpital François-Dunan de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il existe un réseau très étroit entre les spécialistes rennais et les médecins de l’archipel. La faculté proposait depuis plusieurs années un stage de trois mois pour les externes, et j’en avais entendu parler par ce biais-là. Le département de médecine générale a ensuite ouvert ce stage aux internes à partir de novembre 2023. J’ai toute de suite candidaté. J’ai ainsi pu partir six mois, de novembre 2024 à mai 2025.
Comment s’est passée votre arrivée sur l’archipel ?
Je suis arrivée avec ma co-interne — on part toujours en binôme. Dès l’aéroport, nous avons été accueillies par Claire Letournel, la pharmacienne de l’hôpital et notre référente sur place. Elle nous a fait visiter Saint-Pierre dès le premier jour : l’hôpital, le centre de santé, mais aussi les lieux de vie essentiels.
Au niveau médical, l’intégration s’est très bien passée. Comme il n’y a qu’un seul interne par structure, nous avons eu une journée complète de présentation du système de santé local et du fonctionnement des soins sur l’archipel, où il n’y a aucun spécialiste. Les équipes ont l’habitude : nous étions le troisième binôme accueilli, et la majorité des professionnels sont des métropolitains qui connaissent bien le rôle d’un interne. L’accueil a vraiment été très chaleureux.

Comment s’est articulé votre stage ?
Le stage est réparti en deux périodes de trois mois. Les trois premiers mois se déroulaient au service de médecine du centre hospitalier François-Dunant, un service très polyvalent, le seul de l’hôpital, avec le service de chirurgie. On y prenait en charge des patients hospitalisés pour des pathologies très variées, de l’AVC à l’infarctus en passant par les troubles digestifs.
Les trois mois suivants se faisaient en ambulatoire, au centre de santé de Saint-Pierre, où exercent quasiment tous les généralistes de l’archipel. C’était un fonctionnement proche d’un SASPAS : des consultations en autonomie, de 9 heures à 17 heures, une grande pause le midi, et un échange régulier avec les médecins du centre. Pendant cette période, nous faisions aussi une semaine par mois au poste médical de Miquelon, la deuxième île, d’environ 500 habitants. Là-bas, on travaille avec le seul médecin d’astreinte 24 heures/24, dans un contexte d’isolement avancé : pas de radio, pas d’écho et des biologies une fois par semaine. Même si on est le seul interne sur place, l’équipe est très soudée, alors on ne se sent pas seul.
Avez-vous observé des différences de pratique avec la métropole ?
Oui, elles sont assez marquantes. D’abord, la clinique prend une place énorme : c’est souvent notre seul outil. Dès qu’on a besoin d’un examen complémentaire ou d’un avis spécialisé urgent, cela peut entraîner une évacuation sanitaire en avion. Il faut donc être très sûr de son évaluation clinique avant de demander un examen.
Ensuite, faute de spécialistes sur place, les généralistes prennent beaucoup plus de décisions eux-mêmes. On peut solliciter les équipes du CHU de Rennes via OmniDoc, mais au final, c’est nous qui prescrivons et organisons les examens. La troisième grande différence, ce sont les évacuations sanitaires : pour les urgences (infarctus, chirurgie) les patients partent à Terre-Neuve ; pour d’autres soins, notamment les chimiothérapies, ils se rendent en métropole, souvent à Rennes. On peut d’ailleurs participer à ces évacuations, ce qui est très formateur. Cela implique pour les habitants des séjours de plusieurs semaines ou mois loin de l’archipel, ce qui transforme beaucoup leur rapport aux soins. Enfin, comme il n’y a pas de service d’oncologie sur place, la poursuite des traitements de chimiothérapie est réalisée dans le service de médecine, sous supervision à distance du CHU. C’est très intéressant.

Comment est la vie sur place ?
L’archipel, situé au large du Canada à une heure de bateau de Terre-Neuve, a un climat clairement nordique. L’hiver est proche de celui des pays du Nord : températures entre 0 et – 10 °C, parfois – 15 °C mais rarement plus bas grâce à l’influence insulaire. Il neige presque tous les jours de décembre à février, ce qui donne une ambiance de vrai hiver du Grand Nord sur une petite île de l’Atlantique. C’est magnifique, mais il faut être bien équipé — manteau chaud, gants, écharpe et bonnes chaussures — car l’île est escarpée. Le principal point à anticiper, c’est l’éloignement : on reste six mois loin de la métropole et les retours sont compliqués. Pour autant, on n’est pas isolés : l’équipe médicale est très soudée et il y a beaucoup d’activités — randonnées, sport, musique — ainsi que de nombreux échanges avec les habitants. Nous avons fêté Noël avec ma co-interne et trois externes de Rennes avec des plats typiques de morue et de homard. C’était un noël particulièrement chaleureux, entre neige, décorations et visios avec nos familles. Là-bas, le patinage est le sport national : la patinoire ouvre de novembre à avril et il est possible de patiner sur des étangs gelés. L’archipel compte aussi deux équipes de hockey avec des matchs chaque semaine. On y trouve également une piscine, une salle de sport, badminton, tennis de table, rugby et beaucoup de groupes de musique locaux. Contrairement aux idées reçues, les 5 500 habitants de Saint-Pierre et Miquelon vivent dans un cadre très animé.

Que retirez-vous de ce stage ?
J’en retire énormément, tant sur le plan professionnel qu’humain. Ce stage m’a permis de pratiquer la médecine d’isolement, où l’on n’a pas toujours accès aux examens complémentaires ni aux spécialistes. Cela développe beaucoup le sens clinique et l’autonomie, et m’a montré qu’on peut parfois gérer les situations avec les moyens du bord. Sur le plan humain, c’était une expérience incroyable : un territoire unique, entre France et Amérique du Nord, avec une culture marquée par la Bretagne. J’y ai rencontré des personnes extraordinaires, ma co-interne, les externes et toute l’équipe médicale. C’est un stage que je recommande à tous les internes souhaitant découvrir la médecine en milieu isolé. Côté pratique, tout est pris en charge : avion, logement, électricité, avec un salaire majoré et une prime pour l’alimentation, ce qui rend l’expérience très accessible financièrement.
Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 30 novembre !
La clôture des candidatures pour le semestre mai-octobre 2026 est fixée au 30 novembre. Les candidatures peuvent être envoyées aux adresses mails suivantes : hsdomtom@u-bordeaux.fr, coordonnateur-des-mg@univ-rennes.fr et secretariat.medecine-generale@univ-rennes.fr.
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