MM. Les internes de Paris ne veulent à aucun prix se considérer comme les égaux de leurs collègues de province. Cette prétention n’est peut-être pas aussi justifiée que l’imaginent les provinciaux devenus Parisiens.
Mais voici que l’internat parisien serait heureux de voir des internes de province concourir à Paris et, pour les attirer, réclame pour ceux-ci la suppression de l’obligation préalable de l’externat à Paris. Or, sur cette question, un de nos confrères de Bordeaux a adressé au docteur René Cruchet une lettre des plus intéressantes, publiée dans le « Journal de Médecine de Bordeaux » daté du 29 janvier 1911, dont voici les principaux passages :
« Véritablement je suis ému, profondément, de la sollicitude de ces messieurs. de l’Internat de Paris. Pour nous, les Grands Prêtres vont remuer les portiques du Temple ; oh, bien doucement car chacun sait qu’ “il ne faut toucher à l’institution de l’Internat qu’avec une prudente circonspection” (Jayle), ses murs se lézardant probablement d’inquiétante façon… L’Internat des hôpitaux de Paris est en danger : les postes dans les Facultés de province, la considération, la clientèle échappent à MM. Les Internes de Paris. La décentralisation opère ; et, au-delà des fortifications de la grand’ville, il s’est organisé des centres intellectuels et médicaux jusqu’ici volontairement ignorés, méprisés par les Parisiens, et qui, maintenant qu’ils ont pris conscience de leur valeur, se passent parfaitement de Paris, inquiètent la capitale. Songez donc : voici que désormais le personnel des Hôpitaux et des Facultés de province se recrute uniquement parmi les élèves de ces Facultés et que ces postes honorifiques ou rémunérateurs passent sous le nez des anciens internes de Paris ! Bien plus, ne voilà-t-il pas qu’on va chercher en province des professeurs pour la Faculté de médecine de Paris !
« S’il va comme simple praticien dans une ville de province, l’ancien interne de Paris s’aperçoit vite qu’il n’éblouit pas plus que l’ancien interne de la Faculté provinciale voisine ? Cela ne prend plus, l’auréole a pâli.
Le côté productif se ressent fortement de “ce fâcheux état de choses”. “ Le rayonnement de Paris diminue depuis quinze ans, ajoute M. Jayle, dans une proportion considérable”. Il faut que l’Association “pare” rapidement à ce danger, sans quoi les clients oublieront tout à fait le chemin de Paris, et les maîtres des Facultés de province achèveront de supplanter les consultants de Paris. Et, dans un élan de générosité digne du Loup du Petit Chaperon rouge, MM. De l’internat de Paris nous crient : “Entrez donc, nous vous ouvrons l’huis… pour mieux vous manger, mes enfants ! “
« Au reste , pour qu’il n’y ait pas de doute sur la haute estime où ces Messieurs tiennent leurs soi-disant camarades provinciaux, M. Jayle explique que ce vœu, supprimant la nécessité d’être ancien externe des hôpitaux de Paris pour se présenter à l’internat desdits hôpitaux, sera un grand avantage pour les internes ayant un an d’exercice en province ; ils seront ainsi mis de suite au niveau des externes de Paris. D’ailleurs, ajoute-t-il, “personne, dans le milieu médical, n’attache une grande importance au titre d’externe des hôpitaux”. Ce qui se traduit en mathématiques par l’équation : externe des hôpitaux de Paris = interne des hôpitaux de province = 0, ou à peu près.
« Telle est, quoiqu’ils puissent protester, l’opinion de MM. Les internes de Paris. Mépris des provinciaux, désir de prendre leurs places : voilà le résumé de ces beaux discours ! »
(« Montpellier médical », avril 1911)
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