Une étude* dirigée par le DMG de Rennes en 2019 et publiée en juillet révèle que 96 % des étudiants ont déjà été exposés à la promotion pharmaceutique pendant leurs cursus, cela vous étonne-t-il ?
Dr Yannick Schmitt : Malheureusement, absolument pas. La présence des laboratoires pharmaceutiques, notamment à l'hôpital, est encore très importante aujourd'hui. Dès leurs premières années, les étudiants sont donc exposés à la promotion pharmaceutique. Il arrive d'ailleurs très souvent que, dans certains services, des petits-déjeuners soient organisés par les firmes. On demande alors aux étudiants d'être présents pour recevoir l'information mais on leur dit ne pas manger les petits pains. Ils n'apparaissent pas sur les listings mais sont tout aussi exposés que les autres à cette promotion. Et ces « rencontres » ne sont pas sans impact. Nous avons aujourd'hui des données très robustes qui prouvent que les stratégies des firmes pharmaceutiques ont une réelle influence sur la prescription des médecins.
Les étudiants sont-ils également exposés à la promotion pharmaceutique pendant leur stage en ville ?
Dr Y. S. : Oui, partiellement. Disons qu'il y a des maîtres de stage qui sont totalement hermétiques à la visite médicale et qui ne la reçoivent plus depuis longtemps. Dans ces cas-là, l'interne ne va pas être exposé à la promotion pharmaceutique. D'autres maîtres de stage vont recevoir la visite mais l'épargner aux étudiants. D'autres encore vont demander à leurs stagiaires internes d'être présents au moment de la visite. Dans ces cas-là, l'étudiant va être inéluctablement exposé à la promotion. Globalement, la situation est très hétérogène en fonction des régions. D'ailleurs, il peut il y avoir des consignes différentes en fonction des subdivisions. La charte du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) sur la maîtrise de stage, signée il y a quelques mois, insiste sur l'importance de l'éthique des maîtres de stage et sur cette notion de visite médicale.
Comment expliquez-vous cette exposition malgré la signature en 2017 d'une charte d'éthique et de déontologie par la Conférence des doyens ?
Dr Y. S. : En 2017, la Conférence des doyens s'est en effet dotée d'une charte d'éthique et de déontologie. Dans ce document, les facultés se sont engagées à ce que la promotion pharmaceutique n'ait plus sa place dans la formation des étudiants. Mais force est de constater que nous sommes encore bien loin du compte. En effet, jusqu'à maintenant, en dehors des déclarations, il n'y a eu aucune action. Nous avons d'ailleurs fait un bilan de cette charte en publiant, à deux reprises, un classement des facultés en matière d'indépendance. Ce classement a démontré qu'aucune faculté quasiment n'avait appliqué les principes de la charte. Aujourd'hui, la balle est clairement dans leur camp. Les facultés ont toute latitude pour agir.
Comment améliorer la formation des étudiants sur ce sujet ? Que propose le Formindep* ?
Dr Y. S. : L'idée de l'association pour une information médicale indépendante (Formindep) est de former les étudiants par le biais de leurs associations étudiantes (l'Isnar-IMG, l'Anemf ou l'Isni). Depuis plusieurs années, l'Anemf a par exemple un référent pour ces questions-là, tout comme l'Isnar. Nous voyons bien que ce sont des préoccupations qui sont intégrées dans leur réflexion. Nous sommes aussi régulièrement amenés à former les étudiants en premier, deuxième et troisième cycles à l'occasion de congrès nationaux. Du côté de la formation au sein des facultés, nous remarquons tout de même, ces dernières années, une prise de conscience au sein des départements de médecine générale (DMG). La formation à l’analyse critique de la promotion pharmaceutique (Facripp) née au DMG de Bordeaux à essaimer dans d'autres facultés. À la faculté de Strasbourg, où j'enseigne, cela fait presque 10 ans qu'une formation sur le sujet existe. Elle sera d'ailleurs rendue obligatoire à partir de cette année. Malheureusement, ce type de formation reste, pour le moment, trop souvent optionnel ou arrive un peu tard dans le cursus des étudiants. Il n'y a d'ailleurs, à ma connaissance, pas de formation existante sur le sujet proposée aux internes des autres spécialités.
*Molina M, Boëffard A, Esvan M, et al. Medical students’ exposure to and attitudes towards product promotion and incentives from the pharmaceutical industry in 2019 : a national cross-sectional study in FranceBMJ Open 2022 ; 12 : e045671. doi : 10.1136/bmjopen-2020-045671
*L'association Formindep met à disposition des étudiants de médecine et des professionnels de santé « Le livret de la troupe du rire ». Ce fascicule montre les mécanismes utilisés par l'industrie pharmaceutique pour promouvoir ses produits et donne des clés pour s'en prémunir.
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