LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous présenter votre cadre d’exercice actuel ?
CARLA ZYLBERSZTEJN : Je suis en neuvième semestre d’internat à Tours. C’est ma dernière année, je suis docteure junior depuis peu. Je suis actuellement en stage en périphérique en clinique à Bourges, où je fais de l’ostéoarticulaire. Il me restera ensuite un stage à faire en CHU, avant si tout va bien de passer assistante spécialiste en novembre.
Dr CÉLINE BARCELO : Je suis pour ma part installée sur le bassin d’Arcachon. C’est ma deuxième installation. Nous avons monté un centre d’ostéoarticulaire en partenariat avec d’autres professionnels (orthoprothésistes, chirurgiens, médecins du sport, etc.), nous avons également un centre d’imagerie de la femme, et nous en avons ouvert un troisième, en imagerie lourde, dans une structure tout particulièrement pensée pour le bien-être des soignants et accolée à un pôle de santé. J’exerce par ailleurs une demi-journée par semaine à l’hôpital.
Comment en êtes-vous venues à étudier la médecine ?
C. Z. : C’est quelque chose qui s’est fait un peu tout seul. J’avais un profil scientifique, un entourage plutôt médical, j’ai toujours eu cette attirance pour la médecine et je ne me suis pas posé beaucoup de questions !
Dr C. B. : De mon côté, je suis issue d’une famille d’ingénieurs plutôt que de médecins : j’étais le vilain petit canard qui va à la fac ! Mais j’ai toujours été attirée par la biologie, le corps humain, l’hôpital… Je ne sais pas si on peut parler de vocation mais, pour moi, c’était médecine ou rien d’autre, même si je pense que si je n’avais pas eu médecine, je ne me serais pas acharnée.
Comment se sont déroulées vos études de médecine, et comment avez-vous choisi la radiologie ?
C. Z. : J’étais dans une fac privée à Lille, à taille humaine, avec des moyens appréciables, beaucoup de simulation. Au fur et à mesure de mes études, j’ai réalisé que les cours que je préférais concernaient l’imagerie, le diagnostic. J’aimais toutes les matières, je ne voulais pas vraiment choisir, je souhaitais quelque chose de multidisciplinaire. J’ai passé les ECN l’année du Covid, j’avais envie d’aller dans le Sud mais mon classement ne me le permettait pas, je me suis donc arrêtée à Tours, au milieu de la France !
J’ai aimé le côté technique, le fait de mener l’enquête avec les images
Dr Céline Barcelo
Dr C. B. : J’ai quant à moi fait mon externat à Bordeaux, c’étaient des années extrêmement sympathiques : on se fait plein d’amis, on fait la fête… En stage, en revanche, on est souvent livrés à nous-mêmes, employés à de basses tâches… Mais ce n’est pas vrai pour tous les stages, et je dis merci à ceux qui nous ont pris sous leur aile. Je suis partie à Toulouse pour l’internat, au départ pour faire de l’oncologie. Je suis passée en premier semestre en radiologie et je suis tombée sur des gens passionnants. À l’époque, on avait quatre semestres pour se décider : j’avais aimé le côté technique, le fait de mener l’enquête avec les images, l’idée de pouvoir faire de l’interventionnel, d’échanger en permanence avec les cliniciens, de toucher à tous les publics : des enfants, des personnes âgées, des hommes et des femmes… Et j’ai donc poursuivi en radiologie.
En quoi cette spécialité sort-elle selon vous du lot ?
C. Z. : Je dirais que l’un de ses grands avantages est d’être transversale. Nous sommes toujours sur plusieurs dossiers à la fois, et en contact permanent avec notamment les chirurgiens, les urgentistes, les oncologues, qui nous apprennent énormément de choses et nous font progresser en permanence. On n’est donc pas, comme on peut le croire souvent, seuls dans notre petit cagibi avec nos machines ! Il y a par ailleurs ce défi quotidien de se dire qu’on a une demi-heure pour déterminer ce qu’a un patient : on peut partir sur du thoracique ou un scan abdo et terminer sur une scintigraphie osseuse…
Dr C. B. : Oui, on est loin de la fausse image du radiologue qui reste sur sa chaise sans bouger. On est au cœur de la prise en charge, c’est très stimulant mais c’est aussi une forme de pression : quand un polytraumatisé arrive et que l’urgentiste et le réanimateur sont derrière votre dos pour vous demander ce qu’il faut faire, il s’agit de gérer ! C’est aussi une spécialité très humaine. Je fais par exemple beaucoup de sénologie, on fait des annonces, on revoit les patientes une fois traitées. Contrairement à ce qu’on croit souvent, on n’est donc pas dans le « one shot ».
Le côté technique de la radiologie en fait-il une spécialité réservée aux geeks ?
C. Z. : Je me vois plutôt comme une anti-geek, je ne suis pas du tout sur mon ordinateur en permanence, ce n’est pas ma passion. Et, de toute façon, toutes les spécialités passent de plus en plus de temps devant l’écran : nous y regardons des images, les autres y regardent d’autres choses, tout simplement.
Dr C. B. : Plus j’avance dans la carrière, plus je me rends compte qu’il faut tout de même être pointu et aimer la technologie. Il faut savoir se perfectionner avec des machines de plus en plus complexes et, pour moi qui ai travaillé dans des contextes différents, il a été important de savoir s’adapter à de nouveaux outils. Il faut donc beaucoup de flexibilité, surtout avec l’intelligence artificielle qui est en train de nous arriver.
La lourdeur des plateaux techniques en radiologie implique souvent que le médecin se fasse entrepreneur, est-ce aussi une caractéristique de la spécialité ?
Dr C. B. : C’est en tout cas un aspect extrêmement important si nous souhaitons garder notre indépendance. Si nous reculons sur ce sujet, nous passons sous la coupe de groupes financiers, et nous ne pouvons plus choisir comment, avec qui et à quel rythme nous voulons travailler. La gestion est un travail à part entière : dans la plupart des groupes où j’ai travaillé, nous avions un radiologue gérant qui avait du temps dégagé et qui était rémunéré pour cela. Souvent, on peut aussi avoir des responsabilités particulières en termes de ressources humaines, de renouvellement des machines, etc. Il faut donc savoir être un peu « patron » et c’est quelque chose qu’on ne nous apprend pas à la fac. Cela m’aurait peut-être servi d’avoir quelques notions. J’ai dû apprendre ce côté managérial sur le tard, auprès de mes pairs.
Si nous souhaitons garder notre indépendance, il faut savoir être un peu « patron »
Dr Céline Barcelo
C. Z. : C’est vrai que c’est un aspect auquel je ne me sens pas assez préparée : j’essaie déjà de finir l’internat ! En ce moment, étant en stage en libéral, je me rends compte que ce sont des choses auxquelles on n’est pas initiés : on n’a pas de cours, pas de formation sur le management. C’est pourtant un aspect qui me plairait bien, je m’imagine travailler en libéral, mais je sens que j’ai beaucoup à apprendre !
Dr C. B. : Ce sont des domaines où l’on apprend des autres, mais aussi où l’on apprend de nos erreurs. C’est difficile mais aussi assez stimulant de se dire que si l’on veut que les choses se passent bien, que tout le monde travaille dans de bonnes conditions, on est maître du jeu.
Quelles sont selon vous les évolutions à venir pour la spécialité ?
Dr C. B. : Il faut vraiment que nous parvenions à prendre le virage de l’intelligence artificielle, non pas en la voyant comme quelque chose qui va nous remplacer mais plutôt comme quelque chose qui va faire de nous des radiologues augmentés, et qui nous permettra de faire moins d’erreurs. Étant donné que les machines sont programmées pour éviter tous les faux négatifs, cela nous permettra d’éliminer automatiquement tout ce qui est normal, pour nous concentrer sur ce qui est potentiellement pathologique. Il est probable qu’à terme, on ait besoin de moins de radiologues car nous pourrons traiter beaucoup plus de volume, mais il faut aussi voir que la demande d’imagerie augmente en permanence, notamment pour ce qui est des dépistages. L’imagerie prédictive, par exemple, pour laquelle on peut penser que l’intelligence artificielle sera très efficiente, va beaucoup se développer, notamment parce qu’elle génère des économies.
L’intelligence artificielle n’est pas là pour nous remplacer mais pour améliorer les prises en charge
Carla Zylbersztejn
C. Z. : L’intelligence artificielle est en réalité déjà là, il faut que nous apprenions à faire avec, en comprenant qu’elle n’est pas là pour nous remplacer mais pour améliorer les prises en charge, et en faisant en sorte que celles-ci restent humaines. Si cela peut nous permettre de passer plus de temps en staff à échanger plutôt qu’à interpréter des radios du thorax à la chaîne, c’est quelque chose de positif.
Vous exprimez quelques inquiétudes sur l’avenir de la radiologie. Est-ce une spécialité que vous déconseilleriez à un futur interne ?
C. Z. : Non, je pense qu’il y aura toujours des possibilités d’évolution, et qu’il y aura toujours un humain derrière la machine. Je conseillerais en tout cas à tout jeune de bien travailler sa clinique !
Dr C. B. : Quoi qu’il arrive, l’intelligence artificielle est un virage qu’il faut prendre très vite, car on ne va pas avoir le temps de se retourner avant de voir les choses arriver.
Carla Zylbersztejn
2014 : Début des études de médecine à Lille
2020 : ECN et début de l’internat de radiologie à Tours
2024 : Thèse de docteure en médecine
2025 : Stage à Bourges
Céline Barcelo
2004 : Internat au CHU de Toulouse
2009 : Cheffe de clinique, puis PH à Toulouse et à Montpellier
2014 : Installation en libéral à la clinique des Cèdres, à Toulouse
2022 : Radiologue libérale dans le bassin d'Arcachon
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