LE GÉNÉRALISTE - Pourquoi avoir consacré ce film à la première année de médecine ?
Dr Thomas Lilti : Lorsque je faisais la tournée de Médecin de Campagne, on me demandait souvent quelle était la solution aux déserts médicaux. Je me suis dit que l’origine du problème venait peut-être de la façon dont on forme et choisit les médecins. On assiste en première année à une sélection délirante, avec un concours complètement déconnecté de la pratique médicale. On élimine plus qu’on sélectionne. Une rivalité se crée très tôt dans les études, voire une certaine forme d’individualisme. Les médecins ne sont pas obligatoirement dans une démarche sacerdotale comme auparavant.
Le film est très critique sur la Paces. Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Dr T. L. J’ai eu l’envie de témoigner de la violence de cette première année. Le film est critique, parce que tout le monde est critique ! Les doyens parlent de boucherie pédagogique, la ministre de la Santé appelle à une réforme de la formation des médecins. Mon constat rejoint celui d’une majorité. Le film s’adresse presque plus à l’entourage des étudiants, aux parents, aux grands-parents qu’aux élèves eux-mêmes. Il leur montre que ce cursus n’est pas simple et peut être très douloureux. Certains parents sont parfois démunis face à la détresse des étudiants, ils ne comprennent pas et n’ont pas toutes les informations. Première Année dresse aussi une critique plus globale sur la société autour d’une question : sommes-nous égaux face à la réussite scolaire ? Suffit- il de travailler pour réussir ? Je ne crois pas, il est possible d’avoir d’immenses qualités humaines et d’être pourtant moins doués à travail égal.
Selon vous, le concours de première année est inégalitaire ?
Dr T. L. Nous ne sommes pas égaux face à ce concours. Par leur milieu, certains baignent depuis petits dans le savoir et l’apprentissage. Ils vont être favorisés par ce concours de bachotage pur qui renforce l’injustice. Et cela représente une grande souffrance pour tous les étudiants qui bûchent comme des malades et qui à un moment donné sont confrontés à une forme de plafond de verre. Je souhaitais montrer une jeunesse motivée, curieuse et travailleuse mais qui lors de cette première année n’apprend pas grand-chose d’utile, à part la compétition et l’individualisme.
Étudiant en médecine, ressembliez-vous à l’un des personnages principaux du film ?
Dr T. L. Je ressemblais à Benjamin. Le fruit d’une éducation où l’accès à la culture et au savoir était facile, avec comme lui un père médecin et une mère universitaire. Je fais partie de ceux qui ont des facilités. J’étais avantagé par rapport à des élèves souvent plus doués que moi au lycée mais qui n’étaient pas stimulés par la compétition scolaire. Comme Benjamin, j’étais un jeune homme pas tellement convaincu qu’il voulait devenir médecin, mais qui a envie de montrer qu’il peut être meilleur que les autres.
UNE HISTOIRE D’AMITIÉ AU COEUR DE L’ENFER DE LA PACES
« Ceux qui deviendront médecin se rapprochent plus du reptile que de l’être humain. » Cette phrase prononcée par Benjamin, l’un des personnages principaux du film Première Année, donne le ton de la quatrième réalisation de Thomas Lilti, ancien généraliste passé derrière la caméra. Après avoir parlé de l’hôpital dans Hippocrate et des généralistes dans Médecin de Campagne, il s’attaque cette fois-ci à la première année de médecine. Le film suit Antoine (Vincent Lacoste), triplant en première année de médecine à Paris et Benjamin (William Lebghil) en Paces pour la première fois, qui vont s’épauler dans leur quête du Graal : une place en deuxième année. Porté par un duo d’acteurs attachants, Première Année apporte une critique acérée d’un système montré comme ultra-compétitif, souvent absurde, individualiste et inégalitaire. Afin d’appuyer l’aspect naturaliste de son film, Thomas Lilti a fait appel à de véritables étudiants en médecine à la figuration et a filmé aux Saints-Pères (Paris), les lieux même où il avait réalisé ses propres études de médecine.
Première Année, sortie le 12 septembre, 1h32, Le Pacte
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