Repérage des patients BPCO en soins primaires, vaccination des malades respiratoires, etc. Pour sa 23ème édition, le congrès de pneumologie de langue française (CPLF, Marseille, 25-27 janvier 2019) a mis l’accent sur les grands leviers de prévention dans la discipline, tout en se faisant l’écho du débat actuel sur le dépistage du cancer du poumon, relancé par les résultats de l’étude Nelson.
Maladies respiratoires, quels vaccins pour éviter les complications ?

Grippe et pneumocoque incontournables
Pour la grippe, le vaccin annuel est indiqué chez tous les patients atteints d’une pathologie pulmonaire chronique (asthme, BPCO, cancer…), quels que soient leur âge et le degré de gravité de la maladie. Leurs proches et leurs soignants doivent aussi être vaccinés. Les grippes peuvent en effet être à l’origine d’exacerbations (asthme et BPCO) et majorent le risque de pneumopathie bactérienne. Le vaccin limite le nombre d’exacerbations, il est bien toléré (ne comporte pas d’adjuvant) et son efficacité est de 70 % environ.
La vaccination contre le pneumocoque permet elle de réduire le nombre d’infections invasives à pneumocoque de sérotypes vaccinaux. Elle est recommandée chez tous les patients BPCO quel que soit leur stade, et chez les asthmatiques sous traitement de fond. Pour le Dr Élodie Blanchard (Bordeaux), « toutes les occasions sont bonnes pour proposer une vaccination, à l’exception des périodes d’infection sévère nécessitant un traitement antibiotique et associées à une défaillance hémodynamique ».
Depuis 2017, un nouveau schéma vaccinal a été proposé afin de réduire encore davantage la fréquence des pneumonies et des infections invasives à pneumocoque. Il débute par une dose de vaccin conjugué 13 valent (Prevenar 13®), suivie deux mois plus tard d’une dose de vaccin 23 valent (Pneumovax 23®). Par la suite, et tous les 5 ans, un rappel de vaccin 23 valent est préconisé en cas de risque important d’infection à pneumocoque. Différentes catégories de patients pneumologiques doivent bénéficier de ce rappel : ceux sous chimiothérapie, biothérapie, immunosuppresseurs ou corticothérapie, les transplantés pulmonaires, les insuffisants respiratoires chroniques (BPCO, emphysème), et les asthmatiques sévères sous traitement continu.
Haemophilus, pas d’impact sur les exacerbations
La donne est différente pour les autres pathogènes respiratoires bénéficiant d’un vaccin.
Ainsi, chez les patients atteints de maladies respiratoires chroniques, il n’y a pas d’indication particulière à vacciner contre la coqueluche en dehors des indications préconisées par le calendrier vaccinal : rappel à 25 ans, possible jusqu’à 39 ans et stratégie de cocooning.
Le vaccin anti-Haemophilus influenzae (HI) prévient les formes invasives mais est sans impact sur les exacerbations de BPCO ou d’asthme qui sont généralement liées à des souches d’HI non capsulées et non incluses dans le vaccin. À ce jour, la vaccination HI n’est donc pas indiquée chez les patients pneumologiques.
Enfin, le vaccin anti-zona, permettant de réactiver une immunité déjà acquise, est indiqué chez les patients pneumologiques avant la chimiothérapie ou une transplantation pulmonaire. Il est en revanche contre-indiqué chez les patients immunodéprimés (corticothérapie, immunosuppresseurs, chimiothérapie, suites d’une transplantation).
BPCO, dans la jungle des inhalateurs
Aérosol-doseur pressurisé manuel ou activé par l’inhalation, inhalateurs de poudre sèche de type Turbohaler, Diskus ou Easyhaler : au cours de ces dernières années, les dispositifs d’inhalation disponibles pour le traitement la BPCO se sont multipliés. à côté de ces modèles “prêts à l’emploi”, on dispose aussi pour le traitement de crise de médicaments administrables par nébuliseurs.
« Ces méthodes d’administration diffèrent en termes de localisation des dépôts actifs, de durée d’inhalation, de technique d’utilisation et de simplicité d’emploi. Mais qu’en est-il en termes d’efficacité clinique ? », s’interroge le Dr Laurent Vecellio (Tours).
Pour les poussées aiguës, les recommandations Gold 2017 précisent que les traitements peuvent être utilisés en chambre d’inhalation ou en aérosols nébulisés selon le cas.
Cependant, « différentes études ayant comparé les performances thérapeutiques des bronchodilatateurs à courte durée d’action avec des nébuliseurs et des dispositifs prêts à l’emploi avec ou sans chambre d’inhalation n’ont pas retrouvé de différence significative, cette classe thérapeutique étant dotée d’un effet seuil relativement bas, avec une large fenêtre thérapeutique ».
Le choix du dispositif doit être fondé sur deux paramètres : la coordination main-poumon et le débit inspiratoire de pointe. Chez les patients dotés d’une bonne coordination, lorsque le débit de pointe est > 30 L/min, tous les dispositifs peuvent être utilisés. Les inhalateurs de poudre sèche ne peuvent en revanche pas être utilisés si le débit inspiratoire de pointe est < 30 L/min.
En cas de mauvaise coordination main-poumon et lorsque le débit inspiratoire est > 30 L/min, aérosoleurs doseurs avec chambre d’inhalation ou d’expansion et inhalateurs de poudre sèche peuvent être prescrits. Là encore, ceux-ci ne sont pas indiqués lorsque le débit inspiratoire est < 30 L/min.
Cancer du poumon : l’étude Nelson relance le débat sur le dépistage
Après l’essai américain NSLT, « l’étude Nelson est le deuxième essai randomisé à prouver l’intérêt d’un dépistage du cancer du poumon par scanner basse dose, répété à 1 an, 2 ans puis 2,5 ans, dans une population à risque », a expliqué le Dr Sébastien Couraud (Lyon) en présentant les résultats de cet essai. Ce travail a inclus près de 8 000 personnes de 50 à 75 ans ayant fumé plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans ou plus de 10 par jour pendant plus de 30 ans ainsi que les ex-fumeurs de cette tranche d’âge ayant arrêté depuis moins de 10 ans.
Chez les hommes (84 % des sujets inclus), la mortalité par cancer du poumon a pu être abaissée de 25 % de 8 à 10 ans après l’inclusion. Chez les femmes, ces chiffres sont encore plus importants avec une baisse de 61 % de la mortalité à 8 ans, de 53 % à 9 ans et de 49 % à 10 ans.
Peu de faux positifs
Contrairement à l’étude NSLT qui se fondait sur une positivité de dépistage lorsque le nodule était d’une taille > 5 mm, dans l’étude Nelson trois types de résultats de scanner ont été individualisés. Un volume <50 mm3 correspondait à un dépistage négatif, un volume > 500 mm3 signait un dépistage dit positif et lorsque le volume était compris entre 50 et 500 mm3, le dépistage était dit indéterminé, nécessitant la réalisation d’un nouveau scanner basse dose à 3 mois afin d’estimer le temps de doublement. Si celui-ci était supérieur à 400 jours alors le dépistage était négatif, dans le cas contraire il était positif. Ce choix de méthodologie permet d’obtenir bien moins de faux positifs : 24,6 % de tests positifs dans l’étude NLST dont 96 % de faux positifs contre 9,3 % d’indéterminés dans Nelson, 2,2 % de positifs et 0,9 % de cancers.
Alors qu’en 2016, la HAS avait retoqué l’idée d’un dépistage systématique du cancer du poumon notamment en raison du fort risque de faux positifs, ces résultats pourraient changer la donne.
D’ores et déjà, l’IFCT (Intergroupe francophone de cancérologie thoracique) et la SIT (Société d’imagerie thoracique) se sont prononcés « en faveur de la mise en place rapide d’un dépistage organisé du cancer du poumon par scanner thoracique à partir de 50 ans chez les patients fumeurs ou ex-fumeurs éligibles », estimant que cela permettrait de sauver jusqu’à 7 500 vies chaque année en France. Reste que pour le moment, l’étude Nelson n’a fait l’objet que de présentations orales et n’a pas encore été publiée.
En bref...
Asthme, la déferlante des associations fixes
Entre 2006 et 2016, la prise en charge de l’asthme a changé en France, selon une analyse des données de remboursement de la Cnam. Les corticoïdes inhalés ont laissé la place aux associations fixes corticoïdes-ß2 mimétiques (+ 56,4 %). La consommation de corticoïdes oraux a augmenté (50,3 % des patients), tout comme les passages aux urgences pour décompensation. En revanche, hospitalisations et mortalité sont restées stables.
La spirométrie testée en soins primaires
Avec environ 60 000 généralistes pour 3 000 pneumologues, les omnipraticiens sont en première ligne pour le dépistage de la BPCO. Partant de ce constat, la Cnam a lancé en 2017 une expérimentation de dépistage par spirométrie en médecine générale dans trois territoires (Artois, Essonne, Gironde).
À ce jour, 282 généralistes ont rejoint l’initiative et 114 d’entre eux ont effectué un total de 732 spirométries en cours d’analyse. D’autres expérimentations sont en cours en soins primaires, notamment l’étude Disco qui évalue l’intérêt d’une spirométrie après un questionnaire de dépistage effectué par le généraliste.