Un vent de renouveau soufflerait-il enfin sur la médecine scolaire ? En souffrance depuis des décennies, le secteur pourrait bénéficier des retombées des Assises de la santé scolaire, qui se tiendront à Paris le 14 mai. Les deux mois précédant l’événement sont consacrés à une série de concertations préparatoires avec les organisations syndicales puis les différents corps de métier représentant les médecins, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues, a annoncé à la mi-mars la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne. Objectif : élaborer des propositions « pour engager une transformation de la santé scolaire », qui seront dévoilées aux Assises.
Au regard de la pénurie médicale, il y a urgence. En baisse de 35 % en dix ans, le nombre de médecins scolaires était de 843 fin 2022, indiquait à la rentrée 2023 un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR). En moyenne, un médecin scolaire doit suivre 12 800 élèves en moyenne. Moins de 20 % des élèves avaient bénéficié de la visite médicale en classe de sixième.
Un nouveau rapport sénatorial remis à la mi-mars à Élisabeth Borne ainsi qu’aux ministres de la Santé Catherine Vautrin et Yannick Neuder vient enfoncer le clou. Le travail de Bernard Delcros, sénateur centriste du Cantal et d’Hervé Reynaud, élu LR de la Loire, est sans appel. Pour attirer et fidéliser les professionnels de santé, il est impératif d’augmenter la grille indiciaire des médecins de l’Éducation nationale, « dont la rémunération est la plus basse parmi les médecins des trois fonctions publiques ». Avec une rémunération de 4 810 euros brut par mois, le dernier échelon des médecins scolaires de première classe atteint avec peine le deuxième échelon des praticiens hospitaliers. Autre piste avancée, autoriser les praticiens de l’Éducation nationale à cumuler plus largement leur exercice « avec une activité hospitalière et libérale ». Enfin, les sénateurs plaident pour la mise en place d’une plateforme numérique destinée « à centraliser les données de santé des élèves », qui permettrait un meilleur partage d’informations entre médecine scolaire, PMI et secteur libéral. Trois demandes récurrentes des syndicats des médecins de l’Éducation nationale.
Transfert de compétence aux territoires ?
Parmi les autres pistes de réforme, les sénateurs se penchent sur la faisabilité (et les conséquences) d’un « transfert de la compétence santé scolaire » de l’État aux départements. Une étude en ce sens a été commandée au cabinet EY, qui a envisagé quatre options possibles : le maintien de la compétence au niveau de l’État mais « avec des évolutions organisationnelles » ; un pilotage décentralisé assuré par les départements en sus de leurs domaines d’attribution en PMI et à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ; un transfert vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les métropoles ; et enfin, un transfert vers les communes « dans le cadre d’une convention de délégation de compétence conclue avec l’État ».
Conclusion ? Pour chacune de ces options, le pilotage décentralisé de la santé scolaire se heurte au problème du coût, même si, dans les faits, l’idée a montré son efficacité. En France, huit villes ont la responsabilité de 200 000 élèves (Antibes, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nantes, Paris, Strasbourg, Villeurbanne). Dans ces communes, le taux de réalisation de la visite médicale des enfants dans leur sixième année est quatre fois plus élevé que dans les académies. Mais, prenant l’exemple de Lyon, le cabinet EY rappelle que la capitale des Gaules a « dépensé 4 millions d’euros pour ce service médical et n’a perçu qu’un million d’euros de subventions de l’État ». De quoi doucher l’enthousiasme de candidats potentiels à la compétence santé scolaire.