Une approche innovante, plus physiologique et plus sécurisée

Les co-agonistes font leur entrée

Publié le 24/03/2023
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Le premier co-agoniste GIP et GLP1, le tirzépatide (Mounjaro), vient d’obtenir son AMM européenne. Supérieur à un arGLP1 retard simple, avec des effets indésirables comparables, il devrait trouver rapidement une place dans l’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 et, peut-être, dans l’obésité. Il pourrait à terme être talonné par les co-agonistes triples, GIP, du GLP1 et glucagon, en cours de développement.
Pas de risque d’hypoglycémie et une amélioration de la sécrétion de l’insuline

Pas de risque d’hypoglycémie et une amélioration de la sécrétion de l’insuline
Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

« L’effet incrétine » est un néologisme créé pour désigner l’amplification de l’insulinosécrétion par l’intermédiaire de la stimulation d’hormones intestinales suite à un repas. Les deux hormones en cause, le GIP (glucose dependent insulinotropic polypeptide) et le GLP1 (glucagon like peptide de type 1), ont en commun de ne stimuler la sécrétion d’insuline qu’en cas d’hyperglycémie secondaire à une prise alimentaire, sans provoquer d’hypoglycémie, d’être satiétogène, et de ralentir la vidange gastrique. Leur sécrétion est déficiente dans le diabète de type 2 (DT2).

L’optimisation de l’effet incrétine a d’abord été obtenue à l’aide des gliptines, inhibiteurs de la DPP 4 (dipeptyl-peptidase de type 4), enzyme responsable du catabolisme du GLP1, dont la demi-vie est extrêmement brève. Puis des analogues du récepteur du GLP1 (arGLP1) ont été développés, d’action brève (exénatide), intermédiaire (liraglutide) ou prolongée pendant une semaine (dulaglutide et sémaglutide), administrés par voie sous-cutanée.

Bien qu’il agisse de façon synergique avec le GLP1, dont il se distingue par sa capacité de stimuler le glucagon en cas d’hypoglycémie, le GIP n’a pas trouvé d’emblée sa place en thérapeutique. Ce n’est que récemment qu’a été développé du concept de co-agoniste, afin de stimuler à la fois les récepteurs GLP1 et GIP dans le but de pallier le déficit des deux incrétines dans le DT2 et de renforcer l’action du GLP1 par celle du GIP.

Des résultats remarquables

Le tirzépatide (TZP), un peptide chimérique qui contient des séquences de chacune des deux incrétines est le « double » agoniste dont le développement thérapeutique est le plus avancé. Son efficacité et sa sécurité ont été évaluées dans le DT2 par cinq essais contrôlés randomisés d’une durée de 40 à 52 semaines, dans le cadre du programme Surpass. Les effets sur le contrôle glycémique du TZP administré une fois par semaine par voie sous-cutanée aux doses de 5, 10 et 15 mg ont été comparés en groupes parallèles à un placebo, à un analogue retard du récepteur du GLP1 (sémaglutide), à l’insuline dégludec et à l’insuline glargine chez des sujets à haut risque cardiovasculaire, ainsi qu’en addition versus placebo chez des sujets traités par glargine. Le co-agoniste s’est avéré supérieur aux comparateurs dans chaque essai en termes de diminution de l’HbA1c (1).

Tout aussi remarquables ont été les effets sur la perte de poids, qui était supérieure à celle observée avec un arGLP1 retard « simple » comme le sémaglutide, et restait significative en add-on de la glargine qui, comme toutes les insulines, entraîne une prise de poids quasi inévitable.

L’essai Surmount-1, d’une durée de 72 semaines, a précisé l’importance de la perte de poids obtenue chez des sujets obèses non diabétiques. Constante et dose-dépendante, elle est de l’ordre de -20 % à la dose hebdomadaire de 10 mg vs. -3 % sous placebo, 50 % des sujets ayant perdu au moins 20 % de leur poids initial, vs. 3 % (2).

En plus de ces excellents résultats métaboliques, le co-agoniste des récepteurs GIP et GLP1 répond aux exigences modernes du traitement du DT2, puisqu’il réduit la pression artérielle et le risque cardiovasculaire, améliore la stéatose hépatique non alcoolique (Nash) et a un potentiel néphroprotecteur. Cerise sur le gâteau, les études de clamp glycémique ont montré que le TZP améliorait la phase précoce de la sécrétion d’insuline précoce, dont l’altération est l’un des traits du DT2.

Ces performances ne vont pas sans effets indésirables. Il s’agit principalement de troubles digestifs dose-dépendants (nausées, vomissements, diarrhée), comparables en fréquence et en intensité à ceux provoqués par les arGLP1. Il n’y a pas de risque intrinsèque d’hypoglycémie (2).

Vers une triple action

L’efficience exceptionnelle du TZP a incité à creuser davantage le sillon des agonistes des récepteurs des hormones digestives impliquées dans la régulation glycémique. C’est ainsi qu’ont été conçus des « triples agonistes » des récepteurs du GLP1, du GIP et du glucagon, pour mimer au plus près la régulation physiologique. En effet, le glucagon augmente la dépense énergétique, réduit l’appétit, améliore l’oxydation des acides gras hépatiques et stimule la sécrétion d’insuline en cas d’hyperglycémie. Les résultats encourageants des premiers essais de phase 1 et 1b justifient la poursuite du développement de ces triples agonistes dans le DT2 (3).

Exergue : L’amélioration des glycémies et du poids est supérieure dans toutes les études

Professeur honoraire, Université de Strasbourg 

(1) Karagiannis T et al. Diabetologia 2022(65)1251-61

(2) Jabestroff AM et al. Nejm 2022(387)205-16

(3) Urva S et al. Lancet 2022(400)1869-81

Pr Jean-Louis Schlienger

Source : Bilan Spécialiste