La Conférence des doyens, l’Ordre des médecins ainsi que les étudiants en médecine veulent prendre la problématique de l’accès aux soins par les cornes. Alors que la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot, en faveur d’une régulation à l’installation des jeunes médecins, doit continuer son chemin parlementaire dans les prochaines semaines à l’Assemblée, la Conférence des doyens, l’Ordre des médecins, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) ainsi que l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) lancent une contre-offensive.
Dans un communiqué de presse commun, les quatre instances signataires défendent l’idée de créer un assistanat territorial « sur la base du volontariat [et] d’une durée d’un ou deux ans » afin de répondre à la crise de l’accès aux soins. « Cette proposition a été enrichie par des échanges avec les députés et les jeunes médecins, explique le Pr Benoît Veber. L’objectif est de coconstruire une loi adaptée aux réalités du terrain pour lutter contre les déserts médicaux, dans une logique de contrat gagnant-gagnant. »
Sous quelles modalités ?
À qui s’adresserait ce contrat inédit, très proche du statut d’ancien assistant spécialiste des hôpitaux ? Quelles en seraient les modalités précises ? Quelles sont les contreparties avancées ?
Proposé sur la base du volontariat, ce dispositif s’adresserait, tel que proposé par les quatre instances, à tous les jeunes médecins thésés (toutes spécialités confondues) ayant validé leur DES et donc considérés comme autonomes. « Cela n’empêche pas qu’ils auront toujours un lien avec l’équipe universitaire de référence », rassure le Pr Benoît Veber.
Conçu pour s’intégrer dans la continuité de la phase de docteur junior, ce dispositif permettrait aussi une transition structurée entre la fin de l’internat et l’installation. « En général on sait que durant cette période de post-internat, les jeunes médecins font massivement du remplacement pendant plusieurs années, souligne le président de la Conférence des doyens. L’idée est donc de leur proposer une alternative, en accord avec les besoins des territoires définis par les ARS ».
En contrepartie de cet engagement dans les déserts, des mesures attractives pour inciter les jeunes pousses à venir s’installer dans les zones déficitaires après l’internat (temporairement ou, idéalement, définitivement) sont envisagées. Pour les futurs libéraux, des droits équivalents à ceux des assistants hospitaliers et une prime d’exercice territorial (encore à définir) sont avancés. « Au bout d’un an, l’accès en secteur 2 avec Optam pourrait leur être ouvert, à l’issue des deux ans, le contrat leur donnerait l’équivalent d’un titre d’ancien assistant », précise le Pr Benoît Veber.
Pour les hospitaliers, un avancement de carrière avec un échelon supérieur et une ancienneté valorisée pour la retraite pourrait être proposé. Le dispositif inclurait également un accompagnement sur mesure, allant du logement à la garde d’enfants, en passant par des aides à l’installation.
Un vivier de 4 500 à 5 000 médecins par an
Avec cette mesure, l’objectif est simple : mobiliser rapidement plusieurs milliers de jeunes praticiens dans des zones sous-denses pour pallier les inégalités d’accès aux soins.
« Si on parvient à établir un véritable contrat gagnant-gagnant, on peut imaginer que 50 % d’une promotion soit intéressée. Cela représente, au bas mot, entre 4 500 et 5 000 médecins. Autrement dit, demain, ce sont 5 000 praticiens que l’on pourrait mettre à disposition des ARS, avec un renouvellement tous les un ou deux ans, pour intervenir dans les zones sous-denses », s’enthousiasme le Pr Benoît Veber.
Évidemment, « si une loi impose une contrainte à l’installation, il est essentiel que les assistants territoriaux en soient exemptés. Dans ce cas, ce statut deviendrait inévitablement très attractif », ajoute l’anesthésiste-réanimateur.
Un (quasi) consensus
Imaginée initialement par les doyens, la mesure – depuis ajustée – avait été dévoilée il y a quelques semaines lors d’un colloque à l’Académie de médecine sous l’appellation de « service médical à la Nation ». Cette annonce, jugée précipitée, avait suscité l’irritation des syndicats d’internes et de jeunes médecins, qui s’étaient montrés alors très sceptiques quant aux modalités d’application du dispositif.
Si, après discussions et amendements, l’Isni a finalement été convaincu de l’intérêt de cette proposition, l’Isnar-IMG reste, pour sa part, fermement opposé à sa mise en place. « Ce dispositif ne répond pas aux enjeux spécifiques de la médecine générale, déplore Bastien Bailleul, président du syndicat des internes de cette spécialité, déjà bousculée par la réforme de la 4A. Malgré son caractère volontaire affiché, on va se retrouver avec un ou deux ans supplémentaires imposés aux jeunes généralistes, dans un secteur non choisi, avec un statut précaire et des rémunérations à peine supérieures à celles des internes. »
Pour le jeune généraliste en formation, l’accès en secteur 2 ne répondra pas aux problèmes d’accès aux soins, bien au contraire. « Ce n’est pas du tout la réponse aux problèmes d’accès aux soins, c’est même un contre-pied car les patients pourront beaucoup moins consulter. Encore une fois, avec cette mesure, c’est la médecine générale qui est mise de côté ! »
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