La Guyane est actuellement le département Français le plus fortement touché par le Covid-19. Le virus circule rapidement et le seuil d'alerte fixé de 50 cas pour 100 000 habitants sur 7 jours est largement dépassé avec 332,3 cas la semaine du 6 au 11 juillet selon les dernières données de Santé publique France. Au 16 juillet, 6 393 cas confirmés ont été recensés depuis le début de l'épidémie sur ce territoire de 300 000 habitants et la situation est jugée « préoccupante » par les autorités.
Démographie médicale en tension
Sur place, les médecins généralistes se retrouvent ainsi au cœur d'une épidémie qui dure depuis le mois de mars. « Nous avions très peu de cas jusqu'à la fin de confinement le 11 mai, puis ça a explosé », raconte le Dr Christian Rohrbacher, généraliste et président du syndicat des médecins de Guyane (CSMF). Résultat, les médecins de famille du territoire – ils sont 339 tous modes d'exercice confondu selon l'Atlas de l'Ordre – travaillent dans une situation d'extrême tension. « En temps normal, nous sommes déjà trois fois moins de médecins qu'en métropole, 45 % des médecins libéraux ont plus de 60 ans et certains se sont arrêtés à cause du Covid. Notre charge de travail est déjà de 6 500 consultations par an hors crise sanitaire », explique le Dr Rohrbacher.
Alors, pour faire face à l'épidémie, comme en métropole, la médecine ambulatoire guyanaise s'est organisée pour assurer le suivi des patients Covid +. Dans ce territoire de la côte nord de l'Amérique du Sud, il n'y a pas de centres Covid comme en métropole mais la téléconsultation est privilégiée pour les patients symptomatiques et une plateforme baptisée "Veyemosanté" ("Je surveille ma santé" en créole) a été créée par les libéraux et financée par l'ARS. Ainsi, les patients peuvent remplir chaque jour une fiche sur leur état de santé. « Cette plateforme déclenche des alertes et prévient le médecin traitant pour la prise en charge à domicile, précise le généraliste. Et pour les patients sans médecin traitant, un pool de généralistes volontaires est à disposition. »
Manque d'effectifs pour le dépistage, population précaire...
Côté dépistage, les tests RT-PCR ne manquent pas selon le Dr Christian Rohrbacher, mais le personnel de laboratoire est parfois insuffisant. « Contrairement à la métropole, on ne peut pas faire venir de personnel d'un département voisin puisque le premier est à 2000 km. Quand on a personne, on est coincés », témoigne-t-il. Selon lui, la difficulté rencontrée en Guyane est « davantage sociale que médicale ». « Il y a une population vivant dans zones défavorisées, des clandestins qui sont dans des bidonvilles, et là-bas on ne contrôle pas l'épidémie. On n'arrive pas à les confiner car ils ont besoin de travailler, ils vivent de l'économie parallèle et ne respectent pas la quatorzaine même si les dépistages se font grâce à la Croix rouge » poursuite le généraliste installé à Matoury.
Le médecin joint par Le Généraliste ce vendredi observe toutefois que l'épidémie « est en train de se calmer ». « On observe un plateau donc nous avons l'espoir que ça se calme », confie-t-il. Et pour cause, les libéraux sont épuisés selon le syndicaliste. « Beaucoup de médecins saturent car on est dans l'épidémie depuis début mars et ils n'ont pas pris de vacances. Nous n'avons pas eu de répit et nous travaillons souvent jusqu'à 21 ou 22 heures. » Alors, les médecins du territoire auraient aimé que le nouveau Premier ministre Jean Castex, le ministre de la Santé Olivier Véran et le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, en déplacement en Guyane le 12 juillet dernier, aient un geste de remerciement envers les libéraux. Ce ne fut pas le cas. « Aucun contact avec les représentants des professionnels libéraux n’était prévu au programme de la visite gouvernementale et le monde libéral (que ce soit médecins ou infirmières), en première ligne dans la prise en charge sans relâche de l’épidémie depuis des mois, a complètement été oublié dans tous les discours de notre Premier Ministre, ce que nous prenons pour du mépris », déplorait le syndicat du Dr Rohrbacher dans un communiqué diffusé cette semaine.
« Les médecins libéraux se sentent abandonnés et les quelques jeunes praticiens qui exercent ici comment à se demander s'ils ne feraient pas mieux d'ouvrir un cabinet ailleurs », se désole le généraliste, qui demande par ailleurs formellement au gouvernement « de prendre en charge le dossier de la médecine libérale et de l’attractivité médicale de la Guyane ».
#COVID19
— Préfet de la région Guyane (@Prefet973) July 16, 2020
ℹ Covidinfo du 16 juillet
➡️94 cas positifs sur 404 tests
ℹ1 décès a déplorer au @CHCayenne973
35 Île de Cayenne
2 Grand-Santi
5 Kourou
3 Macouria
12 Maripasoula
6 SGO
3 SLM
1 Sinnamary
27 en cours d'investigation pic.twitter.com/98n1WZ2GNB
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