La transformation et l’accompagnement des pratiques du secteur sanitaire et médico-social vers les soins écoresponsables constitue l’un des axes de la feuille de route nationale sur la planification écologique du système de santé, présentée en mai 2023 par le ministère de la Santé. Près d’un an plus tard, le 13 juin, l’Assurance-maladie et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) ont mis en lumière cinq initiatives inspirantes portées par des médecins, pharmaciens, paramédicaux, soignants et représentants d’usagers du secteur libéral, sanitaire et médico-social, tous engagés dans une démarche écoresponsable. Revue de détail.
Au bloc, réduire de 450 kg les déchets
Le CHU de Clermont-Ferrand a réduit l’usage de ses dispositifs médicaux à usage unique au bloc opératoire. Les conteneurs de chirurgie composés de badigeons et cupules en plastique pour la préparation du patient à opérer ont été complétés par des pinces de préhension de compresses et des cupules métalliques. Résultat : 10 000 cupules et badigeons en plastique (et leur emballage) par an en moins ont été utilisés, soit 450 kg de déchets évités. « Les infirmiers de bloc (Ibode) ont recensé tous les containers de chirurgie et les instruments nécessaires, les acheteurs ont réalisé les études de coûts et l’équipe de stérilisation a mis à jour toutes les compositions de containers », informe Audrey Enguix, pharmacienne au CHU.
La toilette avec moins d’eau, de linge et de produits
Au CHU de Bordeaux, tout est parti d’une initiative d’Angélique Alexandre, aide-soignante qui a repensé chaque étape de la toilette des patients pour n'utiliser que le juste nécessaire, ce qui a généré 80 % de sacs de linge sale (draps, serviettes de bain et taies d'oreiller) en moins pour le service en 2022, moins de transports, moins de produits, moins d'eau par toilette (économie d’environ 10 litres) et plus de confort pour le patient, qui utilise son propre nécessaire de toilette. « L’idée est que la toilette éco-conçue soit recueillie dans un guide et puisse être partagée dans d’autres équipes », complète la Dr Noëlle Bernard, spécialiste en médecine interne et maladies infectieuses impliquée dans le projet.
Des anesthésies générales plus vertes
La polyclinique de Limoges a remplacé l'anesthésie générale au desflurane par le sévoflurane, ce qui a permis d’économiser 444 tonnes équivalent carbone (TEC) par an. « Sur les 600 établissements qui utilisaient du desflurane, quatre ont arrêté leurs commandes et un cinquième les a diminuées de moitié », argumente le Dr Sébastien Ponsonnard, anesthésiste-réanimateur engagé. Cette initiative a été reproduite dans d'autres centres chirurgicaux de la région, portant l’économie de TEC à 1 200 par an sur le Limousin.
Ne pas prescrire des médicaments non utilisés
Dans la Loire, l’équipe de la maison de santé d'Urfé, regroupant 30 professionnels, a arrêté de délivrer les médicaments prescrits sur ordonnance lorsqu'ils ne sont pas utilisés. Des protocoles de soins et organisationnels ont été construits et rédigés collectivement pour sécuriser la démarche (comme l’inscription sur l’ordonnance de la mention NDP pour « ne pas délivrer », afin d’indiquer les molécules non utiles au patient), notamment pour les patients non autonomes. L’objectif est d’éviter un stockage inutile dans les placards des patients, de réduire le gaspillage et de limiter les risques d'une automédication inappropriée.
Un thermomètre frontal plutôt qu’auriculaire
Le Dr Vincent Truchot, médecin généraliste à Aix-en-Provence, a opté pour deux pratiques écoresponsables : remplacer son thermomètre auriculaire par un thermomètre frontal, plus écologique (pas de déchet d’embout jetable) et plus hygiénique (pas de contact avec la tête du patient, ce qui limite les risques de transmission), et « arrêter de mettre systématiquement un drap d'examen sur la table de consultation lorsque le patient reste habillé ». Le médecin a également fait appel à l'économie circulaire pour meubler la quasi-intégralité de son cabinet.
60 % des bonnes pratiques déployées à une échelle collective
L’Assurance-maladie et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) ont sondé, ce printemps, les secteurs libéral, sanitaire et médico-social afin de recenser les initiatives de soins écoresponsables, évaluer leur impact et identifier leur caractère réplicable. Sur les 400 réponses recueillies, deux tiers (65 %) sont issues de la ville. 60 % des bonnes pratiques sont déployées à une échelle collective, soit en équipe, au niveau d'un pôle ou au niveau d'un groupement hospitalier de territoire (GHT). 40 % des projets ont été concrétisés en moins de six mois et 70 % des répondants estiment que le coût de mise en place est faible.
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