Unité de soins « à part entière » de l’établissement public de santé mentale de Montfavet, le « Théâtre de l’autre scène » se produit au festival d’Avignon depuis 1989. Chaque année, la troupe présente deux pièces jouées par des comédiens qui sont soit patients, soit soignants. À l’affiche en 2023 figurent « Huis clos » présenté en 2022 et repris cette année et « Une rose pour Camille », une pièce qui retrace la vie de la sculptrice Camille Claudel.
« En octobre 2023, cela fera 80 ans que Camille Claudel est décédée dans nos murs après trente ans d’internement abusif, explique Muriel Culmet, infirmière du « Théâtre de l’autre scène ». Notre établissement est imprégné de son histoire. Dans « Une rose pour Camille », nous voulions parler de sa naissance, de sa famille, de son art, de sa rencontre avec Rodin mais aussi des trente ans durant lesquels elle a été hospitalisée à Montfavet. Nous ne voulions pas occulter cette période sans bien sûr tomber dans la caricature de la folie ».
Pour écrire la pièce, Laure Vallès, metteur en scène, s’est inspirée des archives de l’hôpital, où sont notamment conservés le dossier médical de l’artiste mais aussi des courriers adressés par les médecins à la famille. « André Castelli, qui fut infirmier au Centre hospitalier de Montfavet jusqu’à sa retraite, avait par ailleurs sauvé du feu les archives de l’hôpital relatives à la période 1939-1945. Grâce à lui, nous avons trouvé beaucoup d’informations sur les restrictions qu’a connues notre établissement pendant la deuxième mondiale. Chez nous, 1 880 patients sont, comme Camille, morts de faim », poursuit l’infirmière.
Médiation artistique
Pour les deux soignants et les quatre patients qui sont sur scène, les répétitions ont commencé en septembre 2022. Comme le précise Muriel Culmet, qui assure également la régie lumière de la pièce pendant le festival, « tous nos projets ont un objectif thérapeutique. En fonction des pathologies – névroses, psychoses, troubles du spectre autistique…- nous faisons travailler les patients sur la mémoire, l’apaisement des angoisses ou encore sur l’expression des émotions. Le théâtre est très bénéfique ».
Côté professionnels de santé, Nicolas Barrière, infirmier, et Carole Guidotti, aide-soignante, endossent leur rôle de comédien tout en ayant la responsabilité de « soutenir » les patients par leur présence, si l’énergie vient à manquer par exemple. Une autre infirmière, Lauriane Auric, est présente pour assurer la fonction de scripte et de responsable de la régie plateau.
Une journée au Festival
Pendant toute la durée du festival, rendez-vous est donné aux patients comédiens à 11 h 45 à l’hôpital. Emmenés en voiture, ils rejoignent avec les soignants le lieu du théâtre. Tous les comédiens se retrouvent alors dans un jardin attenant autour d’une boisson. À 12 h 30, commencent la mise en costume et le maquillage dans les loges. Après un temps de concentration, les décors sont installés à 13 h 30 avant le lever de rideau quinze minutes plus tard. Que ce soit « Huis clos » ou « Une rose pour Camille », les deux pièces remportent cette année encore un vif succès avec en moyenne 80 places occupées pour un espace qui peut en accueillir 100. « Quand le rideau tombe et que les spectateurs applaudissent, le regard des patients est la plus belle des récompenses. C’est la cerise sur le gâteau du soin ! D’autres liens se créent aussi entre patients et soignants. On se prépare ensemble. Pendant trois semaines, nous menons la vie d’une troupe traditionnelle », se réjouit Muriel Culmet.
Après la pièce qui dure une heure quinze environ, les comédiens retrouvent leurs loges et travaillent le « jugement personnel ». « Le fait d’écorcher des mots ou d’oublier une réplique peut créer de l’angoisse. Il faut rassurer, apaiser, féliciter. Après s’être démaquillés, nos patients ressortent dans le jardin pour un échange avec le public avant d’aller se reposer pour rejouer le surlendemain. C’est un rythme qui est intense car nous jouons en alternance chacune des deux pièces, sauf le mercredi, jour de relâche. Mais c’est avant tout une aventure extraordinaire. Pour eux et pour nous », conclut Muriel Culmet.
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