Comment le NHS explique cette tendance ? La pandémie semble avoir été un élément déterminant dans le choix des plus jeunes de quitter la médecine. Pourtant, au moment où le pays a été touché par l’épidémie de Sars-CoV-2, le nombre de généralistes titulaires ou en formation n’avait jamais été aussi important : il était passé de 33 513 en décembre 2019 à 36 017 en décembre 2022 (1). La raison ? En 2019, le premier ministre Boris Johnson avait fait comme promesse électorale d’augmenter de 6 000 le nombre des généralistes en formation ou installés avant sa fin de mandat en 2024. Néanmoins, du fait du vieillissement de la population, de l’épidémie de maladies chroniques et de pathologies post-Covid, la demande de consultation a augmenté de 9,4 % en moyenne, ce qui s’est traduit par une majoration de la patientèle des généralistes diplômés travaillant à plein temps de 13,3 % (2 273 patients par médecins, internes et stagiaires non compris, contre 1 938 en 2015). Autre impact de la pandémie, après quelques mois 2020-2021 où les dépenses de santé ont dérapé, des économies drastiques ont été exigées aux professionnels de santé en 2022.
De plus en plus de généralistes à temps partiel
Les tendances en matière de main-d'œuvre - qui font que de plus en plus de médecins généralistes travaillent à temps partiel ou quittent le service - exacerbent aussi le problème de la demande en médecine générale qui dépasse l'offre disponible. En décembre 2022, 77 % des médecins généralistes travaillaient moins de 37,5 heures par semaine (temps plein), contre 66,7 % en septembre 2015. La quantification du temps de travail est un problème soulevé fréquemment par les plus jeunes médecins, ceux qui quittent la profession. Le temps de travail retenu par le NHS est en effet celui passé auprès des patients et il ne prend pas en compte les tâches administratives.
Interrogée sur le sujet des départs des moins de 30 ans, la Dr Kamila Hawthorne, membre du Royal College of General Practitioners (RCGP), évoque pêle-mêle (2) l’absence de climat de confiance entre le NHS et les médecins, la pression mise par le payeur et par les patients, le constat d’échec et d’impossibilité de faire évoluer les choses, l’arrivée dans une profession dans laquelle les manques d’effectifs sont devenus chroniques. Et la situation ne devrait pas s’améliorer dans les prochaines années (19 000 médecins toutes spécialités confondues pourraient quitter le NHS dans les cinq ans). Bref, les jeunes médecins quittent la profession avant un burn-out assuré et à un âge où des réorientations restent possibles.
Le stage aux urgences, un facteur clé
À quel moment se produit le déclic chez les moins de 30 ans ? C’est au moment des passages en stage aux urgences (3) que les jeunes médecins sont confrontés à la réalité du ressenti de la médecine générale par la population. Quand de moins en moins de patients choisissent de voir leur médecin traitant et qu’ils préfèrent se rendre aux urgences, quand ces mêmes patients se déclarent insatisfaits de leurs médecins généralistes (du fait des délais d’attente, de la prescription d’examens complémentaires ou d’avis spécialisés), certains jeunes généralistes se trouvent face à un échec annoncé de la carrière qu’ils souhaitaient embrasser. Une seule solution s’ouvre à eux : quitter la médecine avant même de l’avoir exercée. Cette tendance que certains voudraient croire exclusivement britannique n’est-elle pas en train de gagner les généralistes français ?
(1) Performance Tracker 2022/23: Spring update - General practice. Insititute for government. https://www.instituteforgovernment.org.uk/performance-tracker-2022-23/g…
(2) https://www.newstatesman.com/spotlight/healthcare/2023/05/gp-workforce-…
(3) R. Parisi et al, Predictors and population health outcomes of persistent high GP turnover in English general practices: a retrospective observational study. MJ Qual Saf. 2023 Jan 23;bmjqs-2022-015353. doi: 10.1136/bmjqs-2022-015353.
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