Malgré le tollé des médecins libéraux, l’article 31 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) a été adopté en commission des affaires sociales avec l’approbation du rapporteur général du budget, Thibault Bazin.
Ce texte instaure deux obligations distinctes pour les professionnels de santé en ville comme dans les établissements de santé. Il renforce d’abord l’obligation d’alimentation du DMP (report de certains documents), désormais intégré dans Mon espace santé. Puis, il exige la consultation de ce dossier en amont de la prescription d’actes ou produits particulièrement coûteux. En cas de manquements, l’exécutif a fait le choix de mesures punitives. Les pénalités pourront atteindre 2 500 euros par infraction constatée pour un professionnel, dans la limite de 10 000 euros par an, et jusqu’à 100 000 euros pour un établissement (en fonction du volume d’activité). Pour les hôpitaux, la contrainte consiste à mettre en place les « mesures matérielles, organisationnelles et d’information des professionnels » exerçant en son sein (définies par décret), permettant le respect des obligations de report dans le DMP.
Ces sanctions ont été contestées par le groupe LFI qui a déposé en vain des amendements de suppression, jugeant cette obligation « punitive » pour des soignants déjà confrontés à une surcharge de travail. « Vous cherchez à faire primer la logique du chiffre sur celle du soin, en transformant un acte au service du patient en une obligation sous contrainte », a lancé le député LFI de la Haute-Vienne, Damien Maudet.
La députée Justine Gruet (LR, Jura) a elle aussi défendu la suppression de l’obligation de DMP, soulignant qu’« avant de sanctionner, encore faut-il que les outils existent ! Beaucoup de professions, notamment libérales, n’ont pas encore les logiciels pour alimenter le DMP ». Le député corse Paul-André Colombani (Liot) a pointé du doigt le piètre fonctionnement du DMP. « C’est toujours une usine à gaz, il faut donc simplifier avant de sanctionner ». Élise Leboucher (LFI, Sarthe), elle n’a pas caché son inquiétude pour les hôpitaux en cas de sanction. « Comment imaginer des amendes de 100 000 euros pour des établissements déjà exsangues ? »
“La consultation du DMP, c’est de l’efficience, pas du flicage
Philippe Vigier, député Les Démocrates
Face à ces critiques, le rapporteur Thibault Bazin, droit dans ses bottes, a assumé l’obligation de consultation et d’alimentation par les médecins. « Cet article ne révolutionnera pas la pratique mais il pose un symbole : celui d’un DMP enfin vivant. » L’élu de Meurthe et Moselle s’est employé à rassurer la commission sur la progressivité du dispositif obligatoire : « Il n'y aura pas de pénalités qui s'appliqueront de manière prématurée ou injustifiée. Avant d'être sanctionnés, il y aura des avertissements et des délais pour être en mesure d'appliquer les observations faites ». Pour le rapporteur, « l'enjeu est très fort », notamment dans les établissements de santé. « On y voit parfois des actes redondants parce qu'il n'y a pas de consultation du dossier médical. Le DMP doit devenir un réflexe professionnel, pas une option », dit-il.
La fermeté du rapporteur a eu le soutien de la députée de l’Isère, Camille Galliard-Minier (Ensemble pour la République), qui a mis en avant le bénéfice clinique. « Le DMP, c’est du temps gagné, des actes redondants évités, une coordination renforcée. L’esprit du texte est bon ». Même constat pour Philippe Vigier (Eure-et-Loir, Les Démocrates) : « Aujourd’hui, une IRM faite à l’hôpital est souvent refaite en clinique faute d’accès au dossier. C’est une perte de temps et d’argent. La consultation du DMP, c’est de l’efficience, pas du flicage. »
Les éditeurs de logiciels aussi ciblés
Lors du débat, le texte initial a été enrichi de deux amendements identiques déposés par les groupes GDR et Horizons. Il s’agit d’appliquer aussi une pénalité aux éditeurs de logiciels médicaux en cas d’indisponibilité ou de non-conformité des outils nécessaires, empêchant l’alimentation du DMP. « Les médecins ne doivent pas payer pour des logiciels qui ne fonctionnent pas. Sanctionnons plutôt les éditeurs défaillants », a soutenu le député François Gernigon (Horizons). Le rapporteur a salué à cette occasion « une proposition de bon sens ».
En revanche, la commission a écarté deux autres amendements du rapporteur visant à décaler cette mesure en 2028 (au lieu de 2027) et à conditionner son application à un DMP parfaitement opérationnel et harmonisé.
Les députés limitent la durée des arrêts de travail
Les députés ont adopté en commission la limitation de la durée des arrêts de travail prescrits. Cette durée sera fixée par décret, le gouvernement indiquant souhaiter la limiter à « 15 jours » pour un premier arrêt de travail, s'il est prescrit par un médecin de ville, et « 30 jours » à l'hôpital. Toute prolongation serait limitée à deux mois. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu « au regard de la situation du patient » et en le justifiant sur leur prescription.
Cet encadrement doit permettre un suivi « plus régulier des patients, donc une réévaluation au meilleur rythme de leur état de santé », a argumenté le rapporteur général Thibault Bazin. Au contraire, « Qui sommes-nous pour nous immiscer dans la relation entre le patient et le médecin ? », a rétorqué la députée LFI Ségolène Amiot.
La commission a aussi adopté un amendement du rapporteur pour supprimer la possibilité pour la télémédecine de renouveler un arrêt de travail, sauf en cas d'impossibilité dûment justifiée d'obtenir une consultation classique.
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