Dans un département, l’Orne, qui compte un médecin pour 1 750 habitants, avec 30 % de patients sans médecin traitant et un quart des praticiens âgés de plus de 65 ans, l’installation, l’an dernier, du Dr Delphine Chaplain-Fauvel à Écouché, bourg de 2 000 âmes, tient du miracle. « J’ai eu une chance inouïe qu’elle prenne ma suite, reconnaît le Dr Jean-Marie Macé, 68 ans, seul des 22 médecins ornais partis à la retraite l’an dernier à avoir pu passer le relais. À 34 ans, le Dr Delphine Chaplain-Fauvel avait déjà une sérieuse expérience tirée de ses nombreux remplacements : à Caen, la ville où elle a effectué son cursus hospitalo-universitaire – mais l’exercice urbain n’était pas « son truc » -, à Livarot, où elle s’est mise au rural et à Écouché, enfin, où elle a tout d’abord remplacé le Dr Macé.
Alors que tant de collectivités doivent faire le grand jeu pour attirer les internes et les praticiens étrangers à coups de loyers gratuits, de contribution financière de la formation et autres publicités, la petite cité de caractère d’Écouché, en lisière de la bucolique Suisse normande, a bénéficié d’une « arrivée extraordinaire, se félicite le maire-adjoint Gérard Viel. Bien sûr, nous avions fait des efforts financiers comme beaucoup de communes, en construisant il y a six ans un pôle de santé tout équipé. Mais tant de structures attendent encore des années leurs médecins… »
« Une petite repérée de longue date »
« C’est une petite que j’avais repérée de longue date, explique le Dr Macé. Delphine est une fille d’agriculteurs d’Écouché, je soignais sa famille, je suivais son parcours jusqu’à l’inviter à faire des remplacements en quelque sorte chez elle. » « Je suis retournée en somme à la case-départ, confirme l’intéressée, entretemps mariée à un agriculteur d’Écouché. Ici je suis devenue médecin de famille et de familles que je connais bien. Quand ils me disent qu’ils ont de la chance de m’avoir, c’est le top ! J’ai une patientèle heureuse, diversifiée, au contact. »
Le rythme peut faire peur, reconnaît-elle. « Consultations de 8 heures du matin à 8 heures du soir, avec une pause à midi pour faire les visites, mais ici nous avons la chance de travailler en équipe. » « Une équipe très soudée, confirme Virginie Boulanger, l’une des quatre infirmières du pôle. Tous les matins à 10 heures, avec le Dr Chaplain et les trois autres généralistes, nous profitons de notre café pour échanger sur nos cas, nous nous épaulons, c’est super. » Un mini-staff quotidien. « Avec le CH Fernand-Léger d’Argentan, la ville voisine, qui fait de la chirurgie, de l’obstétrique, de la cancérologie et des soins de suite, nous participons aussi aux « jeudis de Fernand », ajoute le Dr Chaplain, des rencontres thématiques plusieurs fois par an pour échanger entre généralistes et spécialistes. Nous continuons d’apprendre ensemble. »
Aux jeunes qui hésiteraient à s’aventurer dans les déserts, la jeune praticienne fait part de son enthousiasme : « Il faut venir en rural, c’est génial », s’écrie-t-elle.
Bien sûr, l’exercice n’est pas facile tous les jours. « De mauvais diagnostics qui parfois se suivent et peuvent plomber le moral ; un remplaçant qui serait bienvenu pour desserrer la pression, prendre de nouveaux patients, partir plus de deux semaines en vacances et qu’on ne trouve pas ; une nomenclature qui mériterait d’être revalorisée. Et des inquiétudes pour l’avenir de la médecine libérale, quand se multiplient les téléconsultations et les pertes de contact ». Le Dr Macé opine : « la médecine salariée risque de prendre le pas. » « Oui, ça va être de plus en plus difficile à vivre, mais devenir médecin continue de faire rêver les jeunes ». Parole d’une nouvelle installée qui n’est pas tombée du ciel, mais venue de son territoire. « En fait, je ne suis jamais partie »…
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