Dr Rochoy (CMG) : « Chaque année, les certificats absurdes représentent 500 actes perdus par médecin généraliste »

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Publié le 27/08/2025

Lundi prochain débutera la deuxième édition de Septembre violet, l’opération lancée par le Collège de la médecine générale, qui alerte sur la multiplication des certificats farfelus et inutiles. Le Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau et responsable du site certificats-absurdes.fr pour le CMG, dénonce un gâchis en termes de temps médical disponible. Et avance des solutions opérationnelles.

Pour le Dr Michaël Rochoy, « ce qui tue du temps médical tue des gens »

Pour le Dr Michaël Rochoy, « ce qui tue du temps médical tue des gens »

LE QUOTIDIEN : Quelles sont les « perles », parmi les certificats absurdes demandés aux médecins généralistes, que vous avez relevées depuis la campagne Septembre violet, née il y a un an ?

DR MICHAËL ROCHOY : On peut citer, pêle-mêle : boire de l'eau, monter à l'échelle, faire une épilation laser… sans oublier celui introduit par Olivier Véran en 2021 : le certificat d’« aptitude à la crèche » qui est absurde au possible. Celui-ci représente, pour les médecins, 400 000 certificats à faire par an, soit environ 8 par médecin !

Qu’est-ce que vous appelez un « certificat absurde » ?

Ce sont les certificats à faible valeur médicale, où on demande à des médecins d’attester des choses qui relèvent du bon sens (comme l’aptitude à la crèche), ou qui sont invérifiables (comme le fait de grimper à l’échelle pour le certificat sécurité incendie) et qui, en tout état de cause, ne relèvent pas de compétences médicales.

Mais ceux qui sont le plus d’actualité en cette rentrée, ce sont les certificats des clubs sportifs non affiliés à une fédération, qui saturent les cabinets. Même si ces clubs et associations les réclament de leur bon droit chaque année puisque rien n’est inscrit dans la loi à ce sujet… Je trouve ici dommage de ne pas suivre ce qui est proposé par le comité médical des Fédérations sportives : en l’occurrence, il n’y a pas besoin d’établir un certificat pour les mineurs, sauf pour quelques sports (plongée sous-marine, sport à KO, usage d’arme ou véhicules terrestres) ; et pour les adultes, un rythme tous les 3 à 5 ans, voire jamais. Nous avons rédigé un communiqué et réalisé une vidéo en ce sens au mois de juin, que nous avons diffusé par mail à 36 000 clubs.

Vous alertez sur le fait que ces requêtes occasionnent un gâchis en termes de temps médical disponible. L’avez-vous quantifié ?

En moyenne, les médecins généralistes réalisent environ 5 000 actes par an. Si 10 % de ces actes sont liés à des « certificats absurdes », hypothèse médiane, cela équivaut à 500 actes perdus par généraliste chaque année. Avec 50 000 généralistes libéraux en activité, faites le compte…

C'est le problème de ces certificats à très faible valeur médicale : ils sont systématiques, ça n'est pas une personne qui gâche parfois deux minutes, c'est tous les médecins qui gâchent énormément de temps chaque jour, malgré la situation de pénurie. Et ce qui nuit à l’accès aux soins nuit à la santé des gens. 

Si on rationalise, on peut avoir, d’ici à la fin de l’année, un équivalent de quelques milliers de médecins généralistes libéraux à temps plein supplémentaires dans notre pays pour vraiment soigner les patients, sans aucune augmentation des dépenses. On pourrait penser que n’importe quel responsable politique qui entend cela signerait des deux mains. Pourtant, rien ne bouge !

Quels autres certificats absurdes ou inutiles rencontrez-vous dans votre quotidien ?

Parmi les plus fréquents, nous retrouvons l’auto-déclaration pour enfant malade et les arrêts de travail inférieurs à trois jours. Par exemple, les gens sont obligés de consulter sous 48 heures pour qu’un médecin écrive sur un formulaire Cerfa qu’ils déclarent avoir eu des diarrhées, de la fièvre, avoir mal au dos… plutôt que de leur donner le moyen de le faire eux-mêmes. Quelle perte de temps, alors que des pays voisins ont déjà cette possibilité. En Belgique, en Allemagne, au Portugal ou au Royaume-Uni, on peut s’arrêter trois jours sans un « mot du médecin », une à trois fois dans l’année.

Que préconisez-vous pour lutter contre ce fléau ?


Sur ce sujet des arrêts courts et congés enfant malade, il faut que le Medef et la CPME fassent preuve de responsabilité et acceptent de bouger. On ne peut pas prétendre lutter contre les dépenses publiques et s’opposer à une réduction des certificats absurdes. Les gens ne vont pas frauder pour le plaisir. Et, de toute façon, s’ils le voulaient, il est facile de duper un médecin pour trois jours. Pour les certificats de sport, nous recommandons que les clubs non affiliés s’alignent sur les règles définies par les comités médicaux des fédérations.

Enfin, pour les autres petits certificats évoqués, il faudrait la définition réglementaire d’une liste limitative de certificats qui peuvent être exigés à un généraliste, et considérer tous les autres comme illégaux et passibles d’amende. Par exemple, pour les assureurs qui demandent une signature et un cachet du médecin lorsqu’il s’agit d’indemniser un patient pour un arrêt prolongé ou pour un prêt emprunteur.

En tout cas, toute décision qui supprimera des certificats absurdes libérera du temps médical pour permettre aux médecins de soigner – et pas de jouer au golf, puisque nous sommes payés à l’acte. J’insiste, toute consultation absurde supprimée sera remplacée par une autre à meilleure valeur médicale, de préférence moins absurde. Au final, ce qui tue du temps médical tue des gens…

Propos recueillis par François Petty

Source : lequotidiendumedecin.fr