Face à l’augmentation des maladies chroniques, l’union (médicale) fait la force ! Cela pourrait être la devise des médecins de l’alliance Clinavenir, un regroupement de cliniques de Haute-Garonne et Tarn-et-Garonne. Deux d’entre eux exerçant à la clinique Pasteur de Toulouse, la Dr Caroline Sanz, diabétologue, et son confrère cardiologue, le Dr Philippe Léger, sont à l’origine du projet innovant Constel’Action.
En 2020, c’est en discutant à bâtons rompus que les deux spécialistes constatent que le suivi d’un patient chronique se fait souvent en plusieurs étapes sans coordination globale, obligeant à multiplier les rendez-vous, les examens et les déplacements, ce qui n’est pas toujours favorable à la santé de la personne.
« Avant, le patient venait à la clinique pour faire un bilan cardio un jour, prenait un rendez-vous avec un gériatre un autre jour puis revenait pour une consultation avec un médecin de sport une troisième fois, témoigne la Dr Sanz. On proposait bien une synthèse médicale, avec des traitements et des conseils, mais le patient repartait ensuite dans la nature sans suivi. Tout le monde perdait du temps et de l’énergie. »
Un suivi à J30 puis tous les mois
Pour sortir de ce fonctionnement en silo, les deux médecins créent un parcours de soins optimisé pour les patients présentant une ou plusieurs maladies chroniques (cardiovasculaire, diabète, BPCO, Nash, etc.). Objectif de Constel’Action : faire travailler en réseau médecins spécialistes, médecins traitants et autres professionnels impliqués (psychologues, diététiciens, tabacologues, éducateurs sportifs, kinés…) sous l’égide d’une infirmière coordinatrice afin d’aider le patient à adopter de nouveaux comportements. Le dispositif est expérimenté en Haute-Garonne depuis octobre 2022 en « article 51 » du budget de la Sécu 2018, cadre national qui recense les projets innovants qui améliorent la prise en charge de patients fragiles et/ou âgés grâce à des équipes de soins coordonnées et des financements dérogatoires. Dans la région toulousaine, plus d’une centaine de soignants sont partie prenante de Constel’Action.
Avant, tout le monde perdait du temps et de l’énergie
Dr Caroline Sanz, diabétologue
Pour intégrer le programme, les patients ciblés doivent être adressés par un de leur médecin, traitant ou non. Depuis le lancement, une trentaine de professionnels proposent régulièrement des patients à l’infirmière coordinatrice de la clinique Pasteur, chargée d’évaluer les dossiers. Le patient est ensuite convoqué sur site une demi-journée pour un bilan initial qui comprend un bilan médical avec imagerie si besoin (fond d’œil, doppler…) ainsi qu’une évaluation paramédicale. Ensuite, la synthèse est effectuée par le médecin responsable de la pathologie (cardio, diabéto) et l’infirmière de coordination. Tous deux élaborent le plan personnalisé de soins (PPS), envoyé ensuite au médecin traitant. « On n’est pas redondant, précise la Dr Sanz. Si le patient est suivi en ville par un cardiologue, on récupère les examens et les comptes rendus déjà faits, qu’on intègre au dossier. »
Au bout de quinze jours, « l’infirmière de coordination rappelle le patient pour savoir s’il est toujours d’accord pour continuer le parcours, décrit la Dr Sanz. Puis on lui donne les coordonnées des professionnels de proximité conventionnés avec nous. » Le suivi se fait ensuite à J30 puis tous les mois pour s’assurer que les soins de proximité ont été réalisés avec des adaptations le cas échéant. Du côté des médecins, une liste de paramètres de suivi a été fixée. « Pour un patient diabétique, c’est l’hémoglobine glyquée, le poids, le tour de taille, l’activité physique, l’humeur, la tension, la qualité de vie. C’est l’infirmier qui fait le point avec le médecin coordinateur », confie la spécialiste, qui affirme assurer « quatre heures de coordination par semaine ». Les patients inclus reçoivent ensuite un bilan à 12 mois afin d’ajuster ou non le suivi, puis poursuivent l’accompagnement pour la deuxième année. Un bilan final est réalisé à la clinique Pasteur au bout de deux ans. Côté rémunération, les soignants impliqués dans chaque équipe de soin perçoivent une partie d’un forfait annuel de 100 euros par patient. Ce dernier n’a aucun reste à charge.
À mi-parcours, 560 patients inclus
Médecin généraliste au centre de santé des Minimes, à Toulouse, la Dr Joanna Simoes a pris l’habitude d’adresser à Pasteur ses patients diabétiques, atteints de Nash ou du syndrome des ovaires polykystiques. « C’est un gain de temps pour mes patients mais aussi pour moi car tout est centralisé, témoigne-t-elle. Je reçois systématiquement les comptes rendus, cela permet d’avoir une bonne visibilité du suivi de la pathologie. »
À mi-parcours de l’expérimentation, Constel’Action a inclus 560 personnes sur un objectif cible de 1 350 patients. Les premières données cliniques ont montré une augmentation de la qualité de vie, une observance médicamenteuse améliorée et un niveau d’activité physique en hausse. Pour les patients atteints d’une pathologie du métabolisme (diabète, Nash), poids moyen et tour de taille ont diminué. « C’est encourageant et enthousiasmant, se félicite la Dr Sanz. Et ça l’est d’autant plus qu’en tant que spécialistes, nous aidons nos confrères généralistes par ce parcours utile et efficace. »
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