Dans l’Indre (36), on ne parle (presque) plus de désert médical mais de réorganisation territoriale. Le département rural, fragilisé par le manque de médecins, a trouvé une recette efficace, grâce à une chaîne fluide pour répondre aux soins non programmés du lundi au vendredi, de 8h à 20h : le service d’accès aux soins (SAS 36) joignable via le numéro dédié 116 117 (appel gratuit), service épaulé par ailleurs par une offre de soins alternatifs transitoires (Osat) pour les patients chroniques sans médecin traitant. Résultat : des milliers d’assurés pris en charge en 2024 sans passer par les urgences.
Une porte d’entrée simple, le 116 117
Tout a commencé fin 2021. L’Indre fut le premier département de la région Centre-Val de Loire à déployer à sa manière le SAS, cette plateforme universelle de réponse aux appels urgents et non programmés. Mais ici, le SAS dispose d’un numéro dédié (alternative au 15) pour ces consultations imprévues : en pratique, le patient compose le 116 117, ce qui lui permet d’être mis en relation avec un assistant de régulation médicale (ARM) du Samu qui qualifie la demande, évalue la situation et oriente le cas échéant vers le SAS proprement dit (médecin régulateur) lorsque la situation relève d’une possible urgence de médecine générale.
Le médecin régulateur du SAS décide de la solution la plus adaptée : conseil médical, prescription médicamenteuse ou d’analyse biologique, consultation par un médecin généraliste ou un dentiste et si besoin, prise en charge par les services d’urgence. Un parcours qui fonctionne : « en quelques minutes, le 116 117 permet d’orienter vers la bonne réponse », résume la Dr Laurence Philippe, l’un des trois médecins généralistes porteurs du projet SAS. « Dans un département comme le nôtre, ajoute-t-elle ce service a permis de redonner un accès aux soins à une grande partie de la population sans médecin traitant, notamment pour les soins non programmés ». Et de fait, malgré une démographie médicale en berne, ce dispositif qui rassure les libéraux a fédéré nombre de médecins de ville qui ont accepté d’ouvrir des créneaux de rendez-vous en journée. « C’est très satisfaisant de voir cette mobilisation » se félicite la Dr Philippe.
Concrètement, 18 308 dossiers ont été ouverts par le SAS 36 en 2024, soit un peu plus de 1 500 par mois : 40 % des appels débouchent sur un conseil médical, 15 % sur des prescriptions d'ordonnance ou de biologie médicale et 30 % sur des rendez-vous chez les généralistes et dentistes. Pour faire fonctionner le système, 76 généralistes et 41 chirurgiens-dentistes effecteurs ont réservé chaque semaine des créneaux dédiés. « Ce volume d’activité témoigne d’un fort ancrage territorial du SAS, devenu en trois ans un outil précieux au service des usagers comme des soignants », se félicite le département. Depuis mars 2024, une filière dentaire intégrée organise des RDV non programmés en cabinet.
L’Osat, relais pour les patients sans médecin traitant
Parallèlement monte en puissance depuis quatre ans une offre de soins alternatifs transitoires (Osat) à Châteauroux avec le soutien des collectivités locales (conseil régional et département) et de la CPTS du cru. Un centre de santé (avec trois médecins salariés, un secrétariat, une infirmière de pratique avancée) reçoit prioritairement les patients chroniques sans médecin traitant. « Avec le SAS, il y avait une réponse pour les soins non programmés mais rien pour le suivi des patients chroniques sans médecin traitant, explique la Dr Philippe. L’idée a donc été de mutualiser le peu de temps médical disponible — médecins remplaçants, retraités volontaires, etc. — pour prendre en charge ces patients ».
En 2024, ce centre financé par un GIP Pro Santé a assuré 9 000 consultations et suivi 1 800 patients, le temps de leur réinscription dans un parcours pérenne. Les plus fragiles y sont prioritaires : 50 % d’entre eux ont plus de 65 ans, 16 % bénéficient de la complémentaire santé solidaire, et près d’un sur deux vit avec une maladie chronique. « La situation est inquiétante, commente la généraliste. Beaucoup renoncent à se soigner faute de médecin traitant. Certains arrêtent leur traitement, d’autres arrivent avec des diagnostics très tardifs ». Là encore, le dispositif rend « un vrai service », en évitant de se tourner vers les urgences.
Pour l’heure, Thierry Bluet, directeur de l’agence d’attractivité de l’Indre, salue cette réussite qui tient d’abord à la clarté de l’organisation et à la confiance des libéraux. « En associant la régulation 116 117 à un accès de proximité via l’Osat, l’Indre propose des solutions concrètes aux habitants ». De quoi faire des émules ?
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