La pilule ne passe pas auprès du collectif NoFakemed. Dans un communiqué cosigné avec l’association française pour l’information scientifique (Afis science), l’organisation présidée par le Dr Pierre de Brémond d’Ars dénonce l’absence de soutien de l’Ordre des médecins (Cnom) face aux condamnations des confrères qui avaient critiqué les pratiques médicales non fondées scientifiquement dans une tribune au vitriol publiée dans le Figaro en 2018. Dans le viseur des 124 médecins signataires d’alors : les médicaments homéopathiques dont l’efficacité n’avait jamais été démontrée. Depuis cette alerte, ces médicaments ont été réévalués par la Haute Autorité de santé et ne sont plus remboursés depuis 2021.
Or aujourd’hui, ce ne sont pas les promoteurs de cette médecine sans efficacité démontrée qui se retrouvent devant les instances disciplinaires de l’Ordre… mais les médecins qui l’avaient désapprouvée. Une soixantaine de signataires de la tribune ont été en effet poursuivis à la suite d’une plainte des syndicats et d’associations de médecins homéopathes devant les chambres disciplinaires régionales. Certains d’entre eux ont été relaxés en première instance mais d’autres ont été condamnés « du simple avertissement à une suspension d’exercice avec sursis ».
Des avertissements, aux conséquences lourdes
Des jugements en appel ont commencé à être prononcés cette année par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins. « Les condamnations arrivent, soit à la suite du passage en chambre disciplinaire nationale pour un confrère, soit pour au moins trois autres médecins par ordonnance. Le magistrat statue directement, et la sanction sera probablement la même pour la majorité des signataires », explique le Dr de Brémond d’Ars au Quotidien.
Selon le généraliste, des avertissements ont été déjà confirmés en appel pour quatre confrères. « Des dizaines d’autres vont suivre sur une soixantaine de praticiens – généralistes, mais aussi urgentistes, anesthésistes-réanimateurs ou cardiologues – qui risquent d’être condamnés dans les prochains mois », affirme-t-il.
Leur faute ? Le non-respect de la confraternité. Dans leurs décisions, les juges disciplinaires reprochent aux signataires d’avoir employé des formules offensantes tels que « charlatans en tout genre », « commerce d’illusions », « pratiques irrationnelles et dangereuses ».
Des pratiques visées, et non des personnes
Des expressions jugées contraires à l’obligation de confraternité inscrite dans le code de déontologie. Au cœur du débat, on retrouve en réalité la définition même de la confraternité. Pour les chambres disciplinaires, les propos de 2018 excédaient la « pondération attendue » et portaient atteinte à des confrères. Pour les signataires, ils visaient uniquement des pratiques médicales invalidées et non des personnes.
Dans cette affaire, le Dr de Brémond d’Ars regrette ce qu’il considère comme un détournement de la justice ordinale : « Au travers de cette notion de confraternité, la justice de l’Ordre a été instrumentalisée pour faire taire des personnes qui s’étaient saisies d’un sujet de santé publique. En 2018, nous parlions de 200 millions d’euros par an de remboursement d’homéopathie. Aujourd’hui, c’est nous qui en payons le prix », déplore le président du collectif, qui réclame « une clarification du statut de lanceur d’alerte dans le domaine de la santé publique ».
Par ailleurs, l’avertissement, une sanction disciplinaire qui peut sembler « légère », commente le président du collectif, entraîne « des conséquences lourdes ». Des praticiens investis dans les conseils départementaux de l’Ordre devront démissionner et seront inéligibles pendant trois ans. « C’est mon cas à titre personnel. Si je reçois un avertissement, je devrais abandonner mon mandat. Plusieurs confrères sont dans la même situation », confie le médecin.
Face à ces sanctions disciplinaires, le président de NoFakemed attend « un soutien » de l’Ordre national des médecins. « Nous attendons du président actuel qu’il s’exprime et qu’il engage une réflexion sur la confraternité et sur le fonctionnement de la justice ordinale, poursuit le Dr de Brémond d’Ars. Mais à ce jour, aucun échange officiel n’a eu lieu. »
Pour l’heure, le collectif compte aider les médecins qui envisagent de porter leur combat devant le Conseil d’État, ultime recours après la chambre disciplinaire nationale. Sollicité par Le Quotidien, l’Ordre national des médecins n’a pas pour le moment donné suite à la demande.
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