Auteure d’un amendement à la loi de santé sur le conventionnement sélectif, la députée de France insoumise (Meurthe-et-Moselle), Caroline Fiat, a finalement retiré son texte avant son examen en commission. L’élue, aide-soignante de profession, avait provoqué une bronca sur Internet alors qu’elle assimilait la liberté d’installation à « une forme d’ingratitude corporatiste envers la collectivité », et qu’elle réclamait une contrepartie aux médecins dont les études seraient payées par l’État et leurs revenus assurés par la Sécurité sociale.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir retiré ce texte ?
CAROLINE FIAT : C’était une grosse erreur de présenter cet amendement sous cette forme. Je l’assume et je présente mes excuses aux médecins et aux internes. Les termes étaient violents et je comprends leur réaction. J’ai entendu le mal que cela a fait. Je suis vraiment désolée. Je suis l’une des rares députés de l’hémicycle à évoquer les suicides des soignants et des internes et je suis très sensible à ces problématiques. Mais je suis aussi très préoccupée de la situation des citoyens qui ne trouvent pas de médecin.
Mais vous pensiez ce que vous avez écrit lors de la rédaction de cet amendement, non ? Vous n’aviez pas mesuré la portée de ces propos ?
Ce sont des termes que je regrette. Parfois les mots partent plus vite que ce que vous pensez exactement, il suffit d’être un peu moins en forme, un peu plus énervé. Le travail de rédaction des textes est parfois complexe, il y a plusieurs intervenants, on mène plusieurs projets en parallèle… Mais je ne cherche pas d’excuse. Encore une fois, c’est une erreur que je prends pour moi. J’ai retiré le texte.
Vous écriviez notamment que « l’État finance les études des médecins », suggérant que les étudiants sont redevables à la société…
Je le regrette parce que j’ai bien conscience que ce sont les internes qui font tourner les hôpitaux aujourd’hui et à moindre coût ! Ils peuvent faire cent heures dans la semaine. Je connais leur situation. D’ailleurs, les soignants qui me connaissent ont été surpris des termes employés dans cet amendement !
Vous ne renoncez pas pour autant à votre idée du conventionnement sélectif favorisant les zones sous-dotées ?
En effet, il sera réécrit et présenté en séance publique à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.
Les internes et les jeunes médecins dénoncent pourtant cette mesure. Pourquoi ne pas entendre leurs revendications ?
Parce que nous n’avons plus le choix. On est aujourd’hui victimes de la fermeture du numerus clausus décidé il y a plusieurs années. Les internes n’en sont pas responsables bien sûr. Mais notre responsabilité à tous, c’est de trouver une solution aux personnes qui n’ont pas de médecin. Les effets de la suppression du numerus clausus décidée par le gouvernement ne se feront pas sentir avant 10 ans. Il faut une mesure d’urgence, pour une situation d’urgence.
Pourquoi ne pas opter pour des approches incitatives afin de favoriser l’installation des médecins dans les zones sous-dotées ?
Parce que ça ne fonctionne pas. Je prends l’exemple de la Mayenne. Ils ont tout essayé en matière d’incitations et ça ne marche pas. J’ai l’exemple d’une maman dont le bébé de 10 mois était atteint d’une gastro. Elle n’a pas trouvé de médecin, son enfant a fini à l’hôpital déshydraté. On ne peut plus accepter ces situations.
En les forçant à s’installer dans une région qu’ils ne souhaitent pas, vous risquez de détourner les jeunes médecins de l’exercice libéral.
Je sais que tout le monde ne souhaitera pas jouer le jeu et entendre qu’il va peut-être falloir faire un effort pendant quelques années pour répondre à cette urgence de l’accès aux soins, pour permettre à tout un chacun de se soigner. Mais je reste persuadée que quand on est soignant, que ce soit médecin, aide-soignant, infirmier, on choisit cette voie-là par humanité et pour soigner autrui.
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