Pour le Dr Saïd Ouichou, médecin généraliste à Marseille, la décision de justice à l’encontre de l’agresseur du Dr Mohamed Oulmekki, son confrère de 64 ans agressé en novembre dernier dans sa salle de consultation à Drancy (Seine-Saint-Denis), est « la goutte de trop ».
Jeudi 13 février, l’auteur de cette agression très violente a écopé, de la part du tribunal de Bobigny, d’une sanction qui a été jugée insuffisante, voire dérisoire, par de nombreux médecins, à savoir trois semaines de travaux d’intérêt général, 2 000 euros d’amende, un an d’inéligibilité et l’interdiction de venir au cabinet du médecin de famille. Pour le Dr Ouichou, révolté, la sanction prononcée est une insulte à la profession. « Qu’il y ait des agressions, c’est une chose, mais qu’on se fasse marcher dessus par la justice, c’est impensable. Cette décision piétine les médecins, c’est au-dessus de tout ce qu’on peut accepter », s’indigne-t-il.
« Cela donne clairement l’impression que frapper un médecin n’est pas si grave
Dr Saïd Ouichou, médecin généraliste à Marseille
Pour le médecin de famille exerçant dans le 15e arrondissement de Marseille, dont une consœur s’était également fait agresser en août dernier par deux patientes après un refus d’ordonnance, cette peine envoie surtout un très mauvais message. « Cela donne clairement l’impression que frapper un médecin n’est pas si grave, que si vous frappez un médecin, vous ne risquez finalement pas grand-chose », s’étonne-t-il.
De l’avis du généraliste marseillais, lui-même victime d’agressions par le passé, cette violence est malheureusement perçue par les autorités comme un « phénomène de société », avec un caractère inéluctable. « Sauf que, derrière tout ça, il y a des médecins découragés, qui ferment leur cabinet (…) et des patients qui ne sont pas soignés et sont privés de soins », soulève le généraliste. Il estime au passage que la profession ne bénéficie ni du plein soutien du ministère de la Santé ni de celui de la Justice.
Sanctions exemplaires ?
Plusieurs syndicats et collectifs de médecins sont remontés au front depuis deux jours, pressant le gouvernement d’agir. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) se dit ce lundi « effaré par la décision des juges » après cette « agression effroyable ». « Nous demandons depuis plusieurs mandatures ministérielles des peines renforcées pour ceux qui s’en prennent aux médecins », rappelle le SML, qui exige un plan concerté entre la Santé, l’Intérieur et la Justice. « Messieurs les ministres, vous ne pouvez laisser des soignants se faire agresser, exhorte aussi l’UFML-Syndicat. Chaque agresseur de blouse blanche doit se voir sanctionner de façon exemplaire. Nous attendons une réaction de chacun d’entre vous. »
Pas en reste, l’association Médecins Pour Demain demande un engagement fort des autorités et met en avant ses propositions concrètes : rédaction d’une convention santé-sécurité-justice avec les services de gendarmerie ou de police, pré-identification des numéros de téléphone des cabinets lors de l’appel aux forces de l’ordre pour un traitement rapide de l’appel, ou encore bouton d’appel d’urgence systématique dans les maisons médicales de garde.
Le Dr Ouichou – qui ne se revendique d’aucun syndicat – a décidé d’agir à son échelle en lançant un appel à la mobilisation nationale le 12 mars, à l’occasion de la journée européenne de sensibilisation à la violence envers les médecins et les professionnels de santé. « J’appelle tous les médecins à fermer leur cabinet ce jour-là pour montrer que nous ne sommes pas d’accord avec cette décision, souligne le généraliste. C’est la seule solution pour qu’on se fasse enfin entendre par les pouvoirs publics qui restent totalement muets sur le sujet ! »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique