Les médecins libéraux doivent décidément être vigilants sur tous les fronts dans cette séquence budgétaire parlementaire incertaine. Parallèlement au budget de la Sécurité sociale (PLFSS), très fortement critiqué par la profession, le projet de loi finances (budget de l’État) examiné par les députés recèle lui aussi quelques pépites fiscales susceptibles de mécontenter le secteur.
C’est dans ce contexte qu’un amendement du groupe socialistes et apparentés, porté par Christine Pirès-Beaune (Puy-de-Dôme), s’est attaqué à certains abattements dont bénéficient les médecins conventionnés, l’objectif affiché étant de les concentrer dans les zones les plus fragiles. Selon l’exposé des motifs, ce recentrage permettrait de concilier deux impératifs : « lutter contre les déserts médicaux » et « rééquilibrer » les finances publiques, quitte à alourdir quelque peu la fiscalité des praticiens. L’amendement a été adopté en début de semaine par l’Assemblée nationale, contre l’avis du gouvernement.
Effets d’aubaine supposés
Cet amendement revisite ainsi le code des impôts et plus précisément les abattements fiscaux (sur leur BNC) dont bénéficient les médecins conventionnés, et qui sont aujourd’hui de trois natures et cumulables : un premier abattement de 2 % au titre des frais professionnels (blanchisserie, réception, cadeaux professionnels par exemple), en lieu et place d’une déclaration des frais réels, réservé aux conventionnés secteur 1 ; ensuite, un abattement forfaitaire compris entre 770 et 3 050 euros, en fonction du type d’activité exercée et du montant du BNC, dit « abattement groupe III » ; et enfin une déduction de 3 % du BNC, dite « complémentaire ».
Selon le PS, le coût pour les finances publiques de ces trois dispositifs est estimé à plus de 350 millions d’euros par an, « alors que leur fondement n’est pas ou très peu documenté et présente un effet d’aubaine élevé ».
Récompenser les efforts dans les déserts
Concrètement, il est proposé de réserver aux seuls praticiens installés dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante l’abattement forfaitaire de groupe III (entre 770 et 3 050 euros de BNC donc) ainsi que la déduction complémentaire de 3 % du BNC. Ces abattements « se justifieraient dès lors par les efforts consentis par certains praticiens quant au choix de leur lieu d’installation et par la particularité de l’exercice dans nombre de ces zones », indique l’exposé des motifs.
Seul l’abattement existant de 2 % au titre des frais professionnels (en secteur 1) serait conservé pour l’instant pour tous les médecins même s’il est lui aussi jugé « généreux » dans l’argumentaire socialiste. Au demeurant, le PS agite déjà la menace : au même titre que de nombreux chefs d’entreprise, les praticiens conventionnés pourraient « tous déclarer au réel » leurs frais. À suivre donc au fil des prochaines étapes de la discussion parlementaire.
« Cette réforme des abattements, on ne l’avait pas vue venir, c’est lunaire, se désole le Dr Richard Talbot, médecin généraliste et expert de la FMF, qui évalue le surcoût moyen à 4 000 euros par an par médecin. Veut-on encore conserver des généralistes libéraux en secteur 1 ? Entre le PLFSS qui est franchement anti-médecins libéraux, le projet de loi sur les fraudes et ça, ça commence à faire beaucoup. »
Le conditionnement des abattements fiscaux procurerait à l’État une économie de l’ordre de 200 millions d’euros par an, grâce à un dispositif moins coûteux. Et cela « constituerait pour les praticiens une incitation additionnelle à s’installer dans un désert médical », martèle le OS. Qui va plus loin : l’argent dégagé pourrait irriguer les déserts médicaux avec le soutien aux centres de santé en zone sous-dotée.
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