« Moi, j'ai hâte d'y être, parce que tant qu'on n'a pas commencé, on n'a pas encore fini. » Alors que devait commencer ce mardi, en fin après-midi, l’examen en séance publique du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026), le rapporteur général Thibault Bazin ne cachait pas sa détermination et sa volonté d’aboutir à un budget équilibré.
Devant les journalistes sociaux de l’Ajis, le député LR de Meurthe-et-Moselle a expliqué que le PLFSS ne se résumait pas à voter rapidement des articles à la chaîne mais bien à « construire des textes justes ». « Et il ne faut pas nuire », a-t-il martelé, admettant en particulier n’avoir pas réussi à « convaincre » ses collègues en commission de supprimer plusieurs mesures irritantes pour la médecine libérale.
Trouver la juste rédaction
« Plus je lis, plus j'écoute, plus je comprends qu’on a dans certains articles, derrière, des effets dissuasifs », a-t-il ajouté. C’est le cas de l’article 26, qui s’attaque aux dépassements d’honoraires en soumettant les revenus tirés de l’activité non conventionnée à une sur-cotisation à définir par décret. « Tout le monde est contre les dépassements d’honoraires mais après, il faut voir la bonne mécanique. C’est facile de voter d’une seule main un article, c’est facile de le supprimer mais c’est plus difficile de construire une rédaction la plus juste possible », a décrypté le rapporteur, reconnaissant les « effets pervers » de l’article ainsi rédigé.
Pour le député, cette surtaxe éventuelle met sur le même plan les médecins qui « abusent », minoritaires, et ceux qui jouent le jeu du tact et mesure. Ainsi, un praticien qui réalise seulement 15 % de ses actes en dépassement pourrait être sanctionné comme un confrère qui pratique quasi systématiquement des tarifs libres. « En gros, je vous taxe les dépassements et je ne fais aucune différence entre ceux qui jouent le jeu de la maîtrise tarifaire en Optam et les autres », insiste-t-il. Le député reconnaît aussi le long gel tarifaire préjudiciable aux spécialistes concernés. « Quand j'ai constaté que l'appendicectomie sous cœlioscopie n’avait pas évolué dans sa tarification depuis 20 ans, je me suis posé des questions. Est-ce qu'il n'y a pas une forme d'hypocrisie de l’Assurance-maladie de ne pas avoir modifié certaines cotations ? » « Avant de taxer, il faudrait peut-être commencer par réévaluer », synthétise-t-il.
Pour le rapporteur, si l’article est maintenu tel quel, « on risque d’avoir un effet d'accélération du déconventionnement et de la sortie de l’Optam ». Et le patient devra supporter « les mesures mal calibrées », note le rapporteur qui appelle à une forme de compromis.
Imagerie, radiothérapie : la finesse plutôt que la brutalité
Autre « irritant » évoqué par Thibault Bazin : l’article 24 qui entend lutter contre les phénomènes de « rente », dénoncés par la Cnam, en habilitant le directeur de l’Assurance-maladie à procéder à des baisses unilatérales de tarifs en particulier en radiothérapie et en imagerie médicale. Le rapporteur du PLFSS plaide ici pour un ajustement spécialité par spécialité, voire acte par acte, afin d’éviter de pénaliser les médecins et structures qui garantissent un maillage territorial en continu. « Est-ce qu'on peut avoir un peu de finesse ?, suggère, faussement naïf, le rapporteur. Il peut y avoir des spécialités qui font des actes peu rentables dans l’intérêt des patients, mais aussi à côté des actes très rentables ».
Par exemple, Thibault Bazin met et en garde contre une approche purement comptable sur les tarifs des équipements lourds. « Si vous baissez les forfaits techniques de manière bête et méchante, qui croyez-vous que vous allez pénaliser ? Vous allez pénaliser les libéraux qui jouent le jeu de la PDS, de la continuité des soins ou de la prévention y compris dans des hôpitaux de proximité. Et là, je me dis, c'est quand même fou ». Le rapporteur confie sa crainte d’un dispositif brutal. « Au départ, le titre de l’article paraît bien : “lutter contre les rentes”. Mais quand je commence à regarder spécialité par spécialité, je me dis que je vais avoir des victimes collatérales. »
Quant à l’alimentation obligatoire du DMP, sous peine de pénalités financières (article 31) , le rapporteur défend une mesure « symbolique » permettant de fixer le cap et de systématiser les bonnes pratiques. Mais « sans systèmes informatiques adaptés, la sanction n’aura aucun effet », modère-t-il.
Le rapporteur conclut sur un appel au réalisme en évitant les mesures inutiles. « Si à la fin, on peut avoir un budget de la Sécurité sociale qui a évité le maximum d'irritants, et qu'on puisse donner au pays un peu de visibilité, un peu de stabilité, je pense qu'on aura réussi ». De là à y parvenir…
L’alerte du ministre Farandou sur la Sécu
La ministre de la Santé Stéphanie Rist a ouvert cet après-midi l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale, appelant les jeunes générations à « ne pas perdre le sens de la Sécurité sociale », reprenant à son compte les mots de Simon Veil. Mais c’est son collègue Jean-Pierre Farandou, très alarmiste, qui s’est fendu d’une déclaration choc sur la situation financière. Dans son discours en amont des débats, le ministre du Travail et des Solidarités a brandi son « droit d’alerte », estimant que « la Sécurité sociale est menacée » en raison de son très haut niveau de déficit (23 milliards en 2025), historique hors crise sanitaire. Reprenant l’argumentaire de la Cour des comptes sur les besoins massifs de trésorerie de la Sécu, le ministre a affirmé que « nous entrons dans une zone de turbulences », sous-entendant l’urgence d’agir. L’ancien patron de la SNCF a en ce sens appelé à « un débat plus large sur le financement de la Sécurité sociale » dans les prochains mois.
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