Des médecins de ville inquiets des aléas de la vie et craignant particulièrement l’impact d’un arrêt long, au regard de leur protection sociale : c’est l’un des enseignements d’une étude réalisée par OpinionWay pour l’assureur Swiss Life France* à laquelle 205 généralistes libéraux ont participé pour la première fois (dans le cadre d’une étude plus large évaluant le « sentiment de vulnérabilité » que les travailleurs non-salariés – dirigeants de TPE, indépendants – ressentent en matière de protection sociale).
Inflation, tensions géopolitiques, réformes incertaines… La conjoncture actuelle et le climat d’instabilité sont une source d’inquiétude pour 72 % des généralistes, qui redoutent des répercussions concrètes sur leur activité (71 %). L’indice de vulnérabilité mesuré dans l’étude atteint ainsi 70/100 chez les généralistes (contre 67/100 chez les travailleurs indépendants et dirigeants de TPE, aussi interrogés), un niveau jugé « intense » par l’assureur.
La peur de devoir s’arrêter sans amortisseur
Ce sentiment de vulnérabilité de l’ensemble des travailleurs non-salariés face à la protection sociale (mais particulièrement chez les généralistes) s’explique notamment par la conscience d’un « manque de sécurité » auquel ils estiment qu’ils seraient confrontés en cas d’interruption de leur activité, même momentanée.
Cette crainte de devoir s’arrêter (sans amortisseur garanti) est particulièrement vive chez les généralistes, à hauteur de 88 % (contre 81 % des dirigeants de TPE et des autres indépendants). « Même un arrêt de durée moyenne mettrait la majorité des travailleurs non-salariés en difficulté, ce qui pourrait influencer leurs choix de vie », souligne l’étude.
A fortiori, lorsqu’il s’agit d’un possible arrêt de travail de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, le sentiment de crainte atteint un niveau très élevé chez les généralistes sondés (87 % contre 81 % des dirigeants de TPE par exemple). Cette fragilité exprimée a des conséquences sur les comportements. Ainsi, pour prévenir ou limiter les arrêts, « 55 % des généralistes évitent certaines activités qu’ils jugent risquées », peut-on lire.
Pas assez couverts face aux aléas
Sans surprise, une écrasante majorité de généralistes (91 %) jugent que les garanties offertes par leur couverture sociale (santé/prévoyance) ne couvriraient pas « correctement » au moins un besoin essentiel en cas de difficulté liée aux aléas de la vie.
Dans le détail, 83 % des généralistes jugent leur couverture actuelle « insuffisante » en cas d’arrêt de travail. Principaux points faibles cités par les médecins de famille : la continuité de l’activité (63 %), le maintien de la rémunération (61 %), l’accès à un accompagnement psychologique (56 %) et la protection de la famille (51 %) ou encore la mauvaise couverture des soins médicaux (23 %). En cas d’invalidité, les mêmes inquiétudes sont pointées par les médecins, qui jugent à 86 % leur couverture insuffisante.
Le même sentiment de vulnérabilité s’exprime en cas de décès avec 83 % des omnipraticiens jugeant leur protection sociale insuffisante pour protéger leurs proches. Les inquiétudes concernent ici la garantie d’une pension longue durée à leurs enfants ou conjoint (65 %) et la capacité de cette couverture à maintenir un revenu temporaire pour leur famille (63 %). Par ailleurs, près de la moitié des généralistes (48 %) doutent que les frais d’obsèques puissent être correctement couverts, ou que leurs dettes éventuelles ne soient transmises à leurs héritiers (43 %).
Point plus positif pour la profession, si la moitié des travailleurs non-salariés (50 % des indépendants et des dirigeants de TPE) renoncent à des soins jugés trop coûteux, ce renoncement aux soins chute à 15 % chez les généralistes. Ils sont « mieux couverts et plus conscients des risques », avance l’étude.
Certains contrats largement adoptés
Dans ce contexte de fragilité, 39 % des généralistes interrogés font du renforcement de leur protection sociale actuelle une priorité, même si cette volonté se heurte à un système de couverture sociale jugé complexe (par 79 % des médecins du panel et trois quarts des travailleurs non-salariés). À cet égard, la quasi-totalité (92 %) des généralistes estiment que la protection sociale dont ils bénéficient est « inférieure » à celle des salariés.
À noter que face à la peur d’une perte de revenus que représentera leur passage à la retraite, les généralistes libéraux sont plus prompts (que les autres indépendants) à passer à l’action. Ainsi, 87 % d’entre eux déclarent avoir souscrit à (au moins) un contrat de protection sociale : retraite supplémentaire (60 %), prévoyance (78 %), temporaire décès (21 %), épargne salariale (19 %).
* Cette étude réalisée par OpinionWay, évaluant le sentiment de vulnérabilité, en matière de protection sociale, a été menée auprès d’un échantillon de 870 travailleurs non-salariés (339 indépendants, 326 dirigeants d’entreprise de 1 à 9 salariés et 205 médecins généralistes libéraux), interrogés par questionnaire auto-administré en ligne entre le 21 mai et le 5 juin 2025.
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