La voix du sage résonne toujours fort dans cette petite bourgade du Berry. Au pays de George Sand, l’exercice du Dr Félix Akiyo, médecin généraliste de 81 ans, continue de forcer le respect. Particulièrement auprès des quelque 800 habitants de la commune de Saint-Août, dans l’Indre. Et sans doute au-delà : près de cinquante ans de relations médecin-patient forgent des liens indéfectibles.
L’histoire commence à la fin des années 1970, avec une installation due au hasard pour celui qui était alors un tout jeune généraliste originaire du Bénin. « J’ai fait mes études secondaires à Cotonou, la capitale, ensuite la fac de médecine à Dakar », se remémore-t-il. À l’époque, les choix pour faire médecine depuis le Bénin étaient plutôt restreints. « Soit on allait à Dakar et on pouvait rentrer chez nous chaque année, soit on allait en France, auquel cas on ne rentrait que tous les deux ans », détaille le généraliste octogénaire. Qui se décide pour l’option Dakar, plus pratique pour continuer de voir sa famille.
Pour nous, la France c’était la Mecque de la médecine, l’occasion de continuer à apprendre beaucoup de choses
Jusqu’à ce que le carabin de 26 ans se voie proposer une bourse pour poursuivre ses études en France. « Pour nous, la France c’était la Mecque de la médecine, l’occasion de continuer à apprendre beaucoup de choses », poursuit celui qui se décide à tenter l’aventure. Il se retrouve alors, en 1972, interne en gynécologie-obstétrique à la fac de médecine de Tours et en stage à l’hôpital de Châteauroux.
Les choses s’accélèrent lorsque le médecin généraliste du village de Saint-Août, distant d’une vingtaine de km de la préfecture de l’Indre, décède dans un accident de voiture. Félix Akiyo, qui termine tout juste son cursus, est le seul interne de sa promotion à avoir passé sa thèse, en l’occurrence sur la stéatorrhée.
Les héritiers du généraliste décédé sont à la recherche d’un médecin pour reprendre le cabinet de leur père car, « à l’époque, les patientèles se revendaient », souligne le Dr Akiyo. « Ils ne trouvaient pas de généralistes intéressés alors ils font appel à moi pour un remplacement d’un mois, en attendant de trouver un repreneur. »
Mais au bout d’un mois, toujours pas de successeur. Entre-temps, les habitants de la commune qui, au départ, regardaient ce médecin de couleur « un peu comme une bête curieuse » l’ont adopté. Au point de signer une pétition pour que celui qui est devenu « leur médecin noir » puisse s’implanter définitivement dans le village. « C’était en 1977… », se souvient le médecin de famille, qui n’est jamais reparti. Et continue à accueillir de nouveaux patients.
Quand les gens me font remarquer mon âge, je leur réponds que cette question n’a jamais été posée à Charles Aznavour, qui chantait à 90 ans
Ces derniers sont-ils surpris d’être reçus par un médecin de campagne qui a dépassé les 80 printemps ? « Quand les gens me font remarquer mon âge, je leur réponds que cette question n’a jamais été posée à Charles Aznavour qui chantait encore à 90 ans, ou à Einstein qui travaillait toujours sur les questions de physique quantique et la relativité à un âge avancé. Je le fais parce que ça me plaît », glisse, taquin, le Dr Akiyo. Fidèle à la première devise de tout médecin, primum non nocere : « Tant que j’ai ma tête qui fonctionne, il n’y a ni souci ni danger », insiste celui qui continue à suivre des séances et séminaires de formation continue pour suivre les évolutions médicales.
Résister et soigner les gens
« Une partie de mes études de médecine, j’ai pu les faire grâce à une bourse payée par les générations qui ont précédé les patients que je suis. De quel droit refuserais-je aujourd’hui de prendre en consultation ceux qui pourraient être leurs enfants ou leurs petits-enfants alors que je peux encore exercer ? », philosophe ce généraliste qui ne compte pas ses heures.
Le praticien n’ignore rien des évolutions de la démographie médicale. « Dans quelques années, on aura pléthore de médecins, mais en attendant, il faut résister et soigner les gens. » Avant de rappeler qu’il n’a pas accompli son parcours seul. « J’ai eu la chance d’avoir une famille qui comprenait ma motivation. Ma femme aurait pu me dire brutalement : “Tu choisis entre ton métier et moi !” » Mais elle a choisi de l’accompagner, pour le plus grand bien des habitants de cette portion du territoire du Berry.
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