Vers un plafonnement du secteur 2 ? Les médecins spécialistes de bloc sonnent le tocsin

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Publié le 24/10/2025
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La mission parlementaire sur les dépassements d’honoraires des médecins libéraux vient de rendre ses conclusions. Elle appelle à un plafonnement de ces derniers et propose de rendre l’Optam obligatoire pour les nouveaux médecins s'installant en secteur 2. C’est peu dire que les principaux concernés n’apprécient pas l’attention politique qui leur est portée.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Gros choc frontal en perspective entre les syndicats de médecins libéraux spécialistes, les représentants de la Nation et le pouvoir exécutif, dans le contexte, déjà houleux, des débats sur le budget de la Sécurité sociale 2026.

En effet, les députés Yannick Monnet (PCF) et Jean-François Rousset (EPR), chargés au mois de mai par l’ex-gouvernement Bayrou de dresser un état des lieux des dépassements d’honoraires, viennent de rendre, ce jeudi 23 octobre 2025, leurs conclusions à l’actuel locataire de Matignon, Sébastien Lecornu.

Leur rapport d’une centaine de pages a reçu un accueil « positif » de la part du Premier ministre, ont assuré les deux élus, face à la presse. Qui n’hésite pas à tailler dans le vif pour répondre à des dépassements dont « la généralisation » est devenue « difficilement supportable pour une partie de la population » et qui se traduit par des difficultés croissantes d’accès aux soins.

En parallèle, le gouvernement avance ses pions à l’assemblée en proposant aux députés de voter dans le cadre du PLFSS une surcotisation sur les dépassements d'honoraires. L’étau se resserre.

Inscription d’office en secteur 1

Dans le détail, Jean-François Rousset, par ailleurs ancien chirurgien, et Yannick Monnet, formulent dix propositions pour enrayer ce phénomène. Certaines sont pour le moins drastiques.

Pour encadrer l’ensemble des dépassements, les députés suggèrent de désormais rendre l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) obligatoire « pour toute nouvelle inscription en secteur 2 » et de réformer ce dispositif « en profondeur ». Comment ? En instaurant un parcours pour les jeunes médecins qui devront, les cinq premières années, « réaliser au moins 50 % de leur activité à tarif opposable ».

Au regard de cet engagement contractuel, renouvelable tous les cinq ans sur décision du directeur de l’ARS, le médecin spécialiste qui ne respecte pas ces engagements se verrait automatiquement inscrit en secteur 1. Et pour ce dernier, pas de réel espoir d’échappatoire avec une bascule en tout libéral, hors Assurance-maladie, les membres de la mission appelant à la fin des remboursements des prescriptions des médecins en secteur 3.

Enfin, le texte envisage un contrôle annuel sur le niveau de dépassement des médecins spécialistes qui opteraient pour ce nouveau secteur 2. Pour mémoire, les trois quarts des jeunes spécialistes qui s'installent aujourd'hui pratiquent des dépassements d'honoraires, selon le rapport du Haut conseil de l'assurance maladie (Hccam) publié début octobre.

Les élus soulignent, au passage, qu’en 2024, quatre spécialités représentaient deux tiers des dépassements d’honoraires : l’anesthésie, la chirurgie, l’ophtalmologie et l’imagerie médicale et radiodiagnostic.

« Trois scénarios étaient possibles, ne rien changer au système actuel, la suppression pure et simple des dépassements […], et, enfin, leur réduction et la maîtrise de leur évolution », résume Yannick Monnet. « Nous avons choisi l’approche la plus pragmatique », poursuit le député communiste de l’Allier.

La mission insiste également sur la nécessité de finaliser la révision de la classification commune des actes médicaux (CCAM). Son « dernier toilettage remonte à 2005 », rappelle Jean-François Rousset. En forme de gage et de contrepartie à ce qui s’annonce ni plus ni moins comme la possible suppression du secteur 2 actuel ?

Les spécialités de bloc furibondes

Pendant ce temps, sur le terrain, la résistance s’organise. Le matin même de la publication du rapport de la mission parlementaire, les présidents de l'Union des chirurgiens de France (UCDF), du Syndicat national des chirurgiens urologues français (SNCUF), du Syndicat des anesthésistes libéraux (AAL) et du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof), réunis au sein du syndicat Le Bloc, clamaient leur colère face à un risque de restriction de l'accès au secteur 2.

« Aujourd’hui, la réalité c’est que 40 % à 70 % des actes que nous effectuons en secteur 2 sont au tarif opposable », assène le Dr Didier Legeais, président du SNCUF. « En anesthésie, 20 % des effectifs, soit 3 200 libéraux, font 60 % de l’activité chirurgicale », martèle le Dr Loïc Kerdiles, chef de file de l’AAL. « Sans secteur 2, il n’y a pas d’obstétrique libérale et l’hôpital ne pourra faire face », renchérit le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syngof. Et sans dépassement d’honoraires, « réalisés avec tact mesure », face à l’absence totale de réévaluation des tarifs, ces spécialités ne pourraient continuer leur pratique.

« La vérité, c’est que l’Assurance-maladie nous a abandonnés », assure le Dr Philippe Cuq, président de l’UCDF. Face aux sérieuses menaces qui planent sur le secteur 2, les représentants syndicaux appellent les spécialistes libéraux à sortir de l'Optam et à s'exiler plusieurs jours à Bruxelles au mois de janvier 2026. « Un mouvement que nous voulons massif et qui se chiffrera en milliers de médecins », espère le Dr Cuq. Objectif : faire toucher du doigt aux responsables politiques la réalité d’une France sans médecins spécialistes libéraux. Avec l’avantage, étant à l’étranger, de ne pas pouvoir être réquisitionnés.


Source : lequotidiendumedecin.fr